SECTION II: LE CONTRÔLE DE
PROPORTIONNALITÉ EN DROIT COMPARÉ
Le contrôle de proportionnalité, comme on le
connaît déjà, a pour objectif de limiter l'exercice du
pouvoir discrétionnaire de l'Administration.
Au niveau international, on peut distinguer deux principaux
systèmes de contrôle de proportionnalité. Le premier a
été inauguré par la jurisprudence constitutionnelle
allemande par l'utilisation du terme proportionnalité. Elle est
actuellement suivie par plusieurs pays dont la France et Madagascar. Le second
applique le principe du raisonnable et de la balance. En fait, il y a d'une
part le système romano-germanique, et d'autre part le système
anglo-saxon.
§1- Le système romano-germanique
Michel FROMONT, en étudiant le principe de
proportionnalité en droit allemand, l'a défini comme: «
principe qui prohibe toute atteinte excessive aux droits ou à la
situation d'un individu et qui impose à l'Etat une obligation de
modération »68.Dans ce sens, le principe de
proportionnalité comprend trois éléments: la pertinence,
la nécessité et la proportionnalité au sens strict. Mais
avant tout, nous allons résumer successivement la genèse du
contrôle en droit romano-germanique.
A. La genèse du contrôle de
proportionnalité
Madagascar est l'un des pays qui adopte le système
romano-germanique. Il nous semble alors opportun d'étudier le
modèle allemand notamment le contrôle de proportionnalité
sur sa genèse et son influence à travers les doctrines dont
celles d'Otto MAYER et Walter JELLINEK.
67 C.A, 20 janvier 1982, RAHOLDINA Fiara Hafadrainy
A., RJCA de 1977 à 2003, Jurid'Ika, Antananarivo, 2004, n° 89, p.
117
68 Michel FROMONT, Le principe de
proportionnalité, AJDA, Dalloz, 1995, p. 156
1. 46
Doctrine d'Otto MAYER
Otto Mayer est le précurseur du principe de
proportionnalité en Allemagne par le biais de son ouvrage : «
Traité de droit administratif »69. Il a utilisé,
le terme proportionnalité « du moyen de défense contre un
danger, pour décrire le comportement légal d'une autorité
de police »70, une image évangélique : « on
ne doit pas attacher le blé avec la mauvaise herbe »71,
il précise sa pensée : « ... La réaction de
l'autorité de police ne peut viser que l'administré dont provient
la perturbation lorsque la loi autorise des mesures énergiques, cela va
de soi. Mais en outre en raison de son fondement dans le droit naturel,
l'exigence de proportionnalité de la réaction demeure valable et
détermine l'ampleur de la manifestation de la force qui est
considérée comme admissible (...) Là où le maintien
de l'ordre semble devoir être assuré par un moyen plus doux
l'autorité, commet un excès de pouvoir si elle emploie un moyen
plus brutal »72.
La Cour Constitutionnelle Fédérale d'Allemagne
a donné un sens substantiel du principe de proportionnalité qui
s'imposerait aux autorités publiques dans l'exercice de leurs pouvoirs
de police. Ce principe est aujourd'hui d'ordre constitutionnel73,
implicitement consacré par la Loi Fondamentale Allemande de 1949, en
constituant la liaison emblématique de l'Etat de droit avec les droits
fondamentaux. Pourtant, il demeure un principe d'origine jurisprudentielle.
2. Doctrine de Walter JELLINEK
Le principe de proportionnalité occupe dans le droit
allemand une place particulière, exprimée par la phrase de W.
JELLINEK: « On ne tire pas sur les moineaux avec un canon
»74, c'est à dire que les moyens utilisés doivent
être équivalents au but, autrement dit il faut qu'il y ait un
équilibre entre les parties concernées.
69 Michel FROMONT, Le principe de
proportionnalité, AJDA, Dalloz, 1995, p. 156
70 Georges XYNOPOLOULOS, Le contrôle de
proportionnalité dans le contentieux de la Constitutionnalité et
de la légalité en France, Dalloz, 1995, page 160
71 Michel FROMONT, Le principe de
proportionnalité, AJDA, Dalloz, 1995, p. 157
72 Idem
73 Idem
74 Xavier Phillipe, Le contrôle de
proportionnalité dans la jurisprudence constitutionnelle et
administrative française, Economica, 1990, p. 44
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À la fin du XIXème siècle et au
début du XXème siècle, les auteurs allemands ont
étudié le principe de proportionnalité dans le cadre du
pouvoir discrétionnaire. On a essayé de cette façon de
limiter le pouvoir de l'exécutif, qui n'a pas été
contrôlé par un Parlement fort et démocratique. À la
place d'une révolution qui n'avait jamais eu lieu, la doctrine a
construit un mécanisme juridique afin de balancer le pouvoir de monarque
et sa police.
Ainsi selon W. JELLINEK, « le pouvoir
discrétionnaire se limitait au pouvoir non prévu par la loi.
Toute conception insérée dans le texte pourrait faire d'un
contrôle juridictionnel, en statuant sur les moyens en rapport avec la
fin poursuivie
»75.
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