CHAPITRE II
LE CONTRÔLE JURIDICTIONNEL
Le juge administratif s'est longtemps limité à
un contrôle minimum du pouvoir discrétionnaire de
l'Administration. Mais dans le souci de protéger les droits et
libertés des citoyens, il étend aujourd'hui son contrôle
à certains éléments de la légalité interne,
tout en censurant la disproportionnalité des sanctions par rapport aux
fautes reprochées à l'agent administratif.
SECTION I: DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE
CONTRÔLE
EXERCÉES SUR LE POUVOIR
DISCRÉTIONNAIRE
L'Administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire,
le contrôle qu'exercera le juge est restreint. A cela s'ajoute le
contrôle de proportionnalité.
§1- Le contrôle restreint
L'étude du contrôle restreint peut être
abordée par sa définition d'une part, et sur son extension
d'autre part.
A. La définition du contrôle restreint
Il y a contrôle restreint lorsque le juge procède
à un contrôle réduit qui ne porte pas sur les motifs. Il
laisse donc l'Administration bénéficier d'un entier pouvoir
d'appréciation, c'est-à-dire quelle que soit la marge de pouvoir
d'appréciation de l'Administration. Le contrôle du juge
administratif est limité à la légalité externe:
incompétence, vice de forme ou de procédure.
À titre d'illustration, en matière de
compétence, pour tout acte administratif, le juge contrôle
toujours la qualité de l'auteur pour voir s'il est compétent ou
non, que ce soit la compétence matérielle, territoriale ou
temporelle. En cas d'incompétence, l'acte édicté sera
déclaré illégal. De même pour la forme de l'acte,
comme nous avons expliqué précédemment, un acte
administratif doit comporter des visas, dont l'inobservation est frappée
d'illégalité. La procédure doit être
également respectée.
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En matière disciplinaire, l'Administration doit
procéder à la communication du dossier à l'agent fautif,
elle doit appliquer la procédure contradictoire sous peine
d'irrégularité.
B. L'extension du contrôle restreint
Aujourd'hui, le pouvoir discrétionnaire de
l'Administration peut faire l'objet d'un contrôle de l'exactitude
matérielle des faits et celui de la qualification juridique des
faits.
1. Le contrôle d'exactitude matérielle des
faits
L'arrêt Camino a inauguré le contrôle
d'exactitude matérielle des faits, il a renforcé la position de
l'arrêt Gomel. Un acte administratif ne peut jamais être
fondé sur un fait matériellement inexact. Dans l'affaire Camino,
un maire avait été révoqué pour n'avoir pas
veillé à la décence d'un convoi funèbre. Le Conseil
d'État, après avoir énoncé le principe selon lequel
il lui appartenait « de vérifier la matérialité des
faits ayant motivé cette mesure et après avoir dûment
constaté que les pièces du dossier établissaient leur
inexactitude, a annulé la sanction prévue »61.
Le contrôle de l'exactitude matérielle des
faits, aborde la question des moyens et, plus précisément, de la
preuve. Telle est la règle posée par l'arrêt Camino en
termes ci-après: « ... que les pièces versées au
dossier établissent l'inexactitude »62 des faits.
Ainsi, s'étend l'objet du contrôle du juge de
l'excès de pouvoir, pour lequel des moyens de contrôle doivent
être mis en oeuvre, même en présence d'un pouvoir
discrétionnaire.
2. Le contrôle de la qualification juridique des
faits
Dans l'arrêt Gomel du 4 avril 191463, le
Conseil d'État avait admis de contrôler si les faits dont
l'existence s'avérait exacte, justifiaient l'acte attaqué. En
l'espèce, le Conseil d'État avait statué
négativement. Par la suite, cette solution a été
reprise
61 C.E, 4 avril 1994, Gomel, G.A, Dalloz, 1993,
n° 32, p. 159
62 C.E, 14 janvier 1916, Camino, G.A, Dalloz, 1993,
n° 33, p. 168
63 C.E, 4 avril 1994, Gomel, Op.cit.
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ultérieurement. Dans l'arrêt du 14 janvier 1916,
« Camino »64, le Conseil d'État a eu l'occasion de
renforcer le principe de contrôle du juge de l'excès de
pouvoir.
Le contrôle normal inauguré par l'arrêt
Gomel marque l'extension significative du contrôle qu'exerce le juge de
l'excès de pouvoir sur l'Administration: c'est une extension du
contrôle minimum, le Conseil Etat a admis de contrôler non
seulement le raisonnement juridique de l'Administration comme dans le cas du
contrôle restreint, mais également la validité de la
qualification juridique des faits à laquelle elle s'était
livrée pour prendre la décision attaquée
Le contrôle de la qualification juridique des faits
porte sur la question de savoir si les faits, tels qu'ils existent,
présentent les caractéristiques permettant de prendre la
décision, s'ils sont de nature à justifier celle-ci. Il ne s'agit
pas d'examiner si les faits invoqués par l'Administration existent, mais
de reconnaître aux faits en cause une qualification.
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