§2- Le détournement de pouvoir
Il constitue une autre limite au pouvoir
discrétionnaire. L'acte administratif ne peut être
édicté que dans un seul but, à savoir la satisfaction de
l'intérêt général. Tout autre but qui s'en
écarte est considéré comme une illégalité,
qualifiée de détournement de pouvoir et qui expose l'acte
à annulation en cas de recours pour excès de pouvoir. Nous allons
voir tour à tour les formes de détournement de pouvoir ainsi que
la preuve y afférente.
A. Les formes du détournement de pouvoir
L'existence d'un pouvoir discrétionnaire ne saurait
justifier le détournement de pouvoir. Celui-ci, souvent rapproché
de la théorie civiliste de l'abus de droit se caractérise par
l'exercice du pouvoir ayant pour objet autre que celui prévu par la loi.
On peut distinguer deux formes du détournement de pouvoir, l'un qui est
étranger à l'intérêt public et l'autre dans
l'intérêt public.
1. L'acte administratif étranger à tout
intérêt public
Dans cette première forme du détournement, il y
a l'utilisation du pouvoir à des fins personnelles ou d'une tierce
personne. Il s'agit de la forme la plus grave puis ce que
l'intérêt général disparait complétement.
a. Le détournement dans le but
d'intérêt personnel
Le détournement de pouvoir à des fins
exclusivement personnelles est fréquent ; l'autorité
administrative use de ses prérogatives dans le but de favoriser
l'intérêt personnel d'un fonctionnaire.
C'est le cas dans l'arrêt Maison ASHMON57
contre l'Etat malagasy où la décision contestée a
été prise dans l'intérêt purement privé pour
satisfaire la volonté du Directeur Général du
Ministère de l'Environnement lequel construit une maison juste à
côté de l'Unité de fabrication ASHMON contre laquelle a
été ordonné l'arrêt provisoire de ses
activités par ledit Ministère.
57 Cf. Annexe V, C.A, 13 décembre 2000, Maison
Ashmon, RJCA de 1977 à 2003, n° 383, p. 462, p. XII
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b. Le détournement dans l'intérêt
d'une tierce personne
Le détournement de pouvoir dans l'intérêt
d'une tierce personne consiste à détourner la loi pour attribuer
un droit à une autre personne, il est connexe au favoritisme qui est une
infraction assimilée à la corruption, au même titre que
dans le cas précédent.
La mesure peut être prise pour des raisons politiques.
Par exemple; la création d'un poste de Secrétaire
Général Adjoint de la Commune dans le but de satisfaire un ami
politique, ou bien, un Maire va interdire la circulation des véhicules
devant une maison dans l'intérêt de son propriétaire ou
encore le Maire qui limite la pratique du commerce ambulant afin de
protéger les intérêts de certains commerçants
sédentaires
Cette première forme du détournement de pouvoir
est assimilée à un détournement de procédure dans
lequel l'Administration dissimule le véritable motif de l'acte.
2. L'acte administratif pris dans un intérêt
général non prévu par le texte
La deuxième forme du détournement de pouvoir est
moins grave dans la mesure où l'intérêt
général est présent. Seulement ce n'est pas celui
prévu par le texte en vigueur. Dans cette hypothèse, même
si l'Administration dispose d'un pouvoir discrétionnaire, l'acte encourt
toujours l'annulation pour illégalité. Ainsi, le fait d'utiliser
les pouvoisr de police à des fins financières au profit de l'Etat
constitue une illégalité.
L'intérêt financier, si légitime qu'il
soit dans une bonne Administration, est étranger à certaines de
ses attributions. Tel est le cas dans l'affaire Pariset58. Dans cet
arrêt, le Ministre des Finances adressa aux préfets une circulaire
dans laquelle il leur demandait de dresser la liste des établissements
de fabrique, ayant une existence illégale dont l'autorisation n'avait
pas été renouvelée et d'en requérir la fermeture
par l'autorité judiciaire conformément aux lois et
règlements relatifs aux établissements dangereux, incommodes et
insalubres. Le Sieur Pariset attaqua
58 C.E, 26 novembre 1875, Pariset, G.A, Dalloz, 1993,
n° 4, p. 26
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devant le Conseil d'Etat l'arrêté
préfectoral déclarant que sa fabrique avait cessé d'avoir
une existence légale. Le Conseil d'Etat annula l'arrêté,
pour détournement de pouvoir. Ce principe est repris par l'arrêt
Héritiers du feu RAKOTO Auguste59.
Dans cet arrêt, la Commune Urbaine d'Antananarivo a
exproprié les héritiers en vue d'une construction de route ; or
après 30 ans les travaux n'ont pas encore commencé et
l'indemnité due à été restituée à la
Commune, mais elle a déjà enregistré les lots à son
nom et demande les clés des maisons car elle se considère dans
ses droits.
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