SECTION II: LE RAPPORT ENTRE LE POUVOIR
DISCRÉTIONNAIRE ET L'ACTE DE GOUVERNEMENT
L'étude du pouvoir discrétionnaire nous conduit
immanquablement à s'interroger sur la notion d'acte de gouvernement.
Encore faut-il savoir si les actes de gouvernement font partie
intégrante du pouvoir discrétionnaire. Dès lors, d'une
part nous allons étudier la notion d'acte de gouvernement, d'autre part
la relation entre le pouvoir discrétionnaire et l'acte de
gouvernement.
§1- L'acte de gouvernement
La notion d'acte de gouvernement peut être
abordée à partir de sa définition, et justification d'une
part et des critiques doctrinales d'autre part.
28 CNTEMAD, cours polycopié de finances
publiques, envoi n°5, 2014, p. 1
22
A. La théorie des actes de gouvernement
Les actes de gouvernement sont définis par la
jurisprudence comme: « l'acte accompli par les autorités
administratives susceptibles d'aucun recours devant les juridictions tant
administratives que judiciaires »29.
Traditionnellement, la théorie des actes de
gouvernement était fondée sur un mobile politique. Ainsi, les
actes de l'exécutif ayant un caractère politique
échappaient au contrôle du juge. Cependant, le Commissaire du
gouvernement David, dans ses conclusion sur l'arrêt Prince
Napoléon avait combattu cette définition classique en termes
suivants: « Il est de principe (...) que les actes de gouvernement ne
peuvent donner lieu à aucun recours contentieux (...) mais si les actes
qualifiés, dans la langue du droit, actes de gouvernement, sont
discrétionnaires de leur nature, la sphère à laquelle
appartient cette qualification ne saurait s'étendre arbitrairement au
gré des gouvernements; elle est naturellement limitée aux objets
pour lesquels la loi a jugé nécessaire de confier au Gouvernement
les pouvoirs généraux auxquels elle a virtuellement
subordonné le droit particulier des citoyens dans l'intérêt
supérieur de l'Etat »30.
Cette doctrine a consacré l'abandon du mobile politique
en la matière, car désormais il ne suffit pas qu'un acte ait
été dicté par un intérêt politique pour qu'il
soit qualifié acte de gouvernement.
À Madagascar, la jurisprudence administrative fait
sienne de cette doctrine, encore faut-il que dans l'arrêt MONJA Roindefo
Zafitsimivalo, le mobile politique ne disparaît pas totalement. La
théorie des actes de gouvernement est justifiée par l'existence
d'un certain nombre d'actes pris par le pouvoir exécutif qui
empêcherait que le juge « puisse en connaître au risque de
gêner l'action du gouvernement »31. Le juge administratif
a pour habitude de décliner sa compétence à l'égard
de ces actes selon des formules très diverses mais toutes
révélatrices de la volonté de ne pas s'immiscer avec le
pouvoir politique32. La crainte est qu'il risque d'y avoir une
confrontation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif si le
juge devrait
29 C.A, 12 octobre 2009, MONJA Roindefo Zafitsimivalo,
A.C 2008 - 2009 - 2010, Jurid'Ika, 2012, n° 19, p. 165
30 C.E, 19 février 1875, Prince
Napoléon, G.A, Dalloz, 1993, n° 3
31 Michel LEROY, Contentieux administratif, Bruylant,
2008, page 183
32 Idem
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connaître des actes relevant de cette catégorie.
Il s'est avéré difficile pour la doctrine d'en dégager une
définition théorique générale ou de critères
précis »33. Pour les désigner, elle se rabat sur
la technique de la liste et groupe dans deux ensembles
hétérogènes, les actes de gouvernement dans l'ordre
interne et les actes de gouvernement dans l'ordre international. L'on observe
que ces listes se rétrécissent au fur et à mesure que le
contrôle juridictionnel s'étend sur des actes jadis
qualifiés d'actes de gouvernement. A contrario, selon l'article 129 bis
de l'ordonnance relative aux actes de gouvernement: « Ne sont pas
susceptibles de recours en annulation devant le Conseil d'Etat les actes de
nomination et d'abrogation du Premier Ministre et des membres du Gouvernement;
les actes concernant les rapports du Gouvernement et du Parlement; les actes
relatifs à l'initiative gouvernementale en matière
législative; les actes mettant en cause les rapports du Gouvernement
avec un organisme international ou une puissance étrangère
»34. Cette ordonnance a qualifié les actes de nomination
et d'abrogation du Premier Ministre comme acte de gouvernement.
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