L'individu devant les juridictions africaines de protection des droits de l'homme. Cas de la cour ADHP et de la CJ CEDEAO.par Gildas Hermann KPOSSOU Université d'Abomey-Calavi (UAC) - Master 2 Recherche en Droit International et Organisations Internationales 2015 |
Paragraphe 2 : La CJ CEDEAO, une juridiction de proximitéAu regard du traité de la CEDEAO et des protocoles y afférents, on peut soutenir que la Cour de justice communautaire est une juridiction originale. La délocalisation des audiences hors de son siège d'Abuja, en cas de nécessité, fait d'elle une juridiction mobile (A), ce qui constitue sans doute une véritable aubaine pour le justiciable dans la sous-région (B). A. La mobilité de la Cour de justiceDans la dynamique de permettre à sa juridiction de remplir convenablement son office, la CEDEAO n'a pas manqué de faire d'elle une juridiction mobile au même titre que les autres juridictions internationales66(*). En effet, aux termes des dispositions de l'article 26 du Protocole de 1991 relatif à la Cour, « la juridiction communautaire peut se déplacer lorsque des circonstances l'exigent en tout lieu autre que celui de son siège ». Instituée dès sa création pour des questions liées à l'intégration économique, c'est dans le cadre de la protection des droits de l'homme que cette possibilité de siéger hors des murs d'Abuja prend tout son ampleur. En matière de violation des droits humains, les circonstances qui peuvent justifier le déplacement de la CJ CEDEAO sont diverses. Il peut s'agir par exemple des raisons liées à l'état impécunieux du justiciable pour accéder au juge ou alors pour l'audition des témoins. Cette aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l'action n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de tout fondement. Ainsi, « pour que l'accès au juge ne soit pas que vain principe et paravent d'incurie »67(*) afin que le droit à la justice soit un droit pour tous, et non un « privilège », le temple de la justice doit être ouvert à toutes les victimes, de quelque position sociale qu'elles soient pour une meilleure protection des droits de l'homme. Donc comme l'affirme Me Bane, il ne faudrait pas que la justice communautaire soit une justice des riches. Il faut que ça soit la justice de toute la population de l'espace de la CEDEAO68(*). Le citoyen ouest africain bénéficie d'un droit d'accès assez particulier pour que sa cause soit entendue. La CJ CEDEAO peut se transformer en une juridiction foraine, qui peut se déplacer pour siéger hors de son siège du Nigeria le cas échéant. En réalité, l'éloignement du justiciable de la juridiction peut constituer un obstacle majeur pour l'accès au prétoire par les individus. C'est pourquoi dans l'affaire Dame Hadijatou Mani Koraou c/ République du Niger pour montrer que la justice de l'intégration n'est pas « éthérée »69(*), le juge a accédé à la demande de la requérante en raison de son « état d'impécuniosité » et la nécessité d'entendre les témoins résidant au Niger. Ainsi, comme le fait remarquer le professeur J. F. RENUCCI, « le justiciable ne doit en aucun cas être dissuadé d'accéder à la justice pour des raisons matérielles »70(*). Le rayonnement de la Cour de justice communautaire de la CEDEAO, son prestige, est intimement lié à ce système d'assistance juridictionnelle. La solidarité dont elle fait montre avec les indigents, la discrimination positive qu'elle instaure entre les citoyens de l'espace communautaire sont gages d'une efficience certaine de la protection des droits de l'homme dans l'espace ouest africain. On peut donc se réjouir du fait que ce qui pouvait constituer un caractère rédhibitoire à l'accès au juge communautaire trouve désormais une alternative dans la mobilité de la Cour. C'est une véritable aubaine pour le justiciable. * 66 Selon l'article 19 de la CEDH : 1. Le siège de la Cour est fixé à Strasbourg, siège du Conseil de l'Europe. La Cour peut toutefois, lorsqu'elle le juge utile, exercer ses fonctions en d'autres lieux du territoire des Etats membres du Conseil de l'Europe. 2. La Cour peut décider, en tout état d'instruction d'une requête, qu'il est nécessaire qu'elle-même ou l'un ou plusieurs de ses membres procèdent à une enquête ou accomplissent toute autre tâche en d'autres lieux. * 67FRISON-ROCHE (M. A.), « Le droit d'accès à la justice et au droit », in Libertés et droits fondamentaux, 12e édition pp. 521-540. * 68Idem. * 69 Selon l'expression du professeur Alioune SALL. * 70 RENUCCI (J. F.), Droit européen des droits de l'homme, 2e édition, L.G.D.J, 2001, p.179. |
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