3.2.1.2. Activités de production des feuilles de
manioc
Le Manihot esculenta, communément
appelé « pondu ya kongo », est produit dans la
périphérie de Kinshasa : spécialement au plateau de
Batéké et à Kasangulu. Il est principalement produit pour
la récolte des racines et les feuilles constituent une production
secondaire. La production de feuilles ne constitue donc pas le principal
objectif des producteurs du Manihot esculenta.
Le Manihot glazziovi, communément
appelé « pondu ya caoutchouc », est produit dans les communes
urbano-rurales de Kinshasa notamment N'sele, Maluku, N'djili et Kinsenso. Cette
espèce est uniquement cultivée pour la production des feuilles,
elle ne donne pas en effet, de racines tubéreuses.
a. Système cultural
a.1. Calendrier agricole
Le calendrier agricole connait des modifications au plateau de
Batéké suite aux perturbations climatiques. Les producteurs
commencent à planter au mois de mars pour récolter les feuilles
déjà aux mois de mai, juin, juillet et surtout au mois
d'août car durant cette période (saison sèche), les
feuilles de manioc coûtent excessivement chères parce qu'elles
sont rares sur le marché. Le prix de vente augmente de 100 % voire plus,
par rapport à la saison des pluies durant laquelle l'offre est
abondante.
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Au niveau de Maluku, les travaux de préparations de
terrains se font au mois de mars et la plantation à la fin du même
mois et au début du mois d'avril. Les premières récoltes
commencent au mois de mai et les autres suivront après un mois jusqu'au
mois de mars de l'année suivante.
A N'djili brasserie il n'y a pas un calendrier précis
en rapport avec les feuilles de manioc. Les plantations qui s'y trouvent
restent longtemps en place jusqu'à ce que le producteur se rende compte
que les rendements ont chuté. Les plantes peuvent produire
jusqu'à 3 ans. A Kasangulu, les travaux de préparations de
terrain commencent au mois de décembre et prennent fin en janvier. Au
mois de février ils font la plantation et au mois de mai les
premières récoltes commencent. En Juillet ils font la
deuxième récolte et en septembre, la dernière
récolte.
a.2. Variétés cultivées
Etant donné que les feuilles ne constituent qu'une
production secondaire pour les producteurs du Manihot esculenta, les
variétés à cultiver sont choisies en fonction du rendement
en racine et non celui en feuilles. Les variétés les plus
utilisées sont « Nsumbakani », « Pelubuya », «
Kambi », « Kolodingumbi », « Mobutu », « Sassou
», « Ngamanza », « Inga », « Epsa », «
Malibwata » et « Mabibi ».
De ces variétés, celles qui permettent
d'obtenir des feuilles de bonne qualité sont : « Kolodingumbi
», « Nsumbakani », « Inga » et « Malibwata
». Celles qui permettent d'obtenir des feuilles en grande quantité
sont : « Sassou », « Mobutu » et « Pelubuya ». Le
Manihot glazziovi par contre n'a pas d'autres variétés
connues que le caoutchouc. Les boutures de différentes
variétés ne sont pas disponibles sur le marché local ; les
producteurs prélèvent les boutures après la récolte
ou en achetant auprès des fermiers voisins.
En ce qui concerne le Manihot glazziovi, les
boutures utilisées pour la production proviennent essentiellement de la
culture précédente ou en place étant donné que les
feuilles de Manihot glazziovi peuvent se récolter sur plusieurs
années. Toutes ces variétés sont locales et n'ont pas de
code de recherche. Certaines variétés sont réputées
disparues, comme Pelubuya, mais sont encore utilisées par certains
producteurs.
a.3. Fertilisation et associations
culturales
La production du manioc dans les différents sites
enquêtés se fait sans utilisation d'engrais chimiques. Les
producteurs utilisent les engrais organiques tels que les feuilles de
maïs, la coque de courge ou encore la coque d'arachide. Comme dans
d'autres régions du pays, le manioc (Manihot esculenta ou
glazziovi) à Kinshasa et dans sa périphérie est
généralement produit en association culturale. Les
différentes cultures associées au manioc sont le maïs,
l'arachide, la courge ainsi que les cultures maraichères. Lorsque le
producteur dispose de grandes étendues, comme c'est le cas à
Menkao comme à Maluku, à côté des cultures
associées on rencontre de grandes superficies de culture pure de manioc
(monoculture).
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a.4. Récolte et rendement
La récolte des feuilles se fait par le client sous la
supervision du producteur. Dans un champ de Manihot esculenta, les
feuilles ne sont récoltées qu'à trois reprises pour ne pas
compromettre la production des racines. Par contre, dans un champ de
Manihot glazziovi, les feuilles sont récoltées une
à deux fois le mois. Cette récolte est essentiellement manuelle.
En effet, les personnes chargées de récolte coupent à la
main les branches de manioc et forment immédiatement des bottes.
Généralement la récolte se fait à
deux moments de la journée, le matin avant le lever du soleil ou le soir
à son coucher. Le choix de ces deux moments de fraicheur est
motivé par le souci d'éviter le flétrissement des feuilles
récoltées.
Le facteur le plus déterminant dans le choix du moment
de la récolte est donc la température. En effet, les fortes
chaleurs réduisent la qualité des feuilles de manioc par le
flétrissement, ce qui a pour conséquence la baisse du prix des
feuilles lors de la revente à Kinshasa.
Manihot esculenta
Produit au plateau de Batéké et à
Kasangulu, le Manihot esculenta a un rendement par récolte de 6
à 8 colis/ha en saison sèche et de 8 à 10 colis/ha en
saison pluvieuse au plateau. Le colis est une grosse botte d'environ 110 kg
avec tige et 60 kg sans tige. Le rendement en feuilles uniquement, varie donc
en moyenne de 360 kg à 600 kg. A Kasangulu, le producteur obtient en
moyenne 300 bottes par ha et par an. Le poids d'une botte est d'environ 2 kg
sans tige. Le rendement par ha est donc de 600 kg.
Manihot glazziovi
Produit à Maluku et à N'djili, le rendement d'un
hectare bien entretenu à Maluku varie de 80 à 100 bottes. Cette
grosse botte de 22 kg avec tige et 12 kg sans tige, a un prix qui varie de
10.000 FC à 17.000 FC en fonction du prix du marché, de la
négociation avec le client et du coût de production. A N'djili il
est difficile d'estimer le rendement vu que les associations culturales se font
sur toutes les plates-bandes. Les pieds de manioc sont très
éparpillés sur une même plate-bande. Cependant le
producteur ayant un contrat avec les exportateurs, livre 200 kg de feuilles
sans tige chaque fin du mois et 80 kg chaque mois aux marchandes ambulantes
venant de Kinsenso, de Lemba et d'autres communes de Kinshasa.
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Le rendement en feuilles dépend du choix de terrain, de
l'espèce et de variétés ainsi que des entretiens. En
raison de la faible comptabilité au niveau des producteurs, seuls les
rendements de Menkao et de Maluku seront présentés dans le
tableau et graphiques ci-après :
Tableau n° 2 : Rendement moyen en feuilles de manioc par ha
pour une année culturale
Site
|
Variété
|
Période
|
Rendement
|
Nombre de
bottes
|
Poids/Botte (kg)
|
Rendement total (kg)
|
Menkao
|
Manihot esculenta
|
Saison pluvieuse
|
28
|
60
|
1.680
|
Saison sèche
|
22
|
60
|
1.320
|
Maluku
|
Manihot glazziovi
|
Cycle culturale
|
606
|
12
|
7.272
|
Source : Enquête d'août - décembre 2016
Il se dégage du tableau précédent que le
rendement annuel en feuilles du Manihot glazziovi est de loin
supérieur à celui du Manihot esculenta produit en saison
pluvieuse ou en saison sèche. Le producteur du Manihot esculenta
qui récolte en saison sèche a un rendement faible que celui
qui récolte en saison pluvieuse. Cette différence dans le
rendement est due aux manques de pluies à la saison sèche.
b. Destination du produit
Les feuilles de manioc produites dans la
périphérie de Kinshasa ont deux grandes destinations : le
marché de Matamba à l'Est de Kinshasa et celui d'UPN à
l'Ouest de Kinshasa. Les grandes quantités de feuilles provenant de
Kasangulu atteignent le marché d'UPN au plus tard à 6h00 du
matin. Ces feuilles sont transportées par taxi et taxi-bus, bien
attachées sur le porte-bagage ou entassées dans le coffre de
taxi. Le chargement est fait de telle sorte que les feuilles
bénéficient d'une certaine aération pour éviter
leur détérioration.
Les feuilles venues du plateau de Batéké sont
acheminées vers Kinshasa à deux moments principaux de la
journée : aux environs de 11h00 et le soir entre 16h00 et 19h00 voire
20h00. Cette situation fait que les feuilles de manioc sont permanentes au
niveau du marché de Matamba. Les producteurs du plateau de
Batéké viennent jusqu'à Kinshasa (marché Matamba)
pour vendre leurs feuilles aux grossistes. Ce qui leur permet de recevoir un
prix beaucoup plus rémunérateur que lorsqu'ils font la vente bord
champs même si le transport et la vente à Kinshasa engendre des
coûts supplémentaires.
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c. Stockage et conservation
A l'Est de Kinshasa, les feuilles de manioc sont vendues le
même jour aux commerçants grossistes et détaillants. Par
contre à l'Ouest le produit est vendu généralement le jour
suivant la récolte ; ce qui implique le stockage en attendant la vente
au niveau du marché secondaire. Le stockage des feuilles de manioc se
fait généralement à domicile, chez le producteur ou le
commerçant ayant acheté la récolte. Pour préserver
la fraicheur des feuilles de manioc, les commerçants les plongent dans
l'eau quelques instants avant de les étaler sur la pelouse, les tiges au
sol et les feuilles en l'air.
d. Modalités de vente
Pour fixer le prix de vente de leurs productions, les
producteurs de Manihot esculenta tiennent en premier lieux compte du
prix qui prévaut sur le marché mais aussi de la qualité
des feuilles de manioc. Par contre les producteurs de Manihot glazziovi
fixent leur prix de vente en tenant compte : des coûts
engagés, de la qualité du produit et du prix prévalant sur
le marché. Cette différence dans l'approche suivie pour la
fixation du prix s'explique par la place que le producteur accorde aux feuilles
de manioc et la demande élevée en Manihot glazziovi.
Le producteur du Manihot esculenta considère
les feuilles comme une production secondaire, les racines tubéreuses
étant le produit principal visé. Le producteur se conforme
beaucoup plus facilement au prix du marché. Par contre le producteur du
Manihot glazziovi n'a que les feuilles comme produit
récolté d'où la nécessité pour lui d'obtenir
le meilleur prix possible lui permettant de couvrir ses coûts et de
dégager un bénéfice.
Le facteur le plus déterminant dans la
négociation du prix entre le vendeur et l'acheteur est la qualité
des feuilles. Quand le producteur est conscient de la qualité de son
produit, il a tendance à le vendre un peu plus cher et, est beaucoup
moins flexible durant le marchandage. Ainsi, avec une bonne qualité des
feuilles l'écoulement de la marchandise est moins difficile même
en cas d'abondance. La vente de feuilles de manioc se fait toujours au comptant
quelle que soit la relation qui existe entre le vendeur et l'acheteur, la
demande élevée en ce produit explique sans doute cette
situation.
Le prix des feuilles auprès du producteur varie de
7.500 FC à 12.500 FC par colis en saison pluvieuse. L'abondance entraine
la baisse des prix de vente et certains producteurs ont compris qu'il leur est
profitable de vendre en saison sèche durant laquelle le prix du colis
augmente (15.000 FC, 25.000 FC voire 35.000 FC par colis). Ce qui revient
à dire que le prix d'1 kg de feuilles au niveau du producteur varie de
125 FC à 208 FC en saison pluvieuse et de 250 FC à 583 FC en
saison sèche. Vu le nombre des producteurs des feuilles de manioc
à Kinshasa et dans sa périphérie, la concurrence est
présente et se fait ressentir. La qualité des feuilles constitue
donc un élément déterminant pour une commercialisation
aisée. Il parait ainsi impérieux pour le producteur et le
grossiste de veiller aux conditions assurant cette qualité. Il s'agit
notamment de la variété et de la maitrise des activités
post-récoltes.
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En ce qui concerne le mode de fonctionnement du marché,
on note qu'au plateau de Batéké et à Maluku, les
producteurs récoltent pour venir vendre à Kinshasa. Alors
qu'à Kasangulu les producteurs ne récoltent, le plus souvent, que
quand ils ont une commande déjà ferme des grossistes. Les Kinois
ne vont pas acheter les feuilles à Kasangulu pour les revendre à
Kinshasa. En effet, les quantités vendues au niveau du producteur sont
déjà en détail.
e. Contraintes et Potentialités
e.1. Contraintes
Le problème majeur au niveau des producteurs est le
manque de financement des activités notamment pour l'achat des
matériels ou équipements de travail et la
rémunération de la main d'oeuvre extérieure mais aussi
pour étendre les activités. Le manque de crédit fait que
les producteurs recourent essentiellement à l'autofinancement.
Cependant, il faut noter aussi que la plupart des producteurs redoutent de
contracter une dette par peur de se retrouver dans l'incapacité de la
rembourser et ainsi entrer dans le cycle d'endettement.
La seconde contrainte est le manque d'encadrement. La plupart
des producteurs ont besoin d'améliorer leurs conditions de travail et ce
par des formations techniques qu'ils n'ont pas actuellement. Les producteurs de
Kasangulu et de N'djili ont des difficultés pour accéder au
foncier. Les terres sont de plus en plus rares et donc chères. A
Kasangulu les terres sont en majorité détenues par des
propriétaires qui, malheureusement, ne les cultivent pas. Ceci contraint
les producteurs à recourir au métayage. Cette situation
réduit le niveau des revenus des paysans lorsqu'on sait que la
répartition de la récolte entre le propriétaire terrien et
le métayer peut être de 50% de la production obtenue.
e.2. Potentialités
La production des feuilles de manioc bénéficie
d'une rente de situation. En effet, il s'agit d'une spéculation qui est
produite à proximité des zones de consommation. Ceci constitue un
gain non négligeable en termes de temps nécessaire pour atteindre
le marché.
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