L'impact du pacte d'actionnaires sur une société anonyme.par Ranya Kharmoudy Université Hassan II de Casablanca Ain-Chock - Licence en Droit privé 2017 |
Partie I : Formation du pacte d'actionnairesNul ne peut nier l'importance accordée aux pactes d'actionnaires dans le milieu sociétaire, ceci se manifeste notablement par la complémentarité de ces pactes aux dispositions légales mais aussi au niveau de la circulation des capitaux. Fondées sur la base du principe de la liberté contractuelle, ces conventions sont le plus souvent conclues entre les investisseurs et les actionnaires majoritaires de la société anonyme qui agissent en leur nom propre et non en leur qualité de dirigeants de la société en question. Contrairement aux statuts, les pactes d'actionnaires ne produisent des effets qu'à l'égard des parties signataires et sont, par principe, inopposable à la société cible lorsque celle-ci n'est pas partie à la convention. De ce fait, un cadre juridique a été mis en place afin d'assurer la bonne application de ces conventions. Peu importe la nature, la finalité ou l'objectif poursuivi par le pacte, du fait qu'il ne soit régit par aucune règle qui lui est spécifique, il est soumis à l'application des règles de droit commun. Les actionnaires choisissant de recourir à cet arrangement contractuel en constatent la particularité tant lors de la formation de la volonté des parties que lors de la conclusion du pacte. C'est ainsi que dans un premier temps, nous nous occuperons d'analyser les dispositions encadrant la conclusion du pacte d'actionnaires (Chapitre 1). Dans un deuxième temps, nous allons nous attarder sur les limites de la liberté contractuelle accordée aux parties (Chapitre 2). Chapitre 1 : Formalisme du pacte d'actionnairesConsidéré comme une illustration du principe de la liberté contractuelle, permettant aux actionnaires de conforter, d'adapter et d'apporter plus de précisions aux règles statutaires, le pacte d'actionnaire est un engagement contractuel comme les autres. Cette même liberté est loin d'être une liberté absolue compte tenu de la bivalence de ces conventions. En effet, sa nature « sui generis »7 le soumettra aux règles générales de droit commun énumérées par le DOC, telle que les conditions relatives à la capacité, objet, cause et parties. Le respect des dispositions impératives du droit des sociétés est également de rigueur étant donné l'importance que revêtent ces dispositions d'ordre public tant pour l'intérêt social de la société que pour l'économie et les investissements, or, les pactes d'actionnaires ne font l'objet que de quelques dispositions épuisées dans le droit des sociétés, notamment une présence timide à 7« Sui generis » signifie qui est propre à une espèce ou à une chose. Ce terme d'origine latine signifie littéralement « de son espèce ». 12 travers certains articles de la loi 15-95 relative aux SA à savoir les 2218, 2539 et 25710. Cependant, le principe du consensualisme adopté par la législation marocaine implique que le dit contrat soit conclu par l'échange des consentements lorsque les conditions de formation sont remplies, les exigences de forme n'étant imposées que pour des soucis de preuve et de protection conventionnelle, d'où la nécessité d'un écrit. C'est ainsi que dans ce chapitre, il s'agira de se pencher sur les conditions de fond et les conditions de formes relatives au pacte d'actionnaires (section 1) pour ensuite analyser l'effet de la forme juridique du pacte (section 2) Section 1 : les conditions de fond et de formeLa notion de contrat, de pacte, est une notion fondamentale dans la vie en société, qui organise les rapports humains. Sans elle, ces derniers auraient été inconcevables. Il est vrai que le « droit naturel » est éminemment incertain, faute de contenu qui se retrouve en tout temps et en tous lieux ; S'il existe bien un concept qui représente cette permanence et cette universalité, qu'aucune société ou groupe humain n'a pu ignorer, c'est bien celui de la parole donnée « Pacta sunt servanda»11, ce qui veut dire : les accords doivent être
respectés. 8 Article 221 dispose expressément que : « Les actionnaires opposés à la transformation ont le droit de se retirer de la société. Dans ce cas, ils recevront une contrepartie équivalente à leurs droits dans le patrimoine social, fixée, à défaut d'accord, à dire d'expert désigné par le président du tribunal, statuant en référé. La déclaration de retraite doit être adressée, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les trente jours de la publication prévue à l'article 218 (2e alinéa). Est réputée non écrite toute clause tendant à exclure le droit de retraite. » 9 Article 253 ajoute que: « Sauf en cas de succession ou de cession soit à un conjoint soit à un ascendant ou à un descendant jusqu'au 2e degré inclus, la cession d'actions à un tiers à quelque titre que ce soit peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts. Une telle clause ne peut être stipulée que si les actions revêtent exclusivement la forme nominative en vertu de la loi ou des statuts. » 10 Article 257 précise que : « Des conventions entre actionnaires ou entre actionnaires et des tiers peuvent porter sur les conditions de cession des droits sociaux et stipuler notamment que cette cession ne pourra avoir lieu qu'après un certain délai ou qu'elle sera, le cas échéant, opérée d'office, de façon préférentielle, au profit de personnes actionnaires ou non, bénéficiaires d'un droit de préemption, au prix qui serait offert par un tiers de bonne foi ou qui serait fixé dans les conditions prévues aux statuts. » 11 « Pacta sunt servanda » (« Les conventions doivent être respectées ») est une locution latine signifiant que les parties sont désormais liées au contrat venant d'être conclu et qu'à ce titre elles ne sauraient déroger aux obligations issues de cet accord. C'est un principe de droit des obligations et de droit international public. Ce principe a valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 9 avril 1992 (no 92-308 DC). 13 fond (sous-section 1) et de forme (sous-section 2) communes à tout contrat, à savoir le pacte d'actionnaires. Sous-section 1 : les conditions de fondSi la liberté de contracter confère au pacte d'actionnaires une grande souplesse en limitant le contrôle de l'autorité publique, il est cependant nécessaire que certaines conditions minimales soient réunies pour que l'accord des volontés prenne place dans l'ordre juridique étatique. Ainsi, comme tout contrat, quatre conditions s'avèrent nécessaires pour la validité même du pacte, tel que prévu à l'article 2 du DOC : le consentement des parties, la capacité de contracter, un objet certain formant la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation. Les trois premières conditions ne présentent pas de problèmes spécifiques au regard du pacte d'actionnaires. Cependant, lors de la négociation et spécifiquement entre membres d'une même famille, il faudra s'attacher à respecter ces conditions, notamment sur le consentement de chacune des parties. 1- Le consentement des parties :En principe le contrat se forme par un simple échange des volontés, c'est la rencontre simultanée d'une offre et d'une acceptation, ce qui fait dire que le consensualisme est la règle et le formalisme est l'exception12. Le pacte d'actionnaires n'en fait pas l'exception. L'offre devra alors indiquer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Si aucun délai n'a été fixé, elle peut être retirée tant qu'elle n'a pas été acceptée, sous réserve de respecter un délai raisonnable dont la durée est souverainement appréciée par les juges du fonds. Quant à l'acceptation, celle-ci doit être pure et simple. Si tel n'est pas le cas, elle sera qualifiée de contre-proposition. C'est ainsi qu'au sens de l'article 19 du DOC : « La convention n'est parfaite que par l'accord des parties sur les éléments essentiels de l'obligation, ainsi que sur toutes les autres clauses licites que les parties considèrent comme essentielles ». Pour être valable, l'acceptation doit être expresse. Le consentement doit être libre et éclairé. Ces exigences se rapportant à la qualité du consentement ont fait naitre un dispositif de protection connu sous le nom de la « théorie des vices du consentement » qui sous réserve de quelques aménagements se retrouve aux articles 39 à 56 du DOC. En effet, l'article 39 du DOC dispose : « Est annulable le consentement donné par erreur, surpris par dol ou extorqué par violence ». L'article 54 quant à lui précise que « les motifs de rescision fondés sur l'état de maladie et autres cas analogues sont abandonnés à l'appréciation du juge ». L'erreur, le dol, la violence, la maladie et les cas analogues peuvent entrainer l'annulation du contrat, quand elles sont constatées. 12 Voir en ce sens, Cours de droit des contrats au Maroc, http://www.cours-de-droit.net/droit-des-contrats-au-maroc-a126316344 14 |
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