A- La souplesse quant aux parties contractantes
Les pactes d'actionnaires sont des accords qui ont vocation,
dans la majorité des cas, à ne concerner que certains
actionnaires, soit en mettant à leur charge des obligations
particulières, soit, au contraire, en les faisant
bénéficier de certains droits41.
Le plus souvent, ces pactes sont conclus entre les
actionnaires majoritaires de la société afin d'assurer la
stabilité de l'actionnariat et des dirigeants. La pratique a
assisté à l'émergence, depuis de nombreuses années,
des pactes contractés par des actionnaires majoritaires au profit
d'actionnaires minoritaires, notamment des
41 Caroline Leroy, Op.cit. , page 39
28
sociétés de capital-investissement, lesquels
exigent des dirigeants majoritaires, comme condition de leur apport financier,
un aménagement de leurs conditions de sortie42. Les pactes
d'actionnaires introduisent, comme on a pu le voir précédemment,
une certaine forme d'intuitu personae absente à l'origine dans la
société anonyme et qui tient au fait que ces pactes ont pour
finalité la satisfaction d'intérêts particuliers. Le
domaine du pacte d'actionnaires est particulièrement ajustable dans la
mesure où ce dernier n'a d'effet qu'à l'égard des
actionnaires qui, d'un commun accord, ont décidé de se lier par
un contrat extrastatutaire dans la finalité de poursuivre une certaine
tactique. Ainsi, seules les parties signataires sont tenues par la convention
pour une durée n'excédant pas la durée de leur
participation dans la société mais qui peut également
être plus courte. Ceci entraine, par ailleurs, une certaine
instabilité du pacte d'actionnaires, qui ne se transmet pas de plein
droit aux cessionnaires de titres. Il est ajustable en ce sens aussi qu'il
permet aux signataires de décider conventionnellement de transmettre le
pacte aux cessionnaires de leurs titres avec pour objectif de garantir une
meilleure pérennité de cet accord.
B- La souplesse quant à la transmission du pacte
La cession d'actions dans la société anonyme est
soumise à des règles assez souples contrairement à
d'autres formes de sociétés telles que la société
à responsabilité limitée.43Ceci n'écarte
pas, par ailleurs, la possibilité pour les statuts de prévoir des
conditions plus strictes. C'est ainsi qu'au décès d'un
actionnaire, auteur du pacte d'actionnaires, aux termes de l'article 229 du
DOC, les ayants cause à titre universel44, devenus alors
actionnaires, seront tenus par celui-ci, sauf disposition contraire, ou
à démontrer le caractère strictement personnel des
engagements souscrits par leur auteur dans le pacte. Les promesses de vente et
pactes de préférence ou de préemption, seraient alors
transmissibles à moins qu'ils ne soient conclus en tenant compte de la
personne du cocontractant et comportent donc une certaine dose d'intuitu
personae. Certes, cette dose ne serait pas toujours suffisante pour permettre
l'échec du principe de la continuation de la personne. Si le principe
d'effet relatif45, tel que prévu à l'article 228 du
DOC, des conventions exclut que le pacte engage ou bénéficie aux
cessionnaires des actions détenues par l'un des partenaires, les
signataires du pacte sont, par ailleurs, libres d'organiser
42 Sur cette question, voir J-J. Daigre, « Pactes
d'actionnaires et capital-risque », « Pacte d'actionnaires et
capital-risque : Typologie et appréciation »,
Bull. Joly, 1993, p. 157 et s. et infra, Partie I, Titre 2, Chap.
2,
Sect° 2, § 2.
43Dahir n°1-96-124 (14 RABII II 1417)
portant promulgation de la loi 17-95 relative aux sociétés
anonymes (Modifié et complété par les lois 81-99, 23-01,
20-05, 78-12)
44 Les ayant cause à titre universel ou universel sont
les personnes qui recueillant la totalité ou une partie du patrimoine
Selon l'article 229 du DOC : « Les obligations ont effet, non
seulement entre les parties, mais aussi entre leurs héritiers ou ayant
cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne
résulte de la nature de l'obligation ou de la loi. Les héritiers
ne sont tenus toutefois que jusqu'à concurrence des forces
héréditaires et proportionnellement à l'émolument
de chacun d'eux. Lorsque les héritiers refusent d'accepter la
succession, ils ne peuvent y être contraints et ils ne sont nullement
tenus des dettes héréditaires : les créanciers ne peuvent,
dans ce cas, que poursuivre leurs droits contre la succession ». Pour
plus de précisions, voir le nouveau code de la famille Titre IX de la
liquidation de la succession : arts. 373 à 395).
45Article 228 du DOCK Les obligations
n'engagent que ceux qui ont été partie à l'acte : elles ne
nuisent point au tiers et elles ne leur profitent que dans les cas
exprimés par la loi ».
29
conventionnellement une telle transmission du pacte. La clause
dite de «sortie» ou de «ratification du pacte», aux termes
de laquelle les partenaires s'engagent à ne céder leurs actions
qu'au profit d'une personne ayant expressément adhéré aux
dispositions du pacte, en ce que ces dernières s'appliquent aux titres
cédés, laquelle personne sera alors substituée dans les
droits et obligations que son auteur tenait du pacte, peut prendre plusieurs
formes. Selon que ce sont des droits ou des obligations qui sont transmises, on
recourt aux procédés de la promesse de porte fort46,
de la condition suspensive ou de la stipulation pour autrui47, telle
qu'autorisée par l'article 34 du DOC.
II- Le pacte d'actionnaires : un contenu
évolutif
Le pacte d'actionnaires donne la possibilité aux
partenaires de convenir les termes de leur convention et de modifier cette
dernière dans un cadre relativement souple et d'une façon des
plus simples, à savoir leur commun accord, compte tenu de
l'évolution de leurs besoins.
En effet, la procédure de modification du pacte
d'actionnaires se fait de manière moins formaliste que celle requise
pour la modification des statuts (A). Cependant, celle-ci est susceptible
d'entrainer une précarité de la dite convention notamment lorsque
les dispositions de cette dernière semblent ne plus assouvir les besoins
des partenaires et que ces derniers n'arrivent plus à se mettre d'accord
(B).
|