K. Constat sur l'application de voies
d'exécution contre les entreprises publiques
Dans ce point, il est question de voir comment toutes ces
mesures évoquées ci-haut, voies d'exécution sont
pratiquées et s'ils produisent des effets contre les entreprises
publiques.
Ces mesures qui, de vue, sont censées être
appliqué à toutes les personnes ne les sont pas. Aux termes de
l'article 30 alinéas 1 de l'AUPSRVE, l'exécution forcée et
les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui
bénéficient d'une immunité d'exécution. Si, ils
sont appliqués, on leur interdit des effets contre les entreprises
publiques. Plusieurs décisions tendent toujours à ce sens qu'ils
résultent de la juridiction supranationale ou nationale.
A défaut de recenser les décisions qui
portent sur toutes ces mesures et faute d'accessibilité
à certains documents, nous avons analysé les décisions qui
portent sur la saisie attribution car étant celles mises à notre
disposition.
1. Cas de la CCJA
Hormis l'arrêt Togo Telecom, il y a eu d'autres
jugements qui interdisent l'application des voies d'exécution contre les
entreprises publiques parce qu'elles bénéficient de
l'immunité d'exécution.
On peut évoquer ici le cas de l'arrêt
n°044/2016 du 18 mars 2016 opposant Monsieur GNANKOU GOTH Philippe contre
le Fonds d'entretien routier (FER) et la Société ECOBANK Cote
d'ivoire.
Pour ce qui est des faits, Monsieur GNANKOU GOTH Philippe
avait obtenu un jugement qui condamnait le FER à lui payer diverses
sommes, ainsi, il a pratiqué la saisie attribution sur les comptes de
ce dernier ouverts dans le livre de la société ECOBANK CI par
exploit d'assignation en date du 4 mai 2012,que la dite saisie a
été dénoncée au FER par exploit du 30 avril
2012 ; que suivant l'exploit d'assignation en date du 04 mai 2012, la
Société FER a saisi le juge de l'urgence du tribunal d'Abidjan
plateaux aux fins d'obtenir d'une part la main levée de la saisie motif
pris de ce qu'en qualité d'entreprise publique, elle
bénéficie de l'immunité d'exécution, et d'autre
part, la condamnation de Monsieur GNANKOU GOTH Philippe à lui payer la
somme de 50.000.000 FCFA à titre de dommages et
intérêts ; Que par Ordonnance n°2300 en date du 15 mai
2012, le juge de l'urgence ainsi saisi s'était fondé sur
l'article 30 alinéa 1 de l'AUPSRVE et a ordonné la main
levée de la saisie attribution du 24 avril 2012.
En appel, initié par Monsieur GNANKOU GOTH Philipe
contre ladite ordonnance de main levée, la cour d'appel d'Abidjan a
rendu l'arrêt confirmatif n°1005/12/ du 27 juillet 2012.
Mécontent de l'arrêt, ce dernier a formé un pourvoi devant
la CCJA contre l'arrêt du 27 juillet 2012 de la cour d'appel d'Abidjan
qui avait procédé à la mainlevée.
La CCJA a rejeté le pourvoi formé et
condamné Monsieur GNANKOU GOTH Philippe aux dépens en se fondant
sur l'argument suivant:
L'article 30 de l'AUPSRVE qui dispose que les mesures
conservatoire et l'exécution forcée ne sont pas applicable aux
personnes bénéficiaires de l'immunité d'exécution,
et qu'il résulte de dossiers produits que le FER réunit les
attributs d'une entreprises publique et que cette dernière fait partie
des personnes bénéficiaires de l'immunité
d'exécution, ce faisant la saisie n'a pas lieu d'être, ainsi il
confirme l'ordonnance n°2300 du 15 mai 2012 ayant ordonné la main
levée de la saisie attribution pratiquée sur ses avoirs dans les
livres de la Société ECOBANK CI ;
2. Juge congolais
Affaire SCPT SA contre les Etablissements PNEUMAG et consorts
action initié sous MU 758.
En effet, les Etablissements PNEUMAGS se déclarent
créanciers de la Société Commerciale des Transports et
des Ports S.A et lui réclame la somme de 318.850,88 USD en principal en
exécution du titre exécutoire en l'occurrence l'ordonnance
n°0979/2016 du 28/09/2016 portant injonction de payer du Président
du Tribunal de céans ; qu'en vue de garantir le paiement de cette
créance, l'Etablissements PNEUMAG a fait pratiquer la saisie
attribution sur les avoir de la SCPT SA se trouvant logés dans ses
comptes dans différentes ci- après RAWBANK S.A.,FBN BANK S.A.,TMB
S.A., et FIBANK RDC S.A, en date du 06 et 07 février 2017, et que la
dénonciation a été faite à la SCPT SA en date du 15
février 2017 ;Que pour s'insurger contre cette saisie attribution
des créances pratiquée par l'Etablissement PNEUMAG , la SCPT
S.A par le biais de son Directeur General saisi la juridiction
présidentielle pour obtenir la main levée en invoquant l'article
30 de l'AUPSRVE pour ce qui est de sa protection et 156 al 3 pour omission
mention de frais dans le procès-verbal de cette saisie attribution et
160 du même acte pour forclusion du délai de
dénonciation.
Alors que l'ETS PNEUMAG soulève l'exception de
capacité à l'égards du DG qui a engagé la SCPT SA
avec Conseil d'administration du fait que c'est le Président Directeur
Général qui engage la société anonyme avec Conseil
d'Administration et qu'a son absence c'est le Président du Conseil
d'Administration et le Directeur Général en se
référence des articles 414, 415 et 416 de l'AUSCGIE.
La juridiction présidentielle a dit recevable et
fondée l'action mue sous M.U. 758 par la demanderesse SCPT SA contre les
ETS PNEUMAGS, ordonne la main levée de la dite saisie attribution en le
fondant sur l'article 30 de l'AUPSRVE et que la SCPT est une
société commerciales dont l'Etat congolais est l'unique
actionnaire et dont tous les mandataires sont désignés par le
président de la République.
Au regard de ces décisions, on constate que les juges
de l'espace de l'OHADA écarte les voies d'exécution comme moyens
de protection des créanciers des entreprises publiques en se basant
à l'article 30 de l'AUPSRVE qui consacre l'immunité
d'exécution au bénéfice des entreprises publiques. Ainsi,
témoigne l'inefficacité des voies d'exécution contre les
entreprises publiques. Ces mesures apparaissent comme des revolvers sans
cartouche car dépourvues des effets.
3. Les voies d'exécution sont-elles des mesures
sans effets contre les entreprises publiques?
Dans la pratique, on constate que dans la sphère
juridique de l'OHADA, ces mesures ne cessent d'être pratiquées
contre les entreprises et son recours n'a pas moins d'effets sur les
entreprises publiques. Il est donc possible que les voies d'exécution
aient des effets sur les entreprises publiques quand bien même que
l'article 30 l'interdit. Nous pensons que les voies d'exécution peuvent
produire leurs effets dès lors que l'entreprises publique sur laquelle
ladite mesure d'exécution est pratiquée en a connaissance mais
ne réclame pas le bénéfice de l'article 30 ainsi
considérant son silence ou sa non contestation comme acquiescement ou
acceptation de ladite saisie. Ou encore l'entreprise publique en a connaissance
et réclame le bénéfice de l'article 30 mais le juge ne
lui accorde pas ce droit.
Ce fut le cas d'une affaire opposant la Régie des Voies
Aériennes SA, en sigle RVA contre Monsieur CIBANGU SHAMBUYI et consorts.
En ce qui concerne le fait, il sied de rappeler qu'en dates du 15, 16, 17 mars
2017,une saisie attribution a été pratiquée sur les avoirs
de la RVA logés auprès des sociétés :
STANDARD BANK RDC SA, RAWBANK SA, TRUST MERCHANT BANK SA, BANQUE COMMERCIALE DU
CONGO, ECOBANK SA, AIR FRANCE, BRUSSELS AIRLINES , ETHIOPAN AIRLINES,
SOUTH AFRICA AIRWAYS,TURKISH AIRLINES et KENYA AIRWAYS à la
requête de Monsieur CIBUNGU SHAMBUYI.
C'est ainsi que la RVA par l'entremise de son Directeur
Général a.i Monsieur BILENGE ABDALA a déclenché une
action sous M. U 773 pour contester la saisie attribution et main levée.
La RVA estime qu'il y a lieu d'ordonner la main levée de cette saisie
attribution car non conforme aux exigences des articles 30 de l'AUPSRVE et 131
de l'AUS étant donné que la RVA SA est une société
anonyme unipersonnelle dans laquelle l'Etat congolais détient la
totalité de parts sociales, bénéficiant ainsi de
l'immunité d'exécution, en plus, elle est également
débitrice de la RAWBANK SA à qui la cession des créances a
été faite. Ainsi, au regard de ces prétentions, sollicite
au juge d'ordonner la main levée de la saisie attribution des
créances.
Monsieur CIBUNGU quant à lui évoque et
développe deux moyens de forme dont :
- De l'irrecevabilité de la présente action
tirée du défaut de qualité dans le chef de Monsieur
BILENGE ABDALA.
- Du prétendu caractère de défense et non
d'action dans le chef de la demanderesse.
La juridiction compétente s'est réservée
d'aborder le fond de la présente pour défaut de qualité
dans le chef de la demanderesse, représentée par Monsieur BILENGE
ABDALA et surtout qu'il a été jugé que : le
défaut de qualité est considéré comme moyen d'ordre
public et péremptoire.( CSJ, 07 /07/ 1971, B.A, 1972, p.8 ;
CSJ, 23/03/1989, R.A 25, B.A ,1979, p. 48 ; Matadi, 07/05/1979, RIZ,
n 1,2 et 3,1979, p . 130
En application des dispositions et jurisprudence
précitées, la juridiction rend son jugement, reçoit
l'exception de défaut de qualité soulevé par le
défendeur et la déclare fondée.
Dans cette affaire, le juge a écarté le
bénéfice de l'article 30 de l'AUPSRVE à la RVA qui est
une entreprise publique pour vice de forme. Ainsi, il a consacré
implicitement la dite voie d'exécution pratiqué. Cette affaire
illustre le cas dans lequel une voie d'exécution peut produire des
effets contre une entreprise publique. Telle situation n'est pas une garantie
pour les créanciers des entreprises publiques, car elle conditionne les
effets de la dite voie d'exécution à une erreur de l'entreprise
publique dans sa demande de reconnaissance de l'immunité
d'exécution. Ce qui ne peut pas toujours être possible car
l'entreprise publique peut faire preuve d'une souplesse pour éviter
d'être déboutée pour des questions relatives à la
forme.
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