La sécurité juridique des entreprises publiques en droit congolais.par Farrel NGIMBA Université de Kinshasa - Graduat 2014 |
H. Exécution des sentences arbitralesAux termes de l'article 34 de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage, « les sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par le présent Acte uniforme, sont reconnues dans les Etats parties, dans les conditions prévues dans les conventions internationales éventuellement applicables, et à défaut, dans les mêmes conditions que celles prévues aux dispositions du présent Acte uniforme. Le système mis en place par l'article 34 permet de distinguer deux situations différentes. D'abord les sentences rendues dans un Etat de l'OHADA dont l'efficacité est requise dans un autre Etat membre, il s'agit là de sentences arbitrales internes de l'OHADA, à savoir les sentences rendues par des tribunaux arbitraux ayant leur siège dans l'un des Etats parties de l'OHADA, celles rendues par des tribunaux arbitraux jugeant sur le fondement de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage et celles rendues sur le fondement de Règlement d'arbitrage de la CCJA.71(*) Ensuite, les sentences étrangères, rendues dans un Etat tiers à l'OHADA ou sur le fondement de règles différentes de celles prévues à l'Acte uniforme, celles-ci étant soumises aux conventions bilatérales ou multilatérales auxquelles l'Etat membre de l'OHADA est partie et, à défaut, à l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage.72(*)
L'Acte uniforme régit l'arbitrage de droit commun dans l'espace OHADA, c'est-à-dire l'arbitrage administré par les Centres privés d'arbitrage implantés dans les Etats membres de l'OHADA et l'arbitrage Ad hoc. Le bénéficiaire d'une telle sentence doit s'adresser au juge étatique compétent pour solliciter l'exequatur en vue de l'exécution forcée de la sentence dans l'Etat membre. (Article 30 AUDA). Conformément à l'article 34 de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage, les conventions internationales évoquées sont celles que les Etats membres de l'OHADA ont ratifiées. Tel est le cas de la Convention de New York du 10 décembre 1958 concernant la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères. · L'exécution en vertu de la Convention New York La Convention de New York s'applique à la reconnaissance et à l'exécution des sentences arbitrales étrangères, c'est-à-dire aux sentences rendues en dehors de l'espace OHADA et, très probablement, sur le fondement de règles différentes de celles prévues par l'Acte uniforme et par le Règlement d'arbitrage de la CCJA. Certains Etats parties à l'OHADA sont également partie à la Convention de new York. Ainsi, les parties sollicitant l'exequatur des sentences arbitrales étrangères dans ces Etats ont le choix de s'appuyer, à cet effet, soit sur la Convention de New York, soit sur l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage. En revanche, dans les Etats membres de l'OHADA n'ayant pas ratifié la Convention de New York, la reconnaissance et l'exécution de la sentence arbitrale étrangère se fera nécessairement en vertu de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage qui prévoit un système de reconnaissance assez simplifié.
Le recours des entreprises publiques à l'arbitrage permet sur le plan légal de passer outre leurs privilèges pour se soumettre à quelques exceptions près aux règles de droit privé. Tel est cas de l'immunité de juridiction. S'il est admis qu'en droit international, le recours à l'arbitrage vaut renonciation à l'immunité de juridiction et que cette dernière emporte l'immunité d'exécution sauf stipulation contraire73(*), en Droit de l'OHADA en revanche, cette possibilité n'est pas expressément prévue. Toutefois, il sied de rappeler qu'il y a eu dans l'espace de l'OHADA des jugements qui s'inscrivaient dans la ligne de la renonciation de l'immunité d'exécution, ce qui est de nature à permettre l'exécution forcée des sentences arbitrales. Ce fut le cas dans une affaire où une société de droit camerounais dénommée African Petroleum Consultants (APC) avait obtenu contre la Société Nationale de Raffinerie (SONARA) camerounaise, une sentence arbitrale rendue à Londres en date du 17 avril 2002, condamnant cette dernière à lui payer près de 3 millions de dollars américains et avait pratiquée une saisie attribution des créances de celle-ci sur la société SHELL Cameroun.sa en sa qualité de tiers-saisie sans que le débiteur ne puisse bénéficier des dispositions de l'article 30 susvisé qu'il invoquait pour s'opposer à l'exéquatur de la sentence arbitrale.74(*) Dans un autre cas, la société COMMISIMPEX avait obtenu contre l'Etat congolais et la Caisse congolaise d'Amortissement, une sentence arbitrale CCI en date du 3 décembre 2000, condamnant ces derniers à lui verser diverses sommes d'argent au titre de plusieurs marchés et avait obtenu du Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville la fixation du montant total de sa créance. Il ressort explicitement de l'Ordonnance rendue que «(...) le tribunal relève par ailleurs, que la République du Congo et la Caisse d'Amortissement ont renoncé à leurs immunités de juridiction et d'exécution (...)».75(*) Mais ces jugements n'ont pas eu un fort ancrage dans la pratique car quelques années après la question de l'immunité d'exécution a refait surface et la jurisprudence de l'OHADA tranchant en faveur de cette immunité pour les entreprises publiques. Tel est le cas de l'arrêt Togo Telecom que nous avons eu à évoquer dans le paragraphe 1 de la première section du premier chapitre de ce travail. A titre de rappel, la CCJA a tranché la question en jugeant que l'entreprise publique Togo Telecom (condamnée par la chambre sociale de la Cour d'appel de Lomé à payer diverses sommes au profit d'anciens salariés) pouvait bénéficier d'une immunité d'exécution sur le fondement de l'article 30 de l'Acte Uniforme et a ordonné par conséquent la mainlevée des saisies pratiquées sur ses comptesbancaires. Cette décision de la CCJA constitue un élément efficace sur laquelle les personnes morales du droit publiques, dans le cas d'espèce, les entreprises peuvent se prévaloir même contre une sentence arbitrale. En gros, l'arbitrage quand bien même étant louable, il ne répond pas dans certains cas à la question essentielle qui est celle de l'exécution forcée dans l'espace OHADA des sentences arbitrales contre les entreprises publiques car l'article 30 de l'AUPSRVE resurgit comme leur support et ne permet pas aux créanciers de ces dernières d'avoir gain de cause dans leur revendications. * 71, O CUPERLIER op. cit., p. 8. * 72 Idem. * 73 Art. 17 de la convention des Nations Unies sur les immunités de juridictions des Etats et de leurs biens. * 74 TGI Buea, décision n° HCF/141/OM/2001-2002 du 13 août 2002 (décision inédite) cité par Mamadou KONATE, L'efficacité de la justice à l'épreuve des immunités d'exécution opposées à des jugements ou sentences arbitrales impliquant l'Etat, ses émanations ou démembrements,in Congrès Africain des Juriste d'Affaire (COJA 2013), l'OHADA et la sécurité judiciaire, 6e éd Ouagadougou, Juin 2013, p. 56. * 75 TriCom Brazzaville, Ord. du 09 nov. 2001 (décision inédite), cité par Mamadou KONATE, Idem. |
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