2. L'analyse horizontale
Tout d'abord, en ce qui concerne les entretiens semi-directif,
une tendance s'est dégagée dans le discours des jeunes de la
génération Z. Le recours aux trois techniques de relance a
été plus important, étant donné les réponses
courtes des répondants. Les interrogés étaient bien plus
hésitants que les répondants des autres
générations. La conversation était plus fluide, les jeunes
avaient besoin de plus de temps pour répondre. Pour un répondant
de moins de 20 ans, quasiment chaque intervention a démarré par
un « mmmmh » d'hésitation, et ponctuée par des «
euh ». Cette hésitation et ces temps de réflexions peuvent
traduire un manque de connaissance du sujet, malgré les techniques de
relance et le maintien de la fluidité de l'échange.
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2.1. Consommation
Tous les hommes sans exception font appel aux
cosmétiques dans un souci d'hygiène en premiers lieux. Ils
avouent utiliser du déodorant, du gel douche, du shampoing et du
dentifrice. C'est une pratique ancrée dans leurs moeurs, l'usage de ces
produits est un rituel. En revanche, quelques hommes n'ont pas encore le
réflexe d'utiliser un soin pour la peau de leur visage. Certains ont
essayé, mais ont vite abandonné ou fortement réduit leur
utilisation, pour des motifs différents. Deux hommes n'ont même
jamais eu l'idée d'essayer, car ils n'en voient pas l'utilité ;
« Je ne sais même pas ce que c'est, je vois que c'est pour hydrater
la peau, je n'ai jamais essayé et je n'ai même pas envie
d'essayer. », un homme a même tenté de comprendre « J'ai
déjà vu ça je lui ai demandé ce que c'était.
(É) je leur ai demandé à quoi ça servait ».
Cependant, l'usage de la crème hydratante n'est absolument pas
ancré dans les habitudes de ces hommes, ce sont des non-consommateurs
réfractaires. L'utilisation de ce type de produit passe avant tout par
la compréhension de son utilité.
En revanche, tous les hommes interrogés dans
l'étude estiment qu'ils auraient eu recours au soin s'ils avaient un
réel problème. Le soin de l'homme passe avant tout par une
réponse à un problème connu. Pour corriger des rides, pour
des problèmes d'acné, de peau sèche et sensible. La notion
de plaisir pour un soin du visage n'est en aucun cas nommée. Pour un
homme le soin « soigne » un mal. Si un homme estime que sa peau est
bonne, c'est-à-dire qu'elle n'a pas d'imperfection apparente, il n'ira
pas spontanément utiliser un produit cosmétique. Ces hommes
déclarent également que si un problème de peau survenait,
ils se tourneraient vers un dermatologue. Or, une peau perçue comme
« normale », sans imperfection apparente, est très rare. Elle
est soit sensible, grasse/à imperfection soit sèche (Verschoore,
2016). Par définition, toutes les peaux ont besoin de soin et d'autant
plus la peau de l'homme, car elle est plus épaisse mais plus fragile.
Comme l'a démontré l'étude documentaire,
le rôle de la femme est encore très présent pour plus de la
moitié des hommes (figure 23). Qu'elles soient mères, petites
amies, cousines, ou conjointes, elles ont un rôle de conseillère
et parfois même d'acheteuse. Dans certains cas, elles montrent les gestes
de beauté les plus simples. Les hommes qui ne sont à l'origine ni
de la décision, ni de l'acte d'achat ne sont absolument pas
impliqué dans leur consommation. A tel point que ces hommes ont du mal
à citer la marque du produit qu'ils utilisent. Les hommes sont
dépendants d'une femme. Si la femme en question n'achète pas le
produit, les hommes ne l'utilisent pas, et n'iront pas en acheter. En
particulier chez les jeunes hommes, qui ne font pas
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les courses. Ils ne s'imaginent pas aller dans un
supermarché acheter de la crème pour le visage. Ils sont
très éloignés de l'acte d'achat. La mère a un
rôle de formateur et de pédagogue. C'est elle qui achète
les premiers produits. Lorsque ce n'est pas la mère qui fait
l'éducation cosmétique d'un homme, un professionnel prend le
relais. Le dermatologue inculque une routine à l'homme, qu'il est
susceptible de garder toute sa vie. Cette routine et ses enjeux sont
expliqués au consommateur qui devient peu à peu acteur de sa
consommation, et gagne en autonomie. Le dermatologue transmet les gestes et les
pratiques. La beauté n'est pas le but, c'est le soin. Cette
différence pourrait être une explication d'un ancrage de la
pratique de soin dans les habitudes de l'homme. Certains hommes ont la
même routine depuis l'adolescence, en raison de rendez-vous
fréquents chez le dermatologue. Les habitudes se prennent à deux
moments clefs de la vie : quand le garçon se construit en tant qu'homme,
à l'adolescence, et quand sa peau change, quand elle commence à
prendre de l'âge. Bien que les premières rides apparaissent
dès 30 ans (Verschoore, 2016), la prise de conscience se fait le plus
souvent entre la quarantaine et l'approche de la cinquantaine. En
réalité, plus un homme est informé à propos des
cosmétiques, plus il sera susceptible d'en consommer.
La non-implication de l'homme dans la décision et
l'acte d'achat rend l'utilisation d'un produit inhabituelle. Comme il ne l'a
pas choisi, il ne comprend souvent pas pourquoi il faut l'utiliser
quotidiennement : « C'est pas une habitude pour moi. », « je
suis pas du genre à me pomponner ». Ce n'est pas dans ses habitudes
et il ne l'utilise pas de façon régulière : « Quand
j'y pense en fait ».
Lorsque la femme achète un produit pour l'homme, c'est
généralement lorsqu'elle fait les courses en grandes et moyennes
surfaces. Cette tâche est encore très féminine, mais il est
visible dans les résultats de l'étude que l'homme devient
autonome avec l'âge pour ce qui est des produits de soin. Tout
dépend de la raison pour laquelle il consomme des cosmétiques. Si
la prise de conscience est personnelle, et non influencée par une femme,
alors l'homme ira l'acheter lui-même. Si l'habitude s'est prise à
l'adolescence, il sera également autonome.
Rôle des femmes dans l'acte d'achat et la consommation
« Ma mère me faisait un gommage de temps en temps
» Lucas, 16
« Vu que c'est ma mère qui fait les courses
(É), c'est elle qui achète tous les produits » Lucas 17
« Ma mère dit que c'est ce qu'il y a de mieux pour la
peau. » Lucas,17
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« Ma mère m'a acheté le Mixa
Bébé y a longtemps et depuis j'ai toujours ça » Yann,
17
« je me vois pas aller les acheter moi-même »
Yann, 17
« généralement quand je sais que ma
mère va faire les courses au supermarché (É) je lui
demande de choisir » Valentin, 19
« Ma copine a essayé de m'en faire mettre plus
souvent » Valentin, 19
« C'est ma copine qui m'a dit de le faire » Olivier
A., 26
« Ma mère me disait de mettre de la crème
(É) quand j'étais petit » Gwenaël C., 30
« Crème hydratante pour le corps (É) je
dois utiliser celle de mon amie d'ailleurs » Nicolas
S., 33
« C'est mon amie qui m'a conseillé de l'utiliser
» Nicolas S., 33
« C'est plus mon amie qui s'occupe de ça »
Nicolas S., 33
« Elle va faire les courses en grande surface, ou chez
Sephora par le biais de ma cousine »
Nicolas S., 33
« Ma femme aussi parfois (achat), mais souvent c'est moi
» Bruno S., 48
« C'est moi et ma femme. Quand on va faire les courses.
» Stéphane C., 51
Figure 23. Le rôle des femmes dans
l'utilisation ou l'acte d'achat.
L'autonomie en matière d'utilisation de
cosmétiques varie d'un homme à l'autre, mais les hommes les plus
autonomes sont généralement ceux qui consomment le plus de
cosmétiques. Bien que les femmes tentent de sensibiliser les hommes
à la beauté, les habitudes ne se prennent pas de cette
manière.
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