Le régime juridique du blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.par Samy CHIDJOU Institut supérieur de management Adonai (Bénin) - Licence Professionnelle en sciences juridiques et droit des affaires 2015 |
Section 2 : Le blanchiment une infraction fondée sur des actesL'élément matériel et l'élément intentionnel sont ceux qui complètent l'élément légal lors de la constitution d'une infraction. L'élément matériel de l'infraction autrefois dénommé « corps du délit », consiste dans la manifestation extérieure de la volonté délictueuse sous la forme de gestes ou d'attitudes décrits par la loi d'incrimination21(*). Le droit pénal contemporain est devenu sanctionnateur et réadaptateur : une fois prouvé la matérialité des faits critiqués, il faut que l'on démontre une volonté consciente et éclairée22(*).Il s'agira d'évoquer les aspects fondamentaux d'une infraction l'élément matériel (paragraphe 1) et l'élément intentionnel (paragraphe 2). Paragraphe 1 : L'élément matérielA la différence de la morale, qui scrute les consciences et sanctionne les mauvaises pensées et les intentions coupables, le Droit pénal qui protège la société ne réprime pas les simples idées et intentions criminelles, non plus que la résolution de commettre un délit, car elles ne troublent pas l'ordre social23(*). Un grand principe du Droit pénal est celui que la volonté de l'agent doit s'être manifestée par un comportement extérieur : la loi ne sanctionne pas les manières de penser, mais seulement les manières d'agir24(*). L'article 324-125(*)incrimine deux séries d'actes : la justification mensongère (A) et les actes de complicités (B) A. La justification mensongère lors de la commission de l'infraction« La responsabilité pénale sans faute est une absurdité»26(*). Toute infraction, peu importe sa nature (criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle), nécessite pour être constituée que soit rapportée la preuve d'un élément matériel. L'alinéa 1 de l'article 324-1 dénonce « le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect 27(*)». L'infraction n'est donc pas imputée à l'auteur du crime ou du délit, mais à celui qui va faciliter la justification mensongère de l'origine des biens de l'auteur du crime ou du délit. C'est une forme d'aide, d'assistance, de complicité incriminée en tant que délit distinct. L'élément matériel fait l'objet d'une appréciation sévère : peu importe la nature du crime ou du délit, peu importent les moyens utilisés (fausses factures, faux bulletin de paie, faux contrat de travail), peu importe que le mensonge porte sur le produit du crime ou du délit28(*). On parle dans ce cas de présomption de fond. En effet, Il n'est pas nécessaire d'établir que les biens dont il s'agit proviennent du crime ou du délit. Le délit de blanchiment est constitué dès lors qu'il y a justification mensongère de ressources de l'auteur d'un crime ou d'un délit. Il faut relever que la facilitation de la justification mensongère doit porter sur les biens et revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit en sachant qu'il retire profit de cette infraction et non par sur le profit qu'il retire spécifiquement de ce crime ou délit, ce qui facilite considérablement la tache probatoire du juge pénal.29(*) Sera ainsi considéré comme auteur du blanchiment celui qui se contente d'aider, de faciliter la justification et qui, en l'absence de cette précision du texte, aurait donc été qualifié de complice30(*). * 21 Christophe André, Droit pénal spécial, 2ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p6 * 22 Michel-laure RASSAT, Droit pénal général, 2ème édition mise à jour, Paris, PUF, 1999, p347 * 23 BOULOC Bernard, Droit pénal général, 23ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p213 * 24 PRADEL Jean, Principes de droit criminel 1- Droit pénal général, Paris, Edition CUJAS, 1999, p79 * 25Code pénal, 8ème Edition, Paris, Dalloz, 2011, p1079 * 26 Conte et Maître du Chambon, Droit pénal général, n°377 * 27 Code pénal, 8ème Edition, Paris, Dalloz, 2011, p1079 * 28 Christophe André, Droit pénal spécial, 2ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p302 * 29 En ce sens, W. Jean Didier, Droit pénal des affaires, 6ème Edition, Dalloz, 2005, n°68, p.94 * 30 MALABAT Valérie, Droit pénal spécial, 6ème édition, Paris, Dalloz, 2011, p455 |
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