Le régime juridique du blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.par Samy CHIDJOU Institut supérieur de management Adonai (Bénin) - Licence Professionnelle en sciences juridiques et droit des affaires 2015 |
CHAPITRE II : Les mesures répressivesLa répression est le rôle le plus ancien et le plus apparent attribué au droit pénal car il est chargé de définir les infractions et de faire appliquer les peines correspondant à chacune d'elles. Afin de lutter rationnellement contre le blanchiment de capitaux, l'UEMOA a adopté en dehors des mesures préventives des mesures répressives qui doivent être en retour prises en compte dans tous les pays membres de la communauté en fonction de leur dispositif juridique interne. Il existe différentes approches de répression en matière de blanchiment de capitaux (section 1) et chacune de ses approches peut engendrer des répercussions tant sur les responsables de l'infraction que sur les produits qu'ils obtiennent (section 2). Section 1 : Les différentes approches de répressionPour lutter contre le blanchiment de capitaux, deux formes de dispositions ont été prises. Il s'agit notamment des sanctions pénales qui doivent être rigoureusement appliquées (paragraphe 1) et des sanctions devant être appliquées à l'égard des affaires publiques ou particulières (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les sanctions applicablesDès lors qu'un texte a incriminé un agissement et a fixé le maximum de la peine applicable, il y a infraction89(*). Lorsqu'une infraction a été commise par une personne, celle-ci peut être réprimandée par des sanctions principales et parfois complémentaires fixées par le législateur (A) mais également lorsque lors de la commission de l'infraction, il y a eu des éléments rendant les circonstances aggravantes (B). A. Les sanctions principales et complémentairesLes sanctions prévues pour réprimer le blanchiment de capitaux sont applicables aux personnes physiques comme aux personnes morales. Il existe deux types de sanctions : les sanctions principales et les sanctions complémentaires. Principalement, les personnes physiques coupables d'une infraction de blanchiment de capitaux, sont punies d'un emprisonnement de trois à sept ans et d'une amende égale au triple de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment90(*). La tentative, l'entente ou la participation à une association en vue de la commission d'un fait constitutif de blanchiment de capitaux, l'association pour commettre ledit fait, l'aide, l'incitation ou le conseil à une personne physique ou morale en vue de l'exécuter ou d'en faciliter l'exécution sont également punies des mêmes peines91(*). Certains agissements liés au blanchiment de capitaux sont aussi punis92(*). Ainsi, sont punis d'un emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et d'une amende de cent mille (100.000) à un million cinq cent mille (1.500.000) francs CFA ou de l'une de ces deux (2) peines seulement, les personnes et dirigeants ou préposés des personnes physiques ou morales, lorsque ces derniers auront intentionnellement commis certaines actions. Entre autres on peut citer le fait de donner au propriétaire des sommes ou à l'auteur de certaines opérations ou de faire des révélations sur la déclaration qu'ils sont tenus de faire ou sur les suites qui lui ont été réservées ; De détruire ou soustraire des pièces ou documents relatifs aux obligations d'identification ; de réaliser ou tenter de réaliser sous une fausse identité certaines opérations ; d'informer par tous moyens la ou les personnes visées par l'enquête menée pour les faits de blanchiment de capitaux dont ils auront eu connaissance, en raison de leur profession ou de leurs fonctions ; communiquer aux autorités judiciaires ou aux fonctionnaires compétents pour constater les infractions d'origine et subséquentes certains actes et documents, qu'ils savent falsifiés ou erronés ; Omettre de procéder à la déclaration de soupçon, alors que les circonstances amenaient à déduire que les sommes d'argent pouvaient provenir d'une infraction de blanchiment de capitaux. Sont punis d'une amende de cinquante mille (50,000) à sept cent cinquante mille (750.000) francs CFA, les personnes et dirigeants ou préposés des personnes physiques ou morales, lorsque ces derniers auront non intentionnellement omis de faire la déclaration de soupçons ou contrevenu à certaines dispositions. Il existe également des sanctions prévues pour les personnes morales. Ainsi, les personnes morales autres que l'Etat, pour le compte ou au bénéfice desquelles une infraction de blanchiment de capitaux ou l'une des infractions prévues par la loi a été commise par l'un de ses organes ou représentants, sont punies d'une amende d'un taux égal au quintuple de celles encourues par les personnes physiques, sans préjudice de la condamnation de ces dernières comme auteurs ou complices des mêmes faits93(*). Les personnes morales, autres que l'Etat, peuvent, en outre, être condamnées à l'une ou plusieurs des peines comme l'exclusion des marchés publics, à titre définitif ou pour une durée de cinq (5) ans au plus ; la confiscation du bien qui a servi ou était destiné à commettre l'infraction ou du bien qui en est le produit ; le placement sous surveillance judiciaire pour une durée de cinq (5) ans au plus ; l'interdiction, à titre définitif, ou pour une durée de cinq (5) ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ; la fermeture définitive ou pour une durée de cinq (5) ans au plus, des établissements ou de l'un des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; La dissolution, lorsqu'elles ont été créées pour commettre les faits incriminés ; l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci par la presse écrite ou par tout moyen de communication audiovisuelle, aux frais de la personne morale condamnée. Cependant, certaines sanctions ne sont pas applicables aux organismes financiers relevant d'une Autorité de contrôle disposant d'un pouvoir disciplinaire. L'autorité de contrôle compétente, saisie par le Procureur de la République de toute poursuite engagée contre un organisme financier, peut prendre les sanctions appropriées, conformément aux textes législatifs et réglementaires spécifiques en vigueur. Mis à part les sanctions principales encourues par les personnes physiques tout comme les personnes morales, le code pénal prévoit qu'une ou plusieurs sanctions complémentaires soient prononcées contre celui qui sera reconnu coupable d'un crime, d'un délit, ou d'une contravention. Dans le droit antérieur à 1994, pouvaient exister à côté des peines principales, des peines accessoires et complémentaires dont la différence tenait au fait que les peines accessoires se déduisaient automatiquement de la peine principale, sans que le juge ait à les prononcer et sans qu'il puisse, théoriquement, du moins en dispenser alors que les peines complémentaires devaient avoir été prononcées par la juridiction94(*). Grâce aux nouvelles dispositions du nouveau code pénal, la catégorie des peines accessoires ont disparu mis à part quelques exceptions. Le juge est désormais libre de retenir à sa guise les peines complémentaires. Les personnes physiques coupables des infractions peuvent également encourir les peines complémentaires facultatives95(*) comme l'interdiction définitive du territoire national pour une durée de un (1) à cinq (5) ans contre tout étranger condamné ; l'interdiction de séjour pour une durée de un (1) à cinq (5) ans dans les chefs-lieux des départements ; l'interdiction de quitter le territoire national et le retrait du passeport pour une durée de six (6) mois à trois (3) ans ; l'interdiction des droits civiques, civils pour une durée de six (6) mois à trois (3) ans ; l'interdiction de conduire des engins à moteur terrestres, marins et aériens et le retrait des permis ou licences pour une durée de trois (3) à six (6) ans ; L'interdiction définitive pour une durée de trois (3) à six (6) ans d'exercer la profession ou l'activité à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise et interdiction d'exercer une fonction publique ; l'interdiction d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d'utiliser des cartes de paiements pendant trois (3) à six (6) ans ; l'interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pendant trois (3) à six (6) ans ; la confiscation de tout ou partie des biens d'origine licite du condamné ; la confiscation du bien ou de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution. * 89 BOULOC Bernard, Droit pénal général, 23ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p211 * 90 Art 37 de la loi N° 2006- 14 du 31 Octobre 2006 portant lutte contre le blanchiment de capitaux * 91Art 38 de la loi N° 2006- 14 du 31 octobre 2006portant lutte contre le blanchiment de capitaux * 92 Art 40 de la loi N° 2006- 14 du 31 octobre 2006portant lutte contre le blanchiment de capitaux * 93 Art 42 al A de la loi du 31 Octobre 2006 portant lutte contre le blanchiment de capitaux * 94BOULOC Bernard, Droit pénal général, 23ème édition, Paris, Dalloz, 2013, p466 * 95 Art 41 de la loi N° 2006- 14 du 31 octobre 2006portant lutte contre le blanchiment de capitaux |
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