Le régime juridique du blanchiment de capitaux dans l’espace UEMOA.par Samy CHIDJOU Institut supérieur de management Adonai (Bénin) - Licence Professionnelle en sciences juridiques et droit des affaires 2015 |
Paragraphe 2 : Les dispositions applicables au vue de certaines opérations financièresLe secteur des services financiers a subi depuis le début des années 1990 une mutation profonde. En effet, ils sont à la fois acteurs et victimes du blanchiment, acteurs parce qu'ils sont directement utilisés par les organisations criminelles, et victimes parce qu'ils sont incapables de mettre en oeuvre des procédures de contrôle efficace pour éviter que les fonds de provenance illicite ne viennent s'y blanchir. Il s'avère primordiale, d'analyser les opérations financières menées par les structures telles que les bureaux de changes (A) mais aussi les casinos et établissements de jeux (B). A. Les opérations des bureaux de changes : cas du change manuelLes bureaux de change peuvent être considérés comme l'un des lieux phare du développement du blanchiment de capitaux. Tel est le cas car, Ils brassent des liquidités en quantités importantes et pourtant peu facilement contrôlables ; leur activité est internationale ou, tout du moins, ils se trouvent être le point de contact d'individus ou d'intérêts de multiples nationalités ; leur secteur, bien que théoriquement assujetti aux mêmes contraintes d'identification des clients et de conservations des archives que les banques, est dans la pratique très difficile à contrôler71(*). Parmi les opérations menées par les bureaux de change, de nombreuses font, ressortir principalement le change manuel. Le change manuel est une activité qui consiste à acheter ou vendre, auprès d'une institution financière des billets de banque ou des chèques de voyage libellés en monnaie étrangère contre remise en échange de la monnaie nationale. Il s'agit concrètement de la manipulation manuelle et directe de l'argent. Afin de mieux porter une attention particulière aux bureaux de changes, certaines dispositions doivent être prises. Ainsi, les agréés de change manuel doivent, à l'instar des banques, accorder une attention particulière aux opérations pour lesquelles aucune limite réglementaire n'est imposée et qui pourraient être effectuées aux fins de blanchiment de capitaux, dès lors que leur montant atteint cinq millions (5.000.000) de francs CFA72(*). Un autre lieu emblématique, propice au développement favorable du blanchiment de capitaux est celui des divers établissements de jeux. B. Les opérations des casinos et établissements de jeuxLes pratiques de blanchiment à grande échelle sont souvent précédées d'autres, plus simples et plus locales, qui ont pour objet de concentrer des capitaux73(*). L'utilisation des établissements de jeux et plus particulièrement les casinos pour recycler de l'argent sale n'est pas une nouvelle74(*). Au vu des risques que peuvent constituer les casinos et les établissements de jeux, certaines dispositions ont été prises afin de réguler un tant soit peu cette activité. Ainsi, selon l'art 15 de la loi précitée, les gérants, propriétaires et directeurs de casinos et établissements de jeux sont tenus de respecter les obligations ci-après : - justifier auprès de l'autorité publique, dès la date de demande d'autorisation d'ouverture, de l'origine licite des fonds nécessaires à la création de l'établissement ; - s'assurer de l'identité, par la présentation d'une carte d'identité nationale ou de tout document officiel original en tenant lieu, en cours de validité, et comportant une photographie dont il est pris une copie, des joueurs qui achètent, apportent ou échangent des jetons ou des plaques de jeux pour une somme supérieure ou égale à un million (1.000.000) de francs CFA ou dont la contre-valeur est supérieure ou égale à cette somme ; - consigner sur un registre spécial, dans l'ordre chronologique, toutes les opérations visées à l'alinéa précédent, leur nature et leur montant avec indication des noms et prénoms des joueurs, ainsi que du numéro du document d'identité présenté, et conserver ledit registre pendant dix (10) ans après la dernière opération enregistrée ; - consigner dans l'ordre chronologique, tous transferts de fonds effectués entre casinos et établissements de jeux sur un registre spécial et conserver ledit registre pendant dix (10) ans après la dernière opération enregistrée. Dans le cas où le casino ou l'établissement de jeux serait contrôlé par une personne morale possédant plusieurs filiales, les jetons de jeux doivent identifier la filiale par laquelle ils sont émis. En aucun cas, des jetons de jeux émis par une filiale ne peuvent être remboursés par une autre filiale, que, celle-ci soit située sur le territoire national, dans un autre Etat membre de l'Union ou dans un Etat tiers. * 71Dupuis-Danon Marie-Christine, Finance criminelle, 2ème édition, Paris, PUF, 2004, p151 * 72 Art 14 de la loi N° 2006- 14 du 31 octobre 2006portant lutte contre le blanchiment de capitaux * 73KOUTOUZIS Michel, THONY Jean-François, le blanchiment, Que sais-je, 1ère Edition, Paris, PUF, 2005, p53 * 74Dupuis-Danon Marie-Christine, Finance criminelle, 2ème édition, Paris, PUF, 2004, p167 |
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