Réorganiser l'offre institutionnelle d'une MECS pour répondre à la situation des enfants en difficultés multiples.par Chrysalde MORIN Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) - CAFDES 2019 |
B) De nouvelles compétences à développerLes enfants accueillisdans leur ensemble et leur « conduites déconcertantes dans l'agir 12(*)» mobilisent les équipes. Celles-ci s'appuient sur une « approche pédagogique différenciée qui prend en compte les particularités individuelles »13(*) qu'elles essayent de mieux situer, par des formations spécifiques (Palo Alto, contention), une analyse de la pratique mensuelle, les réunions d'équipe et de synthèse. Poussées par la complexité des situations, elles travaillenten collaboration avec les partenaires dans une « pédagogie itérative »14(*), c'est à dire de « répétition »15(*). Au sein de l'équipe et de la Direction, le « principe d'éducabilité »16(*) n'est jamais suspendu. Ce type d'accompagnement impose une fluidité de l'information, et des étapes de décisions qui s'appuient sur la qualité des relations. En instances partenariales, le travail de Plein soleil est reconnu et apprécié, voire salué,par le secteur de la protection de l'enfance, l'éducation nationale et le médico-social. Néanmoins, les enfants errent souvent dans l'établissement sans projet contenant. Les écrans occupent leur attention, mais en même temps ils laissent un répit à l'unique éducateur de permanence. Les difficultés multiples des enfants engendrent des exclusions récurrentes quelque soit le lieu, ordinaire, spécialisé ou médicalisé. Cela se traduit par des pertes de chance. Plein soleil communique sans relâche avec ses partenaires pour que les règles des dispositifs ne restreignent pas les droits et opportunités des enfants. Les équipes et moi-même sommes réactives et restons disponibles. Les copains de classe et enseignants sont conviés à des temps forts (théâtre, fêtes). Les éducateurs mettent en place les accompagnements scolaires, médicaux et paramédicaux. Ils veillent à la gestion de la collectivité dans le respect des individualités, où la notion de parcours de l'enfant prend sens. L'engagement dans la relation à l'enfant se tisse dans la vie quotidienne avec bienveillance. Cette intervention centrée sur les temps de vie quotidiens convient pour moitié. Pour les enfants aux difficultés spécifiques, tels un retard de langage, troubles de la concentration ou du comportement, l'accompagnement nécessiterait une coopération plus poussée, essentiellement mise en oeuvre aujourd'hui par les réseaux informels. C) Des difficultés d'équipe en miroir de celles des enfantsDeux groupes vont assez bien, ainsi que leurs équipes. Dans le nouveau groupe des jeunes (5/12 ans, 9 garçons, 4 éducateurs et 1 ETP de maîtresse de maison), il y a un bel esprit et une belle énergie. Dans celui des grands (15/18 ans, 4 garçons, 4 filles, 2 éducateurs, ½ maîtresse de maison), l'équipe est complémentaire et sans tension. Les jeunes cherchent un équilibre avant le départ. Ils s'autonomisent et préparent leur avenir (choix de lieu de vie...). Ils sont dans une phase de construction et s'appuient sur leur capacité de résilience. Par rapport au chemin parcouru, ils sont déjà matures. Les professionnels se concentrent sur les derniers ajustements (finalisation de partenariats, transferts en contrats jeunes majeurs). Les difficultés d'apprentissage repérées et reconnues ont impactées le parcours scolaire, laissant ces jeunes avec peu ou pas de diplômes. Cette perte de chance leur promet un avenir plutôtmodeste, sachant qu'en protection de l'enfance 70%17(*) sortent sans diplôme. Rappelons également que 25% des jeunes sans domicile fixe sont issus de la protection de l'enfance18(*). Les enfants en situation de difficultés multiples et ceux inclus dans les dispositifs médico-sociaux sont majoritairement sur les deux groupes des 12_15 ans. L'effectif de chaque groupe est de dix enfants, encadrés parquatre éducateurs etune ½ ETP maîtresse de maison. La logique familiale et les positionnements personnels complexifient les relations professionnelles. Les conflits concernent des personnes qui travaillent ensemble depuis des années19(*). Ils perturbent le fonctionnement institutionnel. Dans ce climat les tensions rejaillissent sur les enfants et s'expriment par des crispations autour des valeurs et des pratiques éducatives (sanction, écrans, sorties). En conséquence,les jeunes professionnels se trouvent en pleindésarroi et perte de confiance (arrêts en cascade malgré une bienveillance de la direction, démissions). Le recours à l'intérim ne pallie plus aux absences. Le taux d'absentéisme (hors formation) dans le secteur médico-social se situait à 8,8 %20(*) en 2016, celui de Plein soleil en 2018 s'élève à 20,57%21(*).Deux personnes sont en arrêt de longue maladie, de plus de neuf mois ; deux sont en arrêts de plus quatre mois , et une personne en accident de travail depuis le 7 février 2018.?Au niveau associatif, les directions des trois établissements Lyonnais rencontrent des difficultésde recrutement.?Cette année, nous avons travaillé avec MEDICOOP société de travail intérimaire solidaire, afin d'optimiser nos remplacements sans coût supplémentaire, puisque cette société facture au taux horaire sans majoration ni taxe sur la valeur ajoutée. L'évolution du taux d'absentéisme est le suivant22(*) :
Cet absentéisme génère une discontinuité préjudiciable à la construction du projet de l'enfant. En un mois un enfant a changé trois fois de référent, cinq fois en un an. Certains enfants affichent des mines blasées à l'arrivée des remplaçants. Ainsi, laMecsPlein soleil a été longtemps une maison à dominante familiale. Elle a su se professionnaliser et est aujourd'hui centrée sur une démarche qualité visant à offrir un chez soi à l'enfant. Les modifications de direction annoncent un tournant organisationnel auquel l'association et Plein soleil doivent se préparer pour devenir sans subir. L'hétérogénéité de son public et les continuités entre le social et médico-social appellent les équipes de Plein soleil à développer leur savoir-faire, pour pouvoir construire une prise en charge complémentaire aux dimensions médico-sociales. Ceci est un enjeu qui participera à renforcer la réorganisation associative, quelque sera son avenir. * 12JEAGER M / éd., 2018, Diriger un établissement ou un service en action sociale et médico-sociale, 2ième éditions, Paris :Dunod, (Parcouru), 1284 p. * 13 GRANGE T., L'accueil des mineurs en difficulté, op cit, p 22. * 14 Ibid. * 15 Ibid * 16 GRANGE T., L'accueil des mineurs en difficulté, op cit, p 84. * 17 Stratégie nationale de prévention et de lutte contre le pauvreté, février 2019, Référentiel : Accompagner les sorties de l'Aide Sociale à l'Enfance,8 p, (visité le 20 05 2019), disponible sur Internet : https://solidarites-sante.gouv.fr * 18 Compte rendu du Conseil des ministres du 30 janvier 2019,La protection de l'enfance, (Visité le 20 mai 2019), disponible sur Internet : http://gouvernement.fr * 19 Ancienneté moyenne des équipes éducatives 10,62 ans, confère tableau page 4. * 20 ANAP,publication du 11 juillet 2018, Tableau de bord de la performance dans le secteur médico-social-Premiers enseignements, catégorie Publication/Organisation, 52 p, (visité le 05 06 2019), disponible sur site : www.anap.fr * 21 Chiffres issus du rapport d'activité de la Mecs Plein soleil 2018 * 22 Chiffres issus du rapport d'activité de la Mecs Plein soleil 2018 |
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