1.1 APPROCHE THEORIQUE
La réussite des élèves dans une
leçon est l'attendu non seulement de l'Enseignant qui donne cours, mais
aussi le leur. Les facteurs pour y parvenir sont multiples : ce qui nous
conduit à nous intéresser aux travaux de Charlot (1999) sur le
rapport au savoir en sociologie et Julio (1995) en psychologie cognitive sur la
représentation des problèmes et réussite en
mathématiques. L'intérêt complémentaire des travaux
de chacun de ces auteurs pour notre recherche se construit simultanément
:
Selon Charlot (1999) la réussite d'un
élève dépend du rapport de soi au savoir. Il situe le
problème au niveau des activités d'apprentissage qui sont sources
de réussite en indiquant que pour qu'il y ait" activité", il faut
que l'élève "se mobilise", pour qu'il se mobilise il faut que la
situation présente pour lui du "sens". Par ailleurs, Il explique que se
mobiliser c'est mettre des ressources en mouvement à travers de bons
mobiles. Pour cela, il faut que le but visé soit mobilisateur d'actions
; car " l'enfant se mobilise dans une activité lorsqu'il s'y investit,
fait usage de soi comme d'une ressource.
Pour Julio (1995) il ne peut y avoir activité de
recherche et de compréhension véritable des mathématiques
que si les élèves parviennent à se représenter les
problèmes qui leur sont proposés. La représentation du
problème est une condition essentielle dans la poursuite du processus de
résolution de problème.
Mais avoir de bons mobiles pour mobiliser les ressources ou
bien se représenter le problème suppose un certain travail de
l'instance enseignante. Ce regard sur l'enseignant nous a conduits à
exploiter les travaux de trois auteurs : E. Paun (2006), G. Brousseau (1998) et
Y. Mathéron (2011).
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Pour chevallard (1985, 1998) et repris par Paun (2006), la
science constituée ne peut pas être transmise telle quelle aux
élèves. Il conseille le curriculum formel qui est le point final
du processus de transformation externe du savoir. Donc il pose un
problème de la forme du savoir qui va faire l'objet de l'apprentissage
ou qui va susciter un intérêt pour l'apprenant.
Concernant Brousseau(1998) l'agio de ses travaux porte sur le
fait que dans le sens de la modélisation l'apprentissage est
supposé s'accomplir par une adaptation spontanée de l'apprenant
au milieu créé par une situation qu'il y ait ou non intervention
d'un enseignant au cours du processus.
Enfin Mathéron (2011) cherchant à comprendre
pourquoi deux élèves n'abordent pas un problème de la
même façon, examine les raisons pour lesquelles, à travers
un épisode critique pour deux élèves dont les voies
empruntées dans l'attaque d'un problème dévolué
à la classe sont différentes : l'une erronée ne conduit
pas à la solution l'autre permettant de la trouver. La réponse
apportée à cette question est naturellement une difficulté
d'adaptation. Celui comprend le problème et trouve la solution se situe
mieux avec la forme présentée. Celui qui ne trouve pas la bonne
voie pour enfin trouver la réponse n'est pas éclairé par
la forme du savoir.
S'il est vrai que la forme à présenter aux
élèves est une condition déterminante dans
l'apprentissage, elle ne peut à elle seule suffire pour permettre de
réels apprentissages. La théorie des situations didactiques se
propose d'offrir ce que Brousseau (1998) appelle la théorie en acte. Il
indique que c'est dans l'action que la compréhension de la situation
permet d'inférer sur une théorie. Il prend bien l'exemple du jeu
sur « qui dira 20 ? » où le choix des nombres de début
est laissé libre à chaque joueur. Mais un choix qui
nécessite des tactiques personnelles. Nous pouvons construire un lien
entre le jeu et les situations d'apprentissage où « qui dira 20 ?
» serait substitué à une question conduisant à des
choix intelligibles pour trouver la réponse attendue.
Des formes du savoir et l'organisation du jeu se placent donc
au coeur de l'enseignement apprentissage. Ainsi il importe de visiter les
pratiques mathématiques, qui comme dit Chevallard (1991), donnent des
compétences aux individus tels que les enseignants qui les utilisent.
Elles leur offrent la possibilité de créer des formes
particulières du savoir. On peut y voir un lien entre le savoir et
l'individu qu'il convient bien de croire qu'il y a une personnalisation du
savoir. Les formes parfois complexes sont modélisées pour faire
passer le savoir savant au savoir à enseigner ou au savoir
enseigné. Il se construit des efforts de transformation du savoir
à tous les niveaux y compris celui de l'apprenant. On peut donc
s'exulter d'entendre Chevallard (1991) reprendre Michel Verret (1975,
pp146-147) : « une transmission scolaire bureautique
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suppose quant au savoir en chacune de ces pratiques, la
séparation du savoir et de la personne ;
c'est-à-dire la dépersonnalisation du savoir.
». L'élève peut détacher les liens
qui unissent les mathématiciens au savoir ; car les
mathématiciens ne sont plus les seuls à posséder
le savoir qui a donc fait l'objet d'un apprentissage.
La condition minimale qui permet à l'enseignant
d'être capable d'opérer le renouvellement didactique c'est la
conduite de la lchronogénèse grâce au fait qu'il
sait avant les autres qu'il sait et qu'il sait « plus ».
L'auteur précise que si cette chronogénèse
toujours détruite (par l'apprentissage), toujours reconstruite
(par l'enseignement c'est-à-dire l'introduction
de nouveaux objets transactionnels) se structurerait selon le seul axe temporel
d'un temps progressif cumulatif irréversible il y aurait bien
en décalage chronologique, une identification du temps de
l'enseignement et du temps de l'apprentissage : la fiction d'un temps
didactique unique deviendrait réalité. L'auteur indique par
ailleurs pour donner une place aux élèves dans leur
apprentissage que le pouvoir de l'enseignant dans la classe ça
n'est pas d'interdire (plus précisément :
d'interdire de manière directe) la réponse
6x2 -- 4 = 2(8x2 -- 2),mais bien de produire la
réponse 16x2 -- 4 = (4x + 2)(4x -- 2). Son pouvoir consiste
moins à désigner les « mauvaises » réponses
qu'à susciter la bonne réponse qui
désigne implicitement les autres réponses comme
mauvaises. Cette attitude est une position qui considère celle
de l'élève ; car l'élève a son rôle à
jouer dans ce beau jeu semble dire Chevallard (1985) où
la synchronie du système didactique n'est vraie que lorsque
l'élève est un actant à part entière. L'enseignant
sait en fait jouer sur l'axe topogénique.
Dans cet environnement de pratiques
mathématiques où l'enseignant travaille pour
l'élève un certain nombre de concepts techniques d'usage
est mis en place pour universaliser le discours. Parlant du topos de
l'élève Chevallard (1998) indique que dans le
cadre des systèmes didactiques scolaires S(X ; y ; P), les types de
tâches intégrés dans une praxéologie
mathématique sont, traditionnellement, accomplis par un individu
seul. L'élève x E X doit apprendre à factoriser,
seul, sans l'aide d'autrui certains types d'expressions
algébriques ; à calculer, par ses
propres moyens, la somme des fractions 47 +
2 , etc. En revanche il n'a pas à apprendre
seul : officiellement il reçoit pour cela au moins l'aide du
professeur y.
Chronogénèse Chevallard (1985) :
disposition du savoir sur l'axe du temps. Ensemble des
opérations qui organisent le déroulement chronologique
(le « défilé ») des objets de savoir et du
résultat de ces opérations.
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Les tâches didactiques, en effet, sont, dans un certain
nombre de contextes, coopératives, en ce sens qu'elles doivent
être accomplies de concert par
plusieurs personnes les acteurs de la tâche. On dira que
chacun des
acteurs doit en ce cas effectuer certains gestes, dont
l'ensemble constitue alors
son rôle dans l'accomplissement de la tâche
coopérative t, ces gestes étant à la fois
différenciés (selon les acteurs) et coordonnés entre eux
par la technique t mise en oeuvre collectivement. Certains de ces gestes seront
regardés comme des tâches à
part entière t' dans l'accomplissement desquelles agira
(momentanément) en autonomie relative par rapport aux autres acteurs
de la tâche. L'ensemble de ces tâches, sous-ensemble du rôle
de lorsque t est accomplie selon , est nommé alors le topos de dans
t.
Le grec topos (qui correspond au latin locus) signifie «
lieu » : le topos de
c'est le « lieu de », sa « place »
l'endroit où, psychologiquement,
éprouve la sensation de jouer, dans l'accomplissement
de t « un rôle bien à lui ». Dans le cas d'une classe on
parlera ainsi du topos de l'élève et du topos du professeur.
Ainsi, lorsqu'une classe de mathématiques « fait un exercice »
ce qui est une tâche éminemment coopérative, la
sous-tâche consistant à fournir l'énoncé de
l'exercice revient généralement au professeur : elle appartient
à son topos. La tâche consistant à produire - par exemple
par écrit - une solution de l'exercice relève elle du topos de
l'élève tandis que la tâche consistant ensuite, à
fournir un corrigé ressortit, à nouveau, au topos du professeur.
Si, au cours de la résolution de l'exercice un élève pose
une question au professeur, il effectue ainsi ce qui est vu ordinairement comme
un simple geste, appelant un geste homologue de la part du professeur - geste
qui peut consister, quelquefois, à... refuser de répondre
Types de tâches : Il souligne une
solidarité à la racine de la notion praxéologie et des
notions de tâche, t, et de type de tâches, T. Quand une tâche
t relève d'un type de tâches T on écrira parfois : t T.
Dans la plupart des cas, une tâche (et le type de tâches parent)
s'exprime par un verbe : balayer la pièce développer l'expression
littérale donnée, diviser un entier par un autre, saluer un
voisin lire un mode d'emploi monter l'escalier intégrer
la fonction entre
et , etc. Trois points doivent être soulignés
immédiatement.
Techniques : Une manière d'accomplir, de
réaliser les tâches t T : à une telle
manière de faire, , on donne ici le nom de technique
(du grec tekhnê, savoir-faire). Une praxéologie relative au type
de tâches T contient donc, en principe, une technique relative à
T. Elle contient ainsi un « bloc » [T/ ] qu'on appelle bloc
pratico-technique et qu'on identifiera génériquement à ce
qu'on nomme
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couramment un savoir-faire : un certain type de tâches,
T, et une certaine manière, x, d'accomplir les tâches de
ce type.
Technologies. - On entend par technologie, et
on note généralement 6, un discours rationnel (logos)
sur la technique - la tekhnê - x, discours ayant pour objet
premier de justifier « rationnellement » la technique x, en
nous assurant qu'elle permet bien d'accomplir les tâches du type T
c'est-à-dire de réaliser ce qui est prétendu.
Les pratiques mathématiques semblent exigeantes sur les
concepts et les objets d'emploi : ce qui occasionne un intérêt aux
travaux de Bosch & Chevallard (1999). Dans leur double questionnement ils
explicitent le problème de la « nature » des objets
mathématiques et celui de leur « fonction » dans
l'activité mathématique. C'est ce qui les a conduit à
établir une dichotomie fondamentale en distinguant deux types
2d'objets : les objets ostensifs d'une part et les objets non
ostensifs d'autre part, ils précisent que le terme ostensif vient du
latin ostendere , « montrer, présenter avec insistance
» qui renvoie à une référence à tout objet
ayant une nature sensible, une certaine matérialité, et qui, de
ce fait, acquiert pour le sujet humain une réalité
perceptible.
A côté des travaux de Marianna Bosch & Y
Chevallard (1999), nous avons estimé que la mémoire est
sollicitée activement par le savoir en construction ; ce qui semble
important pour notre outil d'analyse. Aussi nous avons été
amenés à visiter les travaux Yves3 Matheron &
Marie-Hélène Salin (2002) ensuite ceux de Bertrand & P.-H.
Garnier (2005, p.121),
Pour ce qui est de Mathéron & Salin (2002), ils
impriment dans la conscience éducative qu'une pratique suppose un
dispositif constitué de moyens matériels (feuille, stylo,
règle, énoncé, écrit, compas, etc.) et de
techniques (essentiellement les savoir-faire mathématiques,
institutionnellement mis à la disposition, et attendus pour la
réalisation de la tâche). Ce dispositif doit être
outillé par des gestes appropriés, afin que la pratique puisse se
déployer ; son activation
2 Les objets ostensifs sont constitués
essentiellement des mots, des phrases, des graphismes, des écritures,
des gestes ou tout un long discours pour exprimer les objets non ostensifs
comme une « fonction » ou « la primitive d'une fonction.
»
Les objets non ostensifs sont formés essentiellement
des idées, des intuitions ou des concepts qui existent dans une
institution au sens où on leur attribue une existence sans pourtant
être vus, dits, entendus, perçus ou montrés par
eux-mêmes. Ils ne peuvent qu'être évoqués ou
invoqués par la manipulation adéquate de certains objets
ostensifs associés comme le mot ou le geste.
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nécessite la mobilisation de moyens personnels. Ils
indiquent assez bien que pour produire un geste, il faut en posséder une
mémoire : celle-ci permet de reproduire la pratique
antérieurement apprise : ce qu'ils nomment « mémoire
pratique de la personne » qui résulte de l'incorporation de
chaînes opératoires (Leroi-Gourhan, 1964) portées par
« une communauté mathématique ». L'étude du
travail des élèves permet l'accès à certaines
couches de leur mémoire pratique ; ce que Mercier(1995) nomme «
l'accès à des fragments de leur biographie didactique ».
Cette assertion est illustrée par deux réponses en classe de
2nde à la question « démontez que ABCD est un
rectangle après leur avoir demandé de placer
quatre points A(4 ;1),B( ;4),C( ;1) et
D(-2 ;-2) ». Un premier élève répond
laconiquement : ABCD est parallélogramme AB//CD. AC coupe BD en leur
milieu s'appuyant de ses acquis de la classe de 5ème.Alors
4que le deuxième élève active la mémoire
de pratiques spécifiques de la
classe de 2nde en employant les ostensifs
langagiers (« colinéaires », « déterminants
») ou scripturaux (||) gestes pour l'accomplissement des calculs comme
chercher à savoir si les vecteurs CD et AB sont colinéaires.
Illustration 1 : calcul du déterminant
Concernant A. Bertrand & P.-H. Garnier (2005), ils
indiquent que la mémoire implicite correspond en fait au rappel
accidentel d'expériences passées.
Comme dans toutes les oeuvres d'enseignement ou
d'apprentissage on ne peut se démarquer du système didactique,
nous nous sommes intéressés aux 5travaux de Assude
& Mercier (2007) qui présentent qu'on ne peut vraiment rendre
intelligible l'action du professeur sans prendre en compte dans le même
temps l'action des élèves et qu'il leur parait tout aussi vrai
que l'action de ces derniers dépend
11
fondamentalement de l'action du professeur. Toute
activité d'une instance(le professeur ou les élèves) ne
trouve l'intégralité de son sens qu'à travers l'autre
instance l'une et l'autre rendues solidaires par le savoir en travail.
Il revient pour ce travail de savoir comme les auteurs du
présent ouvrage l'indiquent dans l'hypothèse selon laquelle
l'action didactique est une action conjointe qui puise sa forme dans les
savoirs et qui s'est faite non pas seulement par les méthodes classiques
de l'observation ethnographique ou clinique jugées insuffisantes, mais
par des formes de réduction appropriée de ces données
particulières que sont les films des séances de classe ou les
transcriptions des dialogues produits dans ces séances ; et imaginer des
formes de description de l'action qui puissent rendre justice à sa
complexité, et surtout, des manières nouvelles de mettre en
regard la pluralité des descriptions obtenues : vue synoptique dont
l'élaboration à la fois conceptuelle et technique paraissant
constituer l'un des enjeux majeurs de la recherche pour les années
à venir.
Ils avancent que les « manières de faire » en
tant que techniques peuvent être ramenées dans le vocabulaire de
la recherche à des tâches. Ils énoncent par ailleurs que la
notion de « type de tâches » ne peut permettre à elle
seule la description correcte de l'action mais qu'il faut y ajouter les
situations et les milieux qui donnent leur forme à ces tâches.
Puis ils affirment qu'il faut considérer les techniques non pas comme
des manières d'accomplir une tâche mais comme des manières
d'accomplir tel type de tâches dans un milieu (dans une situation
particulière). Ils Caractérisent les techniques et indiquent que
: « avec la technique invisible, l'élève
produit une réponse. avec la technique faible,
l'élève produit la réponse et met en place un
discours associé à la technique et avec la technique forte :
l'élève produit la réponse explicite un discours
associé à la technique et le valide comme technologie.
Nous nous sommes intéressés aux travaux de G.
Sensevy (2011) parce qu'il oriente dans le sens du savoir ;
éléments pour une théorie de l'action conjointe en
didactique pourquoi décrire les évènements : « Cela
suppose tout d'abord dans un premier temps, une suspension des
conceptualisations théoriques. On a affaire à une certaine
pratique et on cherche à décrire aussi précisément
qu'il est possible sans faire usage de termes théoriquement
chargés. On tente, autant que faire se peut, de saisir la logique
première des événements sans introduire d'autres concepts
que finalement comme si l'analyse épuisait le point de vue des agents
dans un effort de compréhension de ce qu'ils font. Ils doivent pouvoir
s'y retrouver. Ils devraient pouvoir dire quelque chose comme oui c'est bien
cela qui se passe de mon point de vue .
ieux ils devraient pouvoir préciser oui c'est bien cela
qui est essentiel dans ce qui se passe de mon point de vue . »
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