2.1.3 L'ethos numérique
L'ethos se résume à des « traits de
caractère que l'orateur doit montrer à l'auditoire pour faire
bonne impression : ce sont ses aires » (Barthes dans Maingueneau,
2002)151. C'est « tout ce qui, dans l'énonciation
discursive, contribue à mettre une image de l'orateur à
destination de l'auditoire » (Leclerq par Maingueneau, 1992). C'est
l'orateur qui décide de ses propos avec soin, afin de donner une
certaine image de lui auprès de ceux qui l'écoutent.
Désormais sur internet, de nouveaux langages existent, basés sur
une autre forme de discours, celui de l'image. Nous pouvons parler d'ethos
à travers l'image que l'on renvoi comme dialogue (Amossy,
2014)152. Dans les interactions sociales, chacun projette une image
de soi sur l'autre. Ervin Goffman (1973)153 développe une
théorie selon laquelle les individus doivent se montrer dans « un
jeu théâtral », dans lequel il faut prendre davantage en
compte le comportement plutôt que le discours, qui vise à «
exercer une influence sur son interlocuteur » (Goffman par Amossy, 2014).
Sur Instagram, nous allons prendre d'autres signes locutoires qui montrent que
les individus utilisent un ethos numérique tourné vers l'image
tels que la posture utilisée, les positions, mimiques, regards, les
émoticônes ou hashtags utilisés, etc. D'après notre
analyse de contenus, nous remarquons qu'il suffit de visionner la photographie
d'une personne
149 CASSAN, Geneviève. L'égocasting sur
Instagram : la génération Y à la découverte du
monde. Mémoire de Sciences de la gestion, option Marketing, sous la
direction de Christian Dussart, HEC Montréal, Novembre 2015
150 Entretien Claire, 18 juin 2019
151 MAINGUENEAU, Dominique. Problèmes d'ethos.
In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°113-114,
2002. pp. 55-67.
152 AMOSSY, Ruth. L'éthos et ses doubles
contemporains. Perspectives disciplinaires. Langage et
société, vol. 149, no. 3, 2014, pp. 13-30.
153 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie
quotidienne 1. La présentation de soi. Paris : Les éditions
de minuits, 1973, 368 pages
52
pour cerner qui elle et quelle image elle renvoi. Dans le
numérique, l'auditoire est décuplé, et il faut tenir des
« performances réelles liées aux destinataires
différents et des mises en scène contextualisées »
(Lachance, 2015)154. Il faut répondre aux différents
interlocuteurs qui nous regardent via leurs écrans, qui nous
amènent à diffuser différentes facettes de nous. Les
jeunes individus cherchent le regard de l'autre dans les différentes
relations qu'il a. Jocelyn Lachance insiste sur le fait que les jeunes et les
adolescents sur les réseaux sociaux utilisent un ethos qui se «
déploie » entre une production personnelle, et la mise en
scène de cette réalité. Nous pouvons en tout cas conclure
qu'il y a un besoin de plaire à la communauté malgré les
contradictions. En effet, lorsque nous demandons si les photographies doivent
plaire à autrui, la plupart des interrogés répondent par
la positive « Oui j'attends qu'elles plaisent
»155 et d'autres que les photos doivent servir à
plaire à soi-même. Seulement, certains affirment ne pas
désirer plaire aux autres mais déclarent se remettre en question
si elle n'est pas aimée. Il y a un manque de cohérence entre les
propos qui nous indique que les interrogés ne sont pas sincères
face aux questions. Mais la plupart comme évoqué
précédemment cherchent à échanger avec les autres
et cherchent à montrer des paysages esthétiques. Le croisement de
ces informations nous invite à comprendre que les individus, à
travers la mise en scène de leurs clichés, leur volonté de
partage et l'attente d'expressions de la part de ses pairs, veulent plaire
à eux-mêmes, mais également à ceux qui regardent.
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