1.2.1 Une réalité à laquelle
s'identifier
Une des recherches de notre mémoire est de montrer que
les publications sur Instagram ne sont pas de l'ordre du réel, mais de
la mise en scène. Nous pouvons faire le lien avec la
téléréalité, un programme très
apprécié des jeunes mais qui aurait une influence sur eux. Ce
genre télévisuel montre à voir tous les jours la vie
d'individus en train de s'exhiber, vivre leurs relations, mais sans pouvoir
interagir avec eux. Les réseaux sociaux donnent les moyens à ces
jeunes individus d'être davantage en contact avec eux, de pouvoir les
suivre, voire s'inspirer d'eux. Ils vont avoir la possibilité de nouer
des relations avec ces personnages et d'avoir des contacts plus personnels avec
eux. Nous pouvons désormais avec Internet regarder la
télévision et réagir à ladite émission sur
les médias sociaux. Le fait de pouvoir interagir avec ces individus
donne le sentiment que ces personnes sont réelles. La
téléréalité pour Jean-Michel Fourcade (2018)
37est un des programmes où les jeunes s'identifient le plus
car il y a une impression de réalité dans ce que l'on voit.
Mickaël Stora (Stora dans Fourcade, 2018), qu'il cite, parle d'adolescents
« clichés » en pleine recherche identitaire qui essayent de se
retrouver dans ces individus stéréotypés, ce que nous
retrouvons beaucoup sur Instagram. De nombreux utilisateurs vont tenter
d'adopter les mêmes codes que ce qu'ils voient dans ces émissions
et sur les réseaux sociaux ensuite, c'est-à-dire un
exhibitionnisme marqué, des photographies de lieux de rêve. Nous
retrouvons ce type de monstration clichée lors de notre analyse de
contenu car certaines personnes n'hésitent pas à
s'hypersexualiser sur leurs clichés et reproduire des codes du besoin de
se montrer. (Annexe 5) Cependant, nous pouvons nous demander si ces codes sont
réellement ceux repris de la téléréalité ou
est-ce que ce ne sont pas juste les normes d'Instagram ? Nicolas Rousseau et
Christopher Lasch (2014)38 nous disent que le réseau social
uniformise les goûts, dicte les tendances, ce qu'il faut montrer. Chaque
utilisateur donc va s'inspirer des autres, même les
célébrités et personnages de la télévision.
Il y a simplement un phénomène général de «
mode » et donc d'uniformisation des goûts, nous ne pouvons donc pas
affirmer que la téléréalité soit à l'origine
de la stéréotypisation des jeunes sur les réseaux
sociaux.
1.2.2 Téléréalité et
photographie
La télévision comporte des similitudes par
rapport aux réseaux sociaux, notamment dans la spectacularisation du
spectacle à l'écran.39 Sophie Chooeum et Sophie Guemas
(2014) reprennent les propos de Pauline Escande (Escande dans Chooeum et
Guemas, 2017) qui montre également que dans leur lien réside le
fait qu'ils soient tout deux des objets de « partage et de communication
»
37 FOURCADE, Jean-Michel. Ces corps qui nous fascinent : une
nouvelle étude souligne à quel point les émissions de
télé réalité et les réseaux sociaux ont un
impact redoutable sur l'image de soi des ados. Atlantico.
38 ROUSSEAU, Nicolas, LASCH Christopher. La culture du
narcissisme. Actu Philosophia. 12 Juillet 2014
39 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie
au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire
en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est
Marne-la-Vallée, 2017
16
dans le but de faire réagir celui qui regarde, de
capter son attention. La téléréalité est faussement
une preuve de réalité. Les individus pensent voir des
vérités quotidiennes, seulement, ils ne réalisent pas le
fait que tout ceci n'est que mise en scène. Les participants de la
téléréalité ne sont pas réellement libres de
leurs actes, ils réagissent en fonction de ce que la production essaye
de faire dégager d'eux. Un programme de divertissement ne peut pas
fonctionner s'il ne se passe rien. Ainsi, la télévision va agir
de sorte à ce que les candidats se retrouvent dans des situations qui
attirent la curiosité du spectateur. Ils sont filmés, tous les
jours, n'ont pas accès à l'extérieur, aux informations, se
retrouvent à environ une quinzaine pendant plusieurs semaines, ce qui
entraîne forcément des comportements différents. Les
candidats deviennent plus sujets aux émotions fortes, et c'est ce que
recherche le spectateur. Ce genre d'émission montre « l'amour
», la provocation, la jalousie, les colères, les fous-rires, tout
ce qui rend le téléspectateur voyeuriste de l'intimité
à laquelle il s'accroche. Et qui dit « intimité » dit
réalité. Comme nous l'avons dit précédemment, ce
programme est porteur de stéréotypes souvent intronisés
par les jeunes. Par exemple, les participants de
téléréalité vont incarner des profils
stéréotypés : filles habillées court,
décolletés, très maquillées, en maillot de bain, ou
encore des hommes torse-nus. Il y a une hypersexualisation des individus, qui
influe sur les jeunes individus, en pleine période de recherche
identitaire et sexuelle. Le fait de toujours montrer à outrance une
certaine intimité des personnes, face à leurs ressentis, à
leur sexualité, laisse à penser que c'est ce qui intéresse
tout le monde : se montrer. Ainsi, les utilisateurs d'Instagram intronisent le
fait que la monstration de soi et de son quotidien est quelque chose
d'intéressant à voir, qui attise la curiosité des autres.
Mais bien évidemment, tous les individus ne sont pas à l'image de
ce qu'ils regardent comme programmes.
|