1.1.3 L'interaction entre l'écran et le
téléspectateur
L'intérêt prononcé des jeunes pour les
écrans et les images serait dû au fait que « la
télévision est spectaculaire au spectateur, que celui-ci
entretient une relation particulière avec ceux qui la regarde »
(Lacan dans Lalo, 2011). Il serait question « d'interactivité
»31 entre la télévision et le spectateur dans la
création d'un lien particulier entre eux. Nous pouvons prendre l'exemple
des animateurs télévisuels. Ils instaurent un rituel quotidien
donnant l'impression aux téléspectateurs qu'ils sont tels des
amis, des connaissances : « Bonjour à tous, merci d'être
avec nous », « à demain pour notre prochaine
émission », « passez un bon week-end ».
L'écran communique avec eux, il n'est qu'un objet de médiation.
Nous reprenons le même fonctionnement que les réseaux sociaux avec
les influenceurs et utilisateurs, comme nous avons pu le voir dans notre
analyse sur Instagram, qui remercie leurs abonnés pour le nombre qu'ils
sont, on communique avec eux « Hello les amis »32
ou « passez un bon vendredi »33. Il se
créé une relation entre l'individu et celui qu'il regarde
quotidiennement via la médiation de son écran, mais qu'il ne
connaît pas vraiment. Il lui est donné l'impression d'être
réellement en contact avec eux, de les écouter ou de les voir,
tels des proches. Ceci est une des raisons à notre sens de pourquoi les
médias, bien avant internet, ont engendré un sentiment
d'attachement aux objets leur permettant d'être en contact avec le monde.
Les jeunes individus désirent se sentir exister et ces êtres
virtuels, en interagissant avec eux de manière passive ou active
(simplement regarder son écran ou pouvoir répondre sur les
réseaux sociaux), leur donne une identité, une existence et se
sentent reconnus en tant que « téléspectateur » ou en
tant « qu'abonné » sur Instagram. Les réseaux sociaux
demeurent plus ancrés dans le quotidien et la dimension personnelle que
les autres médias, par cette possibilité d'interagir
directement.
29 KABORE, Salimata, L'impact de la
télévision. Centre avec.
30 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego
2.0 ». Quelques considérations théoriques sur
l'identité et les relations à l'ère des réseaux
», Les Cahiers du numérique, vol. vol. 6, no. 1,
2010, pp. 13-34.
31 LALO, Vanessa. Pourquoi regarde-t-on la
télévision. 2011. PDF
32 Analyse de contenu n°7
33 Analyse de contenu n°18
14
1.1.4 La télévision comme support de la
fiction
Le principe qui sépare Internet de la
télévision est leur rapport à la réalité.
Chaque personne est consciente que la télévision est
censée représenter la fiction à travers les films et les
séries. Dans son caractère passif, on subit l'image, on la
regarde mais nous sommes dans l'incapacité d'interagir avec. Cet aspect
déshumanise la télévision par rapport à internet
qui devient davantage un représentant de la réalité. La
possibilité d'être en contact permanent avec la terre
entière, de savoir que chaque lien, information est partagée par
quelqu'un rend le web plus concret. Les chaînes
télévisuelles ont tenté d'introduire cet aspect humain et
réel à travers des programmes censés « montrer les
individus dans leur quotidien »34. Nous prenons comme exemple
le phénomène de la téléréalité, que
nous développerons plus tard. Cependant, la télévision est
une manière pour les jeunes de « vérifier leur existence
», de s'assurer qu'ils sont dans la norme en se comparant aux personnages
qu'ils voient. Le « héros télévisé » est
dépeint comme un soi-idéal du spectateur qu'il idéalise.
(Chooeum et Guemas, 2017) La télévision, dans son aspect fictif,
est un moyen d'oublier son quotidien ou de les projeter sur ce que nous voyons.
La télévision sert « d'exutoire » à nos
problèmes et nos fantasmes et reflète un usage d'Instagram :
modifier ce qui existe pour le rendre conforme à notre
idéalisation.35 C'est ainsi qu'apparaît cette limite
floue entre la réalité et la mise en scène mise en avant
sur les réseaux sociaux. Cette diversion de la réalité que
représente l'écran télévisuel a engendré des
comportements nouveaux que nous pouvons retrouver sur internet : le besoin
d'idéaliser notre vie et nous-même, d'échapper à un
quotidien monotone, se sentir exister de par les individus qui s'adressent
à nous. L'évolution technologique non pas changer les
médias mais les déplacer vers la sphère numérique.
Ce besoin de créer son identité et de reconnaissance n'est pas
apparu avec les réseaux sociaux, mais bien avant si l'on analyse les
usages. Ainsi, nous pouvons transposer les comportements des jeunes face
à la télévision à ceux face aux réseaux
sociaux. Ils sont toujours dans une recherche de lien avec autrui, ils
désirent toujours échapper à leur quotidien, notamment en
publiant des photographies de décors extraordinaires, qui les sortent de
la réalité. En regardant leur galerie d'images, ils se placent en
dehors du quotidien dans lesquels ils se sentent cloisonnés. Lors de
notre analysé de contenus, nous remarquons que la plupart des
interrogés partagent des images pour avoir « de jolies galeries
d'images 36», surtout, pour montrer des instants qui
sortent de l'ordinaire, comme nous le développerons plus tard, ce qui
affirme que les individus ont une volonté de se créer une
identité dans un contexte en rupture avec l'anodin.
34 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie
au-delà de la simple représentation de soi. Mémoire
en master 2 Culture et métier du web, Université de Paris-Est
Marne-la-Vallée, 2017
35 CHOOEUM Sophie, GUEMAS, Marion. Le selfie au-delà de la
simple représentation de soi. Mémoire en master 2 Culture et
métier du web, Université de Paris-Est Marne-la-Vallée,
2017
36 Entretien Elise, 15 juin 2019 et entretien Morgane, 10 juin
2019
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1.2 La téléréalité
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