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E-réputation et image de soi : les réseaux sociaux entre réalité et mise en scène - le cas d'Instagram


par Maïwenn CHERIN
UFR SLHS Franche-Comté  - Master 2 Information - Communication  2019
  

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1.2 L'image de soi sur Internet 1.2.1 E-réputation sur Internet

La réputation est « la représentation sociale d'une personne partagée, provisoire et localisée », c'est une sorte d'évaluation sociale. Elle dépend de l'influence qu'on exerce sur l'autre pour avoir une réputation positive, provoquer une réaction chez l'autre (commentaire, partage, etc.). Nous allons parler de « réputation-action » car elle se joue en un temps et un domaine donné (Bollier et Lohard, 2015).136 L'e-réputation est une réputation construite en ligne avec un dispositif d'évaluation à partir

134 Axel Honneth, Invisibilité : sur l'épistémologie de la « reconnaissance. Réseaux 2005/1 (n° 129-130), p. 39-57.

135 Entretien Justine, 03 juin 2019

136 BOULLIER, Dominique, et LOHARD Audrey. Médiologie des réputations numériques. Mesurer pour agir. Terrains & travaux, vol. 26, no. 1, 2015, pp. 105-125.

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des « traces des activités des internautes » sur les réseaux sociaux. (Djebli, Alexis, 2017)137. Elle réside dans le fait de faire attention à ce que l'on publie, afin de faire attention à l'image que l'on renvoie et éviter les rumeurs. (Granjon, 2014)138. La réputation est essentielle sur les réseaux sociaux car lorsque nous nous exposons, nous attendons la reconnaissance de notre identité via autrui, de par l'estime que l'on nous porte.

1.2.2 Estime de soi et estime sociale

Les « dérives de l'extimité » peuvent amener les individus dans des situations compliquées. A trop vouloir être remarqué, parfois l'on peut oublier de susciter des sentiments positifs plutôt que des sentiments tout court (Tisseron, 2011). Mais en général, l'individu va essayer de montrer le meilleur de lui-même, il va toujours chercher à se mettre en valeur aux yeux de ses pairs. L'estime sociale vient de la société et dépend de son système de valeurs. Nous pourrions penser que l'estime sociale et l'estime de soi sont différents, hors l'estime de soi découle de l'estime sociale car « sans reconnaissance, l'individu ne peut se penser en sujet de sa propre vie » (Honneth par Santarelli, 2016)139. Nous ne pouvons pas avoir d'estime de soi si nous ne développons pas des valeurs propres à nous-mêmes, si notre contribution à la société n'est pas reconnue ou n'est pas estimée par les autres. Cela peut paraître ironique car nous ne pouvons pas avoir d'estime de nous-même si nous n'avons pas de valeurs propres mais il faut que ces dites-valeurs soient également partagées par la société. L'estime de soi qui se crée par la reconnaissance des qualités et capacités de l'individu selon ce système de valeurs. L'estime sociale, elle, permet aux individus de se voir et se raconter de façon positive grâce à la reconnaissance de « singularité » par les pairs. (Ils vont partager des choses ensemble). Les individus vont sur les réseaux sociaux pour montrer leurs goûts, leurs valeurs et rendre légitime leurs actions. Mais ces goûts se retrouvent au final partagés par d'autres individus dont on cherche la reconnaissance, ce qui créé une uniformisation de la société pour la recherche de la reconnaissance. Il faut se montrer pour se construire une estime de soi. Nous pouvons également parler de « respect de soi » (Mead par Honneth dans Santarelli, 2016)140 qui est lié à la reconnaissance de ses pairs. Le fait de se respecter donne à l'individu un sentiment de supériorité. C'est ce sentiment qui le fait se distinguer des autres et lui donne l'impression d'être un être singulier. Les abonnés interrogés ressentent tous ce besoin de recherche de reconnaissance car ils

137 DJEBLI Yasmine, ALEXIS Ophélie. Instagram : La réalité qui se cache derrière nos photos. Master SHS UPEM, Université Paris-Est Marne-la-Vallée, Les mondes numériques. 21 janvier 2017 - Consulté le 04/03/19

138 GRANJON, Fabien. Du (dé)contrôle de l'exposition de soi sur les sites de réseaux sociaux. Les Cahiers du numérique, vol. vol. 10, no. 1, 2014, pp. 19-44.

139 SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 2016, mis en ligne le 17 août 2016

140SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 17 août 2016 (

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ont accès à une certaine estime d'eux, déjà parce qu'ils ne s'exposent pas de manière impudique, qu'ils font attention à l'image qu'ils rendent d'eux.

1.2.3 Marque de reconnaissance des pairs : le système de j'aime et de commentaires

Instagram comme tout autre réseau social possède un système d'appréciation des contenus publiés : les anciens « j'aime » que l'on retrouvait sur Facebook sont représentés maintenant par un coeur, qui sert à montrer à l'utilisateur si l'on apprécie ce qu'il a publié. Axel Honneth (Honneth dans Santarelli, 2016)141 parle de « médiation expressive », c'est-à-dire que les individus, en s'exposant se portent à la connaissance d'autrui, puis cette existence va être légitimée par des actions ou expressions. Il y a également le système de commentaire où l'on peut exprimer ce que l'on ressent de la publication. En général, les individus attendent des commentaires positifs où l'on exprime l'adoration, la beauté, la qualité, etc. André Gunthert142 qualifie cela de « réponses collectives à un événement commun ou des occasions culturelles ». Il explique ensuite que le dispositif d'appréciation donne une légitimité à la fois sociale, critique et esthétique à la photographie. Il est étonnant de remarquer que le système de notation est presque devenu un moyen de communication à part entière. Lors des entretiens, lorsque nous demandons aux interviewés ce qu'ils feraient si une photo n'était pas «aimé» pas leur communauté, les réactions sont sans équivoques «Bah je trouve ça bizarre mais oui, si je n'ai pas de j'aime, je l'enlèverais» (Zélie143), les jeunes n'imaginent pas la possibilité de n'avoir aucune réaction de leurs abonnés. Ils sont tant dans la recherche incessante de réactions et le retour immédiat de celles-ci de la part de leurs amis qu'il n'est pas commun de n'obtenir aucun retour. Le fait de mettre en ligne notre apparence que les autres peuvent « juger », à partir du système de j'aime et de commentaires, est un moyen d'instaurer un système autorégulé pour la reconnaissance collective.144 Les likes « apaisent » car ils sont ressentis comme des marques d'attention de la part des autres, il peut être vu comme une unité de mesure de l'attention et de la bienveillance que les autres nous portent. Nous pouvons illustrer ces propos par l'exemple de l'épisode « Nosedive » de la série Black Mirror (épisode 1, saison 3) qui montre une société dominée par les réseaux sociaux, où les rapports entre humains sont calculés car tous évalués selon un système de notation que nous pouvons retrouver par exemple sur les sites d'achats en ligne. Le personnage principal tente de s'en sortir dans sa vie en essayant d'atteindre une note plus haute que celle qu'elle possède dans l'application pour être reconnue par la société et accéder à ce qu'elle désire. Nous ne sommes pas si loin de cette vision chaotique des rapports humains. Notre enquête révèle que les individus attendent des expressions positives, malgré qu'ils disent parfois le contraire, ils se contredisent pour ne pas avouer la vérité « Non je ne veux pas de like, je veux juste émerveiller les gens et déclencher des réactions

141 SANTARELLI, Matteo. L'estime de soi : un cas particulier d'estime sociale. Terrains/Théories, 17 août 2016

142 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014

143 Entretien Zélie, 03 juin 2019

144 GUNTHERT André. L'image conversationnelle. Études photographiques, n°31. 2014

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positives » (Christophe145) mais sur les réseaux sociaux, s'il y a réaction positive, il y a appréciation de la part de ses pairs avec le système des j'aime. A contrario, peu de personnes désirent de commentaires. Cela s'explique par le fait que le commentaire a moins un impact que la reconnaissance positive que le j'aime, réel symbole d'engagement et d'appréciation.

2. L'image de soi comme objet de marketing

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