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E-réputation et image de soi : les réseaux sociaux entre réalité et mise en scène - le cas d'Instagram


par Maïwenn CHERIN
UFR SLHS Franche-Comté  - Master 2 Information - Communication  2019
  

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1.2.2 La théâtralisation des interactions

Pour Ervin Goffman (1873)98, le monde social lui-même représente un théâtre dont les échanges entre les individus ne sont que parades. Déjà car ces échanges s'adaptent en fonction de la personne à laquelle nous parlons. Nous n'avons pas le même comportement, la même gestuelle ni la même façon de nous exprimer devant nos amis, notre famille ou nos supérieurs hiérarchiques. Chaque personne dans sa vie de tous les jours joue continuellement des rôles qui diffèrent selon son auditoire et la situation.

Nous pouvons appliquer cette théorie aux réseaux sociaux. Les individus exacerbent sur leurs clichés une partie de leur identité, un attrait de leur personnalité. Ils se rendent acteurs de scènes de leur vie afin de montrer une particularité d'eux-mêmes. Ils vont désirer dégager quelque chose en fonction du public qu'ils ciblent. Ainsi, certains instagrammeurs vont avoir tendance à se montrer selon le rôle qu'ils aimeraient incarner dans la vie réelle. Certaines personnes vont mettre en avant leur corps, leur beauté, leur musculature, leur sensibilité, capacité à cuisiner, etc. De plus, notre enquête nous a permis de confirmer notre hypothèse selon laquelle les individus se créent une image sur internet pour leurs échanges. Il n'y a apparemment pas de place pour les expressions négatives sur le réseau social. La majorité des images présentent des individus en train de sourire ou de rire, montrant ainsi une surexposition de la joie. Ce phénomène est confirmé par l'utilisation de hashtags récurrents tels que #happy, #happiness, #love et par certains témoignages « C'est un réseau social qui fonctionne sur

97 LARDELLIER, Pascal, BRYON-PORTET Céline. « Ego 2.0 ». Quelques considérations théoriques sur l'identité et les relations à l'ère des réseaux. Les Cahiers du numérique, vol. 6, no. 1, 2010, pp. 13-34

98 GOFFMAN, Ervin. La mise en scène de la vie quotidienne 2. Les relations en public. 1873. Paris : Les Éditions de minuit, 256 pages.

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l'esthétisme et le bonheur ». Elise99 confirme en avouant qu'elle se donne une image « plus joyeuse » sur Instagram.

1.2.3 Le décor de la photo comme mise en scène de soi

La comparaison de la mise en scène de la pièce de théâtre aux réseaux sociaux d'Ervin Goffman explique que le « décor » d'une pièce a totalement son importance lors d'une représentation, elle plante l'action dans un contexte. Sur Instagram, nous remarquons que de nombreux clichés axent leur importance sur l'arrière-plan, le paysage. Cela permet de montrer les lieux dans lesquels nous allons et la beauté de ce que nous vivons. Il ressort de notre enquête que l'arrière-plan n'a pas d'importance en lui-même, excepté lorsqu'il est le sujet principal de la photographie. Mais il sert de mise en valeur du sujet. Pour confirmer le paradigme de Goffman (1973), nous avons fait ressortir de notre recherche que 9 des interrogés sur 14 avouent mettre en avant le paysage sur les photographies. Dans l'analyse de contenus, seules 7 personnes sur 30 ne mettent pas en avant de décor en général car elles concentrent les clichés sur elles-mêmes. Pour les autres, nous nous rendons compte qu'ils expriment différents attraits à travers les décors : leurs goûts et passions, notamment avec les salles de sports, lieux d'activités, mais surtout, le thème très récurrent est celui du paysage de voyage. En effet, notre enquête révèle que les personnes se prennent principalement dans des lieux de vacances, de promenades et immortalisent des sites qu'ils trouvent beaux ou qui sont célèbres (les monuments, lieux incontournables) (Annexe 9). C'est ce que les abonnés recherchent sur Instagram : la quête de paysages magnifiques, de lieux dans lesquels ils voudraient aller, du rêve. A l'instar de Goffman, les photographies montrent que le décor sert bel et bien de mise en scène à l'action, de décor à la personne qui se place en tant qu'acteur de l'instant. Il y a peu d'images de paysages seuls, mais souvent avec les protagonistes devant, qu'ils soient de face ou de dos. Il y a cette envie de montrer aux autres les instants privilégiés que nous vivons. Nous pouvons croiser ces informations avec la question de l'immortalisation de l'exceptionnel ou de l'anodin qui confirment notre hypothèse car les individus veulent davantage montrer l'exception que l'ordinaire. Le décor résulte d'une élaboration du paysage ou de soi-même. Les individus ressentent le besoin de se construire une identité autour de ces photographies et le fait de mettre en avant des lieux exceptionnels contribue à alimenter une image de soi positive, à se construire une identité de voyageur, d'amateurs du fabuleux que l'on va soi-même introniser pour penser être cette personne.

99 Entretien Elise, 15 juin 2019

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