2. Identités multiples
2.1 Identité réelle et numérique
2.1.1 L'identité numérique et le design de
soi
«C'est lorsque l'homme parle en son nom qu'il est le
moins lui-même. Donnez-lui un masque et il vous dira la
vérité». Oscar Wilde (1891).2
Les individus possèdent plusieurs identités,
même en dehors du monde virtuel. Nous sommes déjà
amenés à adoptés différentes facettes en fonction
de la situation dans laquelle nous nous trouvons et en fonction du public avec
lequel nous interagissons : « Après je choisis quoi montrer et
comment le montrer, je me montre sous mon meilleur jour. Un peu comme à
un diner chez la belle famille ou à la machine à café avec
les collèges de bureau. Je ne suis pas à 100% moi-même mais
je ne suis pas non plus différente. Il y a le « moi » de
l'intime et le « moi public ». Sur Instagram, je fonctionne
selon mon « moi public ». Il existe différentes
représentations de soi : celle que l'on a de soi-même, celle que
les autres ont de nous, etc. mais l'identité se décline en trois
composantes : l'identité personnelle (ce qui fait que nous somme
unique), l'identité juridique (un citoyen pourvu de droits et de
devoirs) et l'identité sociale (la culture de l'individu, ses valeurs et
normes). Parmi ces identités, nous retrouvons celle que nous
construisons sur le web : l'identité numérique. Elle est
l'ensemble des données saisies par l'utilisateur sur internet (les
pseudos, identifiants, etc.). Ce sont des traces laissées volontairement
ou involontairement (traçage de nos données) ou «
héritées » (notre réputation) (Delefosse,
2016).100 Elle se traduit en tant que « profil », une
fiche identitaire créée par les internautes afin de se
présenter aux autres. Le choix des informations que l'on donne font
varier l'image que les autres vont avoir de nous. Nous avons pu observer que
les individus mettent en avant certaines informations plutôt que
d'autres, ce qui tend à leur créer une certaine facette : le/la
sportif(ve), l'intellectuel(le), l'amateur(rice) de musique, etc. Dominique
Cardon (2011) 101 parle de « design de la visibilité
», c'est-à-dire la manière dont est rendue visible
l'identité des individus sur les médias sociaux. Fanny Georges
(2009)102 explique que dans le monde réel, « la
présence du corps est un indice absolu d'existence »,
c'est-à-dire que l'identité n'a pas de forme à part la
représentation de notre corps. Mais dans le virtuel, la personne doit se
créer un profil pour exister et pouvoir échanger. C'est ainsi que
la représentation de soi sur internet prend de l'importance « dans
l'image que l'on va se faire de nous » car celles-ci incarneront notre
identité immatérielle. Il faut donc décider de ce qui sera
mis en avant ou non selon ce qu'ils veulent montrer : des passions, un
métier, d'autres facettes d'eux-mêmes, parfois inconnues aux
autres. L'exemple de Jonathan, cataphile à ses heures, et auxiliaire
dans la vie réelle, qui publie uniquement des photos de ses
expéditions
100 DELEFOSSE Marie-Sarah. Jeunes et médias, quels
enjeux ? CPCP, n°22, 2016.
101 CARDON, Dominique. Réseaux sociaux de
l'internet. Communication, vol. no.88, 2011, pp. 141-148
102 GEORGES, Fanny. Représentation de soi et
identité numérique. Une approche sémiotique et
quantitative de l'emprise culturelle du web 2.0. Réseaux, vol. 154,
no. 2, 2009, pp. 165-193.
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souterraines. L'identité numérique n'est pas
forcément une autre identité que la nôtre, mais elle est un
continuum de notre identité réelle : « Je ne
suis pas totalement moi-même mais je ne suis pas différente non
plus » (Justine)103. (Perea, 2010) comme le confirme
Morgane lorsque nous lui demandons si elle se conduit différemment de la
réalité sur Instagram : « Je ne pense pas, c'est une
partie de moi mais je vais juste la mettre plus en avant ». Les
individus extériorisent leur identité sur le net via
l'identité numérique.
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