2.1.2.
Le concept d'étayage
2.1.2.1. Etayage en psychanalyse
Terme introduit par Freud (1905) pour désigner la
relation primitive des pulsions sexuelles aux pulsions
d'autoconservation : les pulsions sexuelles, qui ne deviennent
indépendantes que secondairement, s'étayent sur les fonctions
vitales qui leur fournissent une source organique, une direction et un objet.
En conséquence, on parlera aussi d'étayage pour désigner
le fait que le sujet s'appuie sur l'objet des pulsions d'autoconservation dans
son choix d'un objet d'amour ; c'est là ce que Freud a
appelé le type de choix d'objet par étayage.L'idée
d'étayage est une pièce maîtresse de la conception
freudienne de la sexualité. Présente dès la
première édition des Trois essais sur la théorie de la
sexualité (1905), elle ne fait que s'affirmer dans les
années suivantes.En 1905, dans sa première élaboration
théorique de la notion de pulsion, Freud décrit la relation
étroite qui existe entre la pulsion sexuelle et certaines grandes
fonctions corporelles. Cette relation est particulièrement
évidente dans l'activité orale du nourrisson : dans le
plaisir pris à la succion du sein, « ... la satisfaction
de la zone érogène était étroitement
associée à la satisfaction du besoin de
nourriture ». La fonction corporelle fournit à la
sexualité sa source ou zone érogène ; elle lui
indique d'emblée un objet, le sein ; elle procure enfin un plaisir qui
n'est pas réductible à l'assouvissement pur et simple de la faim,
une sorte de prime de plaisir : « ... bientôt le
besoin de répéter la satisfaction sexuelle se séparera du
besoin de nutrition ». La sexualité ne devient donc
autonome que secondairement et, une fois abandonné l'objet
extérieur, fonctionne sur le mode auto-érotique (voir
Auto-érotisme).L'étayage s'applique aussi dans le cas des autres
pulsions partielles : « la zone anale, de même que la
zone labiale, est appropriée, par sa situation, à permettre un
étayage de la sexualité sur d'autres fonctions
corporelles ».
Dès 1905, tout au long du chapitre sur la
« découverte de l'objet », la genèse du choix
d'objet telle que la décrit Freud, est celle-là même qu'il
qualifiera plus tard de « type de choix d'objet par
étayage ».Dans les années 1910-12, dans les textes
où Freud dégage la grande opposition des pulsions
sexuelles et des pulsions d'autoconservation, la notion
d'étayage est toujours présente : elle désigne la
relation originelle des deux grandes sortes de pulsions : « ...
les pulsions sexuelles trouvent leurs premiers objets en étayage sur les
valeurs reconnues par les pulsions du moi, tout comme les premières
satisfactions sexuelles sont éprouvées en étayage sur les
fonctions corporelles nécessaires à la conservation de la
vie ».L'opposition introduite par Freud en 1914 entre deux types de
choix d'objet n'apporte pas de modification à la notion
d'étayage ; elle limite seulement l'extension Choix d'objet,
narcissique.En 1915, dans la troisième édition des Trois
essais, Freud met mieux en évidence, par quelques adjonctions, le
terme d'étayage et la portée qu'il lui donne. C'est ainsi qu'il
fait de l'« étayage sur l'une des fonctions corporelles
importantes pour la vie » (le) un des trois caractères
essentiels de la sexualité infantile.
Le concept d'étayage semble pas avoir été
jusqu'ici pleinement dégagée de l'oeuvre de Freud ; on ne
l'a, le plus souvent, vu intervenir que dans la conception du choix de l'objet
qui, loin de la définir tout entière, la suppose
déjà au centre d'une théorie des pulsions.Son sens majeur
est en effet d'établir une relation et une opposition entre les pulsions
sexuelles et les pulsions d'autoconservation.L'idée même
qu'originellement les pulsions sexuelles empruntent aux pulsions
d'autoconservation leurs sources et leurs objets implique qu'il existe une
différence dans la nature des deux sortes de pulsions. Les
premières voient tout leur fonctionnement
prédéterminé par leur appareil somatique, et leur objet
est d'emblée fixé, au contraire les secondes se
définissent d'abord par un certain mode de satisfaction qui n'est pour
commencer qu'un bénéfice obtenu en marge du fonctionnement des
premières. Cette différence essentielle est attestée par
Freud par l'emploi répété, pour parler des pulsions
d'autoconservation, des termes comme fonction et besoin. Selon cette
ligne de pensée, on peut se demander si, dans une terminologie plus
stricte, il ne conviendrait pas de désigner ce que Freud appelle
« pulsions d'autoconservation » par le terme de
besoins, les différenciant mieux ainsi des pulsions
sexuelles.
Le concept d'étayage, en aidant à comprendre la
genèse de la sexualité, permet de préciser la place de
celle-ci dans la théorie de Freud. On a souvent reproché à
Freud son pansexualisme, et Freud s'est défendu de cette
accusation en invoquant la constance de son dualisme pulsionnel ; la
conception de l'étayage permettrait une réponse plus
nuancée. En un sens la sexualité peut être retrouvée
partout, comme naissant dans le fonctionnement même des activités
corporelles et aussi, comme Freud l'indique dans les Trois
essais, dans toutes sortes d'autres activités, intellectuelles
par exemple. Mais, d'autre part, elle ne détache que secondairement et
elle est rarement retrouvée comme une fonction absolument autonome.
Un problème souvent débattu en psychanalyse.
Faut-il supposer l'existence d'un « amour d'objet
primaire » ou bien admettre que l'enfant est d'abord dans un
état d'auto-érotisme ou de narcissisme ? Il
reçoit chez Freud une solution plus complexe qu'on ne le soutient
généralement. Les pulsions sexuelles se satisfont de façon
auto-érotique avant de parcourir l'évolution qui les mène
au choix d'objet. Mais, en revanche, les pulsions d'autoconservation sont
d'emblée en relation avec l'objet ; ainsi, tant que la
sexualité fonctionne en étayage avec elles, il existe,
également des pulsions sexuelles, une relation à l'objet et
ce n'est qu'une fois qu'elles se séparent que la sexualité
devient érotique. « Lorsque, à l'origine, la
satisfaction sexuelle était encore liée à l'absorption de
nourriture, la pulsion sexuelle avait un objet sexuel au-dehors du corps
propre : le sein maternel. Ce n'est que plus tard qu'elle le perd. La
pulsion sexuelle devient alors en règle générale
auto-érotique. Trouver l'objet, c'est au fond le
retrouver ».
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