Patrimoine culturel Bandjoun. Destruction et stratégies de protection (1904-2005).par Jacques Simo Djilo Université de Dschang Cameroun - Master 2 2018 |
2. Cadre théoriqueLa notion de patrimoine culturel n'est pas un néologisme. C'est un concept dont la théorisation a évolué dans le temps et dans l'espace. Le patrimoine culturel depuis longtemps a préoccupé les peuples. L'UNESCO depuis quelques décennies s'affirme de plus en plus comme l'une des plaques tournantes de la valorisation du patrimoine. Elle s'engage fortement dans la protection du patrimoine matériel et immatériel tant du continent africain que pour le monde entier. Pour le faire, elle s'est dotée de plusieurs stratégies telles que l'adoption des conventions sur le patrimoine, l'inscription des sites dans le cercle du patrimoine mondial, l'élaboration de la charte du patrimoine. Dans la conception Théorique de notre sujet, un théoricien africain retient notre attention sur la question du patrimoine culturel. Il s'agit de l'historien Cheick Anta Diop. A partir de ses travaux, il a démontré la place capitale qu'occupe l'aspect matériel et immatériel du patrimoine culturel dans la reconstruction de l'histoire d'une nation. C'est pourquoi Alain Anselin, écrira à son sujet : Cheikh Anta Diop à travers ses oeuvres rendit l'Égypte à l'Afrique et l'Afrique à l'histoire. [...] Cheikh Anta Diop fit sauter le mur idéologique qui avait fini par séparer l'étude de l'Afrique de l'étude de l'Égypte : à la fois en faisant reconnaître la fécondité scientifique de son approche par les égyptologues au Colloque du Caire organisé par l'UNESCO en 1974 [...] et en devenant, armé de cette heuristique nouvelle, le premier scientifique africain moderne à étudier l'Égypte et à en renouveler l'intelligence41(*). Célestine Colette Fouellefak Kana dans son article« Cheikh Anta Diop le panafricaniste : un repère pour l'Afrique et sa jeunesse ? » renchérit : De nationalité sénégalaise, Cheikh Anta Diop a été un savant multidisciplinaire : physicien, historien, anthropologue, linguiste, sociologue, philosophe, homme politique, panafricaniste. Il aura oeuvré à valoriser l'Afrique et l'Homme africain, et y sera parvenu en prouvant scientifiquement l'unité culturelle de l'Afrique, posant ainsi les jalons de l'urgence d'un Etat fédéral africain. 42(*) Il convient de signaler qu'il est parvenu à ces résultats en se basant sur l'archéologie, la linguistique comparée, l'univers culturel et ces éléments constituent des éléments patrimoniaux. Pierre de Maret est un autre théoricien qui plaide pour une approche plurielle du patrimoine africain, mais aussi pour une rupture conceptuelle de la notion de patrimoine telle que appréhendée par les premiers spécialistes occidentaux. Dans un cadre plus spécifique, Pierre de Maret s'inscrit dans la théorie d'une approche africaine de la notion de patrimoine, l'identité culturelle et patrimoine, l'inventaire, la contribution et la conservation du patrimoine africain43(*). Le révérend père Engelbert Mveng est sans doute l'une des plus grandes figures théoriciennes du patrimoine culturel africain. Prêtre jésuite,il est plus qu'utile de rappeler à notre souvenir commun qu'il est un ardent défenseur de la dignité du Noir dans sa globalité. C'est dans cette logique qu'il s'est engagé dans la valorisation du patrimoine africain par l'intermédiaire de l'art. A l'ouverture du festival de Dakar de 1966, dont le thème était : « Fonction et importance de l'art nègre et africain pour les peuples et dans la vie des peuples », Mveng fit une communication sur le présent et l'avenir de l'art nègre qui est un message qui traverse les annales de l'histoire du patrimoine africain. Il déclara : La civilisation technique dans laquelle l'Afrique prétend prendre sa place doit se bâtir, chez nous, sur le roc de la négritude. L'art nègre doit faire en sorte que la technique, en Afrique, soit humanisée. La négritude doit fournir la base d'une conception de l'homme, d'une organisation politique, économique, sociale, qui respecte la spécificité du génie négro-africain. L'art nègre doit créer en Afrique même, un univers où l'homme se sente de plus en plus homme et où la terre devienne, non une prison où l'homme étouffe, mais l'habitat naturel de l'homme. On comprend pourquoi nous demandons la promotion d'une architecture fidèle, aux grandes traditions de l'Afrique. Mais ce que nous voulons par-dessus tout, c'est que le langage de notre art demeure, à travers les vicissitudes des temps, un humaniste en dialogue avec le monde entier.44(*) Fouellekak Kana Célestine, Ladislas Nzessé et Nizésété Bienvenu dans leurs multiples publications scientifiques consacrent la théorie du patrimoine culturel et le développement. Dans leur dernière publication en date, Patrimoine culturel africain, ces théoriciens démontrent la relation étroite qui existe entre le patrimoine culturel africain, la reconstitution de l'histoire africaine mais aussi cette relation de proximité qui lie le patrimoine culturel africain et le développement. A ce titre, Nizésété dans la préface du Patrimoine culturel africain affirme : En dépit de plusieurs siècles de déshumanisation et d'aliénation, l'Afrique et l'africain doivent se lancer des défis. Les défis de la renaissance, du développement durable, de la liberté et du bonheur en puisant dans les profondeurs de la culture africaine. Il est donc temps que les politiques cessent de considérer le culturel comme un petit pourcentage du budget de l'Etat, un facteur secondaire de la vie nationale. Car il est en fait, le coeur et l'avenir de toutes les nations de la terre45(*). . * 41 Anselin, A., La Cruche et le Tilapia, une lecture africaine de l'Égypte nagadéenne, Paris, éd. UNIRAG, 1995, pp.5-6. * 42 Fouellefak KANA, C., « Cheikh Anta Diop le panafricaniste : un repère pour l'Afrique et sa jeunesse ? » in Ethiopiques Littérature, philosophie et art n°87, 2ème semestre, 2011, p. 138. * 43 Marret, P., « Patrimoines africains : Plaidoyer pour une approche plurielle », in Kurhan -Gaultier, C., le patrimoine culturel africain, Paris Maisonneuve et Larose, 2001, P. 21. * 44Mveng, E., Discours à l'ouverture du festival de Dakar de 1966. * 45 Nizésété, B., « Préface », in Fouellefak Kana C et Nzessé L., Patrimoine culturel africain, Paris, L'Harmattan, p.7. |
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