La professionnalisation des organisations sportives constitue
un facteur déterminant dans l'évolution contemporaine du sport.
Afin de comprendre son processus d'évolution, on va d'abord la
définir sous ses différentes dimensions.
a) Définition de la professionnalisation
:
Dans le langage courant, la professionnalisation c'est le
passage d'une activité gratuite à une activité
rémunérée. Cependant, on ne peut se limiter à cette
définition. La professionnalisation est un processus évolutif
accompagné par des changements sportifs, juridiques, économiques
et organisationnels.
Selon P.Chantelat (2001, p.17), la professionnalisation
renvoie à 4 dimensions :
- la dimension sportive : Par la professionnalisation et le
changement des procédés de pratiquer l'activité visant la
performance sportive ; puis par l'évolution des relations des sportifs
visant l'excellence sportive.
- la dimension économico-juridique : Par la
transformation du spectacle sportif en produit payant et la diversification des
produit liés au sport ; et par l'évolution du cadre
législatif des organisations sportives, de leur statut, comme condition
pour exercer activité économique.
- la dimension organisationnelle : Renvoie aux relations de
travail entre les individus au sein d'une organisation sportive, aux relations
de pouvoir et à l'environnement interne de la structure.
- La dimension institutionnelle : Par l'officialisation d'une
profession, en créant un syndicat d'employés et par la
reconnaissance d'une formation permettant d'avoir des compétences pour
exercer le métier.
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b) De l'amateurisme à la
professionnalisation
C'est en Angleterre qu'on trouve les premières
fondations du sport professionnel. Ces sports et principalement
l'Athlétisme sont pratiqués dans les « publics
schools ». Ces derniers sont des collèges publics mais en
réalité payants et très sélectifs. Ces structures
visaient à former des élites sportives mais aussi de la main
d'oeuvre pour en faire des ouvriers salariés ayant
intériorisés les règles disciplinaires. C'est dans ce
contexte de modèle élitiste anglais que le sport se
démocratise et se professionnalise. On va voir cela à travers la
professionnalisation de la pratique la plus populaire, le football.
En effet, le Football Association est fondé en 1863.
Elle organise, à partir de 1871, la coupe nationale, remportée au
début par des équipes amateurs du Sud puis, en 1882, par une
équipe semi-professionnel du Nord. A partir de 1888, le football
professionnel progresse d'où la création de l'English
Football Association.
C'est donc ce modèle de sport codifié qui va
s'exporter à l'ensemble de l'Europe et en France vers la fin du
19ème siècle. Les premiers clubs créés
sont Le Havre en 1872 puis Paris et Bordeaux en 1877.
En 1919, la Fédération Française de
Football est fondée. On assiste alors à l'évolution du
football français avec la création de nombreux clubs et le
changement de la composition sociale des pratiquants. Ces derniers ont
désormais un travail rémunéré, ce qui conduit
à la généralisation de l'amateurisme marron. Un
marché économique du sport commence à s'installer et les
sportifs négocient de plus en plus leurs primes et avantages.
Le professionnalisme naît en France en 1932. Des firmes
industrielles comme Peugeot ont joué un rôle important dans la
professionnalisation des pratiques. Face aux fédérations
sportives qui voulaient garder un contrôle sur le sport amateur, les
firmes qui sont derrières les grands clubs finissent par l'emporter. Le
premier championnat de football professionnel est créé en 1932
à l'initiative des dirigeants des clubs les plus puissants.
Avec l'officialisation du professionnalisme, se construit peu
à peu une profession avec sa formation et ses carrières.
Jusqu'à la fin des années 1960, un joueur ne pouvait changer de
club que si telle était la volonté de ses dirigeants. En 1962 est
créée l'Union Nationale des Footballeurs Professionnels (UNFP).
En 1969, un joueur pouvait signer un contrat avec un nouvel employeur sans que
le club quitté ne puisse intervenir pour l'empêcher. Cela vient
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après l'entrée en vigueur du contrat à
durée librement déterminée en juin 1969. Pour avoir des
performances sportives, les clubs dépensaient de l'argent pour faire
venir les meilleurs joueurs. On assiste alors à une hausse
régulière des revenus des joueurs.
En 1973, avec l'adoption de la Charte du football
professionnel, on a voulu préserver les droits des clubs en mettant des
systèmes d'indemnisation pour les interruptions des contrats par les
joueurs. Au milieu des années 1980, des hommes d'affaires riches comme
Bernard Tapie ou Jean-Luc Lagardère prennent la direction des grands
clubs. Ils dépensent beaucoup d'argent et explosent les sommes de
transfert et les revenus des joueurs. Cela était bénéfique
pour l'Olympique de Marseille de Bernard Tapie puisqu'il a fini par gagner la
Ligue des champions en 1993. Le football devient un sport business.
L'affaire Arrêt Bosman en 1995 a bouleversé le
domaine du sport car c'est une contradiction entre l'ordre juridique
étatique et l'ordre juridique du sport. En 1990, le footballeur belge du
Royal FC de Liège voit son transfert pour Dunkerque bloqué par
son club qui lui réclame des indemnités malgré que son
contrat soit terminé. D'après l'Union Européenne des
associations de Football (UEFA), ce club a le droit de réclamer ces
indemnités. Il attaque alors son club à la Cour de Justice des
Communautés Européennes qui lui donne raison sur deux
éléments : la libre circulation et le respect de la concurrence
entre les clubs.
Le droit communautaire s'applique au sport comme à
toute autre activité économique.
Le football est devenu très populaire grâce
notamment à la télévision et l'implication des sponsors
dans le financement du sport. La popularité du football est croissante,
les enjeux financiers et sportifs aussi. Les acteurs du monde sportif se
multiplient et les clubs sportifs sont confrontés à une
réalité économique exigeante. Les clubs sont passés
d'un statut associatif à des entreprises commerciales sous le statut de
société anonyme spécifique. Le club doit obtenir des
performances sportives. Il bénéficie alors du soutien de toute
une localité, du financement publique et privé. Il se dote
également d'éléments forts avec des compétences
techniques et physiques satisfaisantes et qui lui coûtent cher. Par
ailleurs, la performance sportive n'est pas garantie. Elle obéit
à la règle de la «glorieuse incertitude du sport »
puisque le résultat d'une compétition n'est pas
maîtrisable. Les clubs sportifs doivent alors se comporter comme des
entreprises en adoptant du management stratégique pour assurer leur
survie et espérer une rentabilité financière. Ils
impliquent avec eux tout un système économique pour offrir
à la fin bien plus qu'un spectacle sportif.