1.2. Sur le développement de la
propriété intellectuelle Problématique
La propriété intellectuelle dans l'industrie des
jeux-vidéos correspond non pas à une terminologie légale
traditionnelle, mais à la détention d'un «naming»
autour d'une licence de jeu par un studio de développement ou un
éditeur de jeu. Ces derniers ont ainsi recours à une
stratégie de déclinaison d'une charte graphique et d'une
identité de marque au sein même des licences qu'ils
détiennent.
Ubisoft propose ainsi plusieurs variations de ses jeux
à franc succès commercial, comme Assassin's Creed,
développé par la suite en Assassin's Creed 2, Assassin's Creed
Brotherhood, Assassin's Creed Black Flag, Assassin's Creed Origins,
correspondant à un univers commun et une histoire liée, mais
présentant des zones géographiques distinctes, à
l'incorporation d'une culture locale dans la trame du jeu à des
époques différentes, avec des fonctionnalités techniques
variées selon l'année de développement du produit, entre
2007 pour le premier Assassin's Creed et 2017 pour le dernier jeu sorti sous ce
naming.
Cet exemple illustre l'importance du développement des
catalogues de licences et, donc, de la propriété intellectuelle
par les éditeurs de jeux majeurs, comme Activision-Blizzard et sa
licence-phare Call of Duty, ou Electronic Arts et ses licences de sport comme
FIFA. La propriété intellectuelle permet d'encourager
l'engagement et la loyauté des utilisateurs avec une marque de confiance
et rapidement identifiable par ceux-ci, tout en s'assurant d'un succès
commercial au lancement d'une nouvelle version dans la série d'un jeu.
De plus en plus, les éditeurs cherchent en outre à
développer des liens entre les franchises qu'ils détiennent, avec
la présence d'easter eggs, correspondant à des
éléments présents dans un jeu faisant
référence à un autre jeu du même éditeur.
À l'avenir, les jeux-vidéos dépassent le simple cadre du
produit individuel pour s'insérer dans une suite logique et un univers
commun, proche du modèle de l'industrie cinématographique. Sony
Interactive Entertainment, avec son studio de développement, doit ainsi
participer à cette évolution pour consolider sa position parmi
les majors de l'édition du jeu-vidéo.
Recommandations
A) Développer les univers des franchises détenues
par Sony Interactive Entertainment
En 2017, parmi les dix jeux les plus vendus sur consoles, huit
correspondaient à des franchises, comme Tom Clancy's Ghost Recon
Wildlands (parmi la franchise Tom Clancy's de l'éditeur Ubisoft), The
Legend of Zelda: Breath of the Wild (franchise Zelda, développée
et éditée par Nintendo), ou encore Call of Duty: Infinite Warfare
(franchise Call of Duty, de l'éditeur américain
Activision-Blizzard).
Parmi ces huit franchises, toutes appartiennent à des
éditeurs de jeux majeurs, concurrents des studios de
développement détenus par Sony Interactive Entertainment. Si Sony
a placé deux titres dans ce classement, avec MLB The Show: 17 et Horizon
Zero Dawn, le second fait pourtant partie des deux seuls titres du classement
ne répondant pas à une logique de franchise.
Néanmoins, d'autres titres de Sony ont récemment
présenté cette caractéristique et un succès
commercial conséquent, tel que The Last Of Us ou Uncharted. La
société nippone doit à l'avenir savoir exploiter l'image
de marque de ses titres pour présenter de façon cyclique des
produits d'une même franchise et du même naming afin de
bénéficier commercialement de l'engouement constant des
consommateurs pour ces titres.
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En outre, Sony doit décliner les valeurs du Kando au
sein de ses franchises, en insistant davantage sur les performances visuelles
des jeux afin de proposer une expérience hautement qualitative et
sensorielle aux joueurs, qui a constitué l'un des facteurs-clés
de succès de Horizon Zero Dawn en 2017. Ces différentes
stratégies correspondent dans la matrice d'Ansoff à des
nécessités de confortement des produits de Sony ainsi que la
performance des ventes de sa console PlayStation 4 grâce au
caractère exclusif de certains titres développés en
interne et proposés uniquement sur cette console. Sur ce point, Nintendo
a développé son avantage concurrentiel autour de
l'exclusivité des franchises Nintendo, présentes uniquement sur
ses propres consoles et constituant un argument de vente primordial de
l'entreprise de Kyoto. Ainsi, ce type de stratégie permet
également de consolider des parts de marché par un
mécanisme de verrouillage sur des segments de consommateurs sensibles et
loyaux à l'image de marque des entreprises.
B) Exploiter les synergies avec Sony Pictures pour proposer
une offre de jeux proche des univers présents dans l'industrie
cinématographique
Le groupe Sony dispose d'une filiale majeure dans l'industrie
cinématographique dans l'entité Sony Pictures, qui possède
un nombre de licences conséquent dont les droits d'exploitation des
films et de l'univers Spider-Man.
Si des synergies existent actuellement entre cette filiale et
Sony Interactive Entertainment sur les licences détenues par Sony
Pictures, conduisant à l'alignement des calendriers de production des
films et des jeux-vidéos, Sony pourrait en outre profiter de
l'importance de sa filiale de production cinématographique au sein du
«Big Six» et de son pouvoir de négociation pour
acquérir des droits de co-production sur d'autres licences majeures des
univers manga et comics incluant le développement de jeux sur consoles.
En bénéficiant d'un éventail large de franchises connues
du grand public au sein de son catalogue de jeux, Sony Interactive
Entertainment serait à même de consolider son statut en tant
qu'éditeur majeur de jeux-vidéos par une stratégie
d'alliances mixtes, à mi-chemin entre une modalité
dissymétrique par l'acquisition de droits d'exploitation des franchises
pour Sony Pictures sans menacer les droits propriété
intellectuelle des autres majors et une modalité additive par le
développement de jeux autour des univers des franchises.
Malgré le potentiel commercial important
généré par une collaboration, des freins
conséquents existent du fait de la difficulté de la
négociation d'un tel projet qui nécessite une définition
stricte et un équilibre dans le partage des droits de chacune des
parties. Cela requiert également l'identification des coûts
supportés par chacune des parties dans la création de valeur des
nouveaux produits et la distribution de leur rentabilité.
Enfin, Sony Interactive Entertainment pourrait
également apprendre des compétences détenues par Sony
Pictures et employer des techniques novatrices dans l'activité de
développement de jeux-vidéos, telles que le motion capture ou le
doublage de voix par des acteurs professionnels et adaptés localement
selon leur notoriété. Rockstar Games, studio de
développement de Take Two Interactive, a ainsi créé les
personnages principaux de son jeu-phare Grand Theft Auto 5 en s'inspirant
directement des caractéristiques physiques d'acteurs
célèbres aux États-Unis.
Analyse des modalités de développement
Pertinence
|
Faisabilité
|
Acceptabilité
|
A
- Le modèle commercial plébiscité par les
consommateurs est celui des franchises. Cette modalité correspond ainsi
à la consolidation de la position du studio de développement
SIE.
- Correspond au développement de nouvelles
compétences et à l'amélioration de la capacité
stratégique du studio de développement SIE.
B
- Diversification de l'activité conformément
à la philosophie du Kando de Sony.
- Sony détient la propriété intellectuelle
des titres, ainsi le développement en franchise ne soulève pas de
problématique de faisabilité majeure.
- La résistance des parties prenantes dans la
négociation des droits d'exploitation commerciaux nécessaires
à la création de nouveaux jeux.
- Une seconde option avec la synergie avec le DAS Sony Pictures
et ainsi l'exploitation de compétences et de ressources internes.
|
- Levier de développement commercial, avec un retour sur
investissement sur un modèle cyclique à court et moyen terme.
- Avec le succès commercial de ce modèle, le risque
financier paraît limité.
- Risques financier et commercial faibles en raison du
succès commercial des licences des majors de l'industrie
cinématographique et du branding dans le secteur des comics.
- Avec un positionnement novateur, la performance commerciale de
cette modalité devrait répondre aux problématiques de
coûts de développement engagés.
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