1. Consolidation des activités existantes
1.1. Sur la filière de production et de
commercialisation des consoles Problématique
Depuis 2016, les dynamiques importantes de croissance à
moyen-terme du marché du jeu-vidéo intéressent de nouveaux
entrants, à l'instar des GAFA et d'autres acteurs majeurs d'industries
proches des filières PC et d'autres secteurs média à forte
concentration en capital technologique.
Google développe son propre service de jeu à la
demande nommé Yeti, avec un standard technique aisé à
appréhender pour les développeurs de jeux sur son système
d'exploitation Android TV, décliné sur de nombreuses box TV de
fournisseurs externes (à l'instar de Free, en France). Au même
moment, Amazon commercialise sa box propriétaire Amazon Fire TV pour
mettre en avant ses contenus digitaux, tout en ayant récemment acquis
une société de développement d'une plateforme de cloud
gaming. La société met en avant son standard technique AWS
(Amazon Web Services), de plus en plus répandu dans les
sociétés d'activité digitale (média et
jeux-vidéo), tout en proposant un accès simplifié à
sa plateforme de e-commerce grâce à un second standard, GameOn
(CNBC, 2018). Nvidia, leader de l'industrie de production de composants
graphiques et de solutions d'optimisation de la performance pour ordinateurs,
commercialise également une box TV sous le nom de Nvidia Shield, pour
promouvoir sa plateforme de cloud gaming Nvidia GeForce Now actuellement
présente sur PC et Macintosh.
L'émergence du cloud gaming représente
également une opportunité de développement importante pour
les acteurs historiques de la filière des consoles, et Sony comme
Microsoft développent leurs propres solutions de cloud gaming sur leurs
propres plateformes mais aussi sur PC, nommées respectivement
PlayStation Now et Xbox Game Pass. Néanmoins, ces nouvelles solutions de
jeu à la demande représentent une menace conséquente pour
la filière exploitée par ces deux acteurs en raison des prix
réduits des box TV par rapport aux coûts d'achat des consoles pour
les utilisateurs finaux, ainsi que l'érosion de la dynamique commerciale
de leurs plateformes de distribution digitales au profit des nouveaux entrants
et la perte de leur position dans l'industrie des jeux-vidéo et de leur
pouvoir de négociation avec les éditeurs de jeux.
Recommandations
A) Poursuivre le développement des gammes de consoles
pour cibler des segments haut-de-gamme et résister à
l'émergence du cloud gaming
Avec le lancement de la PS4 Pro, Sony répond au
mécontement des usagers du fait de l'absence de
rétrocompatibilité entre les différentes
générations de consoles (PS1, PS2, PS3 et PS4). D'un point de vue
technologique, cette nouvelle itération de la PS4 est compatible avec le
catalogue de jeux de la première version de la PS4, tout en permettant
aux éditeurs de proposer des graphismes plus détaillés en
raison des composants de plus haute performance présents dans cette
nouvelle console. Il s'agissait, pour rappel, d'anticiper la croissance du
marché des téléviseurs 4k, principalement en Europe et en
Amérique du Nord et d'étendre la durée de vie de sa
console et, donc, d'étendre sa rentabilité et l'amortissement des
coûts de production sur une
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plus longue période. Sur le même principe, Sony
peut poursuivre cette logique en développant à l'avenir des
gammes de consoles de plus en plus qualitatives, pour plusieurs raisons
stratégiques.
Premièrement, le cloud gaming nécessite
l'amélioration des infrastructures internet ultra-haut-débit, et
s'adresse en premier lieu aux «casual gamers» ou joueurs occasionnels
qui ne disposent pas d'un PC ou d'une console de jeux à même de
faire tourner les titres les plus récents, et qui vivent
généralement au sein de métropoles qui disposent
d'infrastructures internet développées. Dans un second temps, les
solutions de cloud gaming disposent d'un prix de souscription relativement
abordable, dès lors qu'il suffit de disposer d'un ordinateur portable,
puis de payer des sommes mensuelles comprises entre 9,99€ pour les
solutions les plus abordables et 39,99€ pour les solutions les plus
chères. Le cloud gaming viendrait ainsi menacer le segment des joueurs
occasionnels, au même titre que l'émergence des jeux sur
smartphones.
Néanmoins, pour les prestataires de service, le cloud
gaming nécessite un investissement conséquent en acquisition ou
en location de serveurs et de machines virtuelles, ainsi que la maintenance
fréquente de ceux-ci, tout en acquérant une bande passante
suffisante pour transmettre une quantité d'information importante,
dès lors que les jeux sont en réalité
exécutés à distance sur ces serveurs, puis
«streamés» sur le support (PC, console) détenu par
l'utilisateur final. Pour ces raisons, il est difficile de proposer les jeux
les plus récents et les plus sophistiqués au sein des catalogues
des plateformes de jeu à la demande, en raison d'une consommation
importante de ressources et d'une hausse exponentielle du coût
d'exploitation des serveurs en fonction de la quantité de joueurs
présents sur ces plateformes.
Sony peut ainsi exploiter le segment haut-de-gamme des
joueurs, occasionnels ou non, qui s'intéressent aux titres les plus
récents développés par les éditeurs de jeux, et
toujours plus gourmands en ressources et sophistiqués d'un point de vue
technique. Pour asseoir sa position sur la filière des consoles et
résister à l'essor du cloud gaming, Sony devrait opter pour un
positionnement haut-de-gamme dans sa communication et dans le
développement de ses nouvelles itérations de consoles de jeux.
Cette option correspond également à un mode de
développement interne, ne nécessitant pas d'évolution
importante de la chaîne de création de valeur et ne
requérant pas de compétences que Sony ne possède pas
actuellement, dans son expertise de la production de consoles. Ce
positionnement a d'ailleurs été l'un des facteurs-clés de
succès récents de Sony sur la filière des consoles,
pérennisant l'avantage concurrentiel qui réside dans son image de
marque de pionnier et dans le fort engagement des utilisateurs des consoles
PlayStation. Cette stratégie de sophistication dispose d'un risque
commercial et financier faible du fait de l'attractivité des jeux les
plus récents et hautement sophistiqués sur consoles. Sur la
matrice d'Ansoff, elle correspond à un développement de produit
en se rapprochant des segments existants exploités par la filière
PC, avec des nouvelles gammes de produits.
B) Exploiter les effets de réseau entre Sony et les
éditeurs de jeux
Cette seconde option, bien qu'indépendante de la
première, reste liée à l'avenir des consoles face à
l'émergence du cloud gaming. Le business model privilégié
dans l'édition du jeu-vidéo est constitué du packaging et
des DLC, avec un coût d'acquisition important pour les utilisateurs, mais
avec un amortissement important des coûts de développement
dès la sortie du jeu, et la distribution des coûts de marketing
lors de la vente de contenus supplémentaires comme des zones de jeu ou
«map» additionnelles, des tenues ou des armes dans les
first-person-shooters, et des gains de temps par l'achat de points permettant
de débloquer des compétences dans les jeux d'action et
d'aventure.
Néanmoins, le business model du cloud gaming,
établi autour d'une souscription et réduisant ainsi fortement les
prix d'acquisition des jeux pour les utilisateurs disposant d'un catalogue de
jeux en accès illimité sans surcoût après paiement
mensuel, menace les business models et les leviers de rentabilité
traditionnels des éditeurs de jeux. Seule une part faible du prix de
souscription est distribuée aux éditeurs, qui font pourtant face
à un coût de revient de plus en plus important, lié
à la hausse des frais de développement et de marketing autour de
la production des jeux.
Également, le modèle de souscription sans
engagement renforce le caractère incertain de l'horizon temporel dans la
prévision de la rentabilité des jeux, en affaiblissant le
degré d'engagement et de loyauté des utilisateurs qui peuvent non
seulement arrêter de jouer à un jeu de façon plus libre
dès lors qu'ils n'ont pas payé directement l'acquisition de ce
titre, mais également arrêter de souscrire au service global. Par
cela, les éditeurs de jeux voient leur surplus diminuer fortement dans
ce business model, au profit des plateformes de cloud gaming et des
utilisateurs finaux de ces services.
Sony peut ainsi effectuer un lobbying intensif auprès
des éditeurs de jeux dès lors qu'ils disposent
d'intérêts communs, à savoir pour la firme japonaise la
consolidation de son activité commerciale sur la production de consoles
et de prestation de services digitaux y compris à l'égard des
éditeurs, et, pour ces derniers, la conservation d'un pouvoir de
négociation important et l'assurance de la rentabilité de leurs
produits. Avec les effets de réseau expliqués
précédemment dans la structure de la demande, Sony et les
éditeurs de jeux peuvent, par une alliance tacite autour de leurs
intérêts communs, consolider leur activité face à
l'émergence du cloud gaming dès lors que les utilisateurs finaux
des jeux resteront fidèles aux éditeurs de jeux et, donc, aux
consoles PlayStation. La proximité de Sony avec les éditeurs de
jeux constitue en outre l'un des principaux facteurs-clés de
succès de la première itération de consoles PlayStation,
face à Nintendo qui privilégiait l'appropriation des marges des
jeux présents sur ses consoles dans les années 1990.
A
B
- Développement de gammes de consoles sans modification de
la structure de la chaîne de production.
- Représente un pivot de sophistication face à la
menace du cloud gaming sur l'activité de production de consoles de
Sony.
- Consolidation des effets de réseau et du lien avec les
éditeurs de jeux.
- Consolidation du business model actuel.
Pertinence
Analyse des modalités de développement
- En outre, les compétences fondamentales de production de
gammes sophistiquées de consoles sont déjà parfaitement
exploitées et maîtrisées par Sony.
- Sony dispose des ressources en interne afin de déployer
cette modalité de développement.
- Cette option repose sur des compétences internes et sur
la proximité avec les éditeurs, ne nécessitant pas de
coûts d'exploitation majeurs dans sa mise en oeuvre
Faisabilité
- Un risque commercial faible en raison de l'attractivité
des titres avec un niveau de technicité élevé, d'où
l'approche haut-de-gamme.
- Avec les faibles marges que Sony réalise sur ses
consoles, la différenciation haut-de-gamme favorise une hausse de la
marge opérationnelle.
- Intérêts économiques convergents des
parties prenantes dans la défense de leur business model.
Acceptabilité
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