L4égalité des créanciers dans les procédures collectives en droit OHADA.( Télécharger le fichier original )par Darly Russel KOUAMO Abomey-calavi (Bénin) - DEA 2012 |
CHAPITRE I. Les assouplissements tenant à l'existence d'une cause légitime de préférence.De l'égalité à l'inégalité, c'est-à-dire, vers une certaine désacralisation du principe de l'égalité des créanciers, ainsi pense monsieur NEMEDEU94(*), sans doute pour faire état de l'application de ladite égalité. Cette application est de plus en plus entamée par divers mécanismes, mais aller jusqu'à croire à son anéantissement serait un peu exagéré. Il est d'une évidence que, la loi et la jurisprudence sont venues consacrer des exceptions de plus en plus nombreuses aux droits des créanciers. L'égalité est présentée comme un outil de régulation des rapports entre les créanciers ; c'est un instrument au service du redressement. Son application a tout de même souvent conduit à créer des situations d'inégalité lorsque la nature de la créance ou lorsque le sort de l'entreprise défaillante l'exige. Loin de parler du déclin de l'égalité des créanciers, l'on pourrait sans faille parler d'assouplissements qui, le plus souvent sont commandés par l'existence d'une clause légitime de préférence; des situations juridiques, susceptibles de conduire à un infléchissement dans l'application des règles égalitaires. Elles découlent de l'énonciation expresse à l'article 2093 du code civil. Ces mécanismes sont visés par Mme MOREAU-MARGREVE en ces termes : « certaines règles, voire certains mécanismes ou institutions tenant au droit des obligations, parfois même d'origine contractuelle, permettent à des créanciers qui sont dans des circonstances données propices de se trouver dans une situation telle qu'ils jouissent en définitive d'une préférence par rapport à d'autres créanciers, sans qu'ils se targuent, à cette fin, d'une sûreté »95(*). Sans pour autant dénaturer la règle, elles ont tout de même un champ d'application de plus en plus étendu. Ce raffermissement des droits des créanciers pour le passé et la restriction de leurs droits individuels pour l'avenir, sera assoupli d'une part en raison de la nature de certaines créances (section I), d'autre part en raison du statut de certains créanciers. (Section II) Section I.- Les Assouplissements découlant de la nature de certaines créances.Synonyme d'un droit personnel, le vocable créance est généralement utilisé pour designer la droit d'exiger la remise d'une somme d'argent, elle peut être civile, commerciale, garantie ou non garantie... Ce qu'il faut remarquer ici est que, la nature d'une créance peut commander la variation dans l'application de l'égalité entre les créanciers. Ce qui efface alors la règle de l'égalité entre créanciers chirographaires et ceux titulaires des sûretés, c'est la multiplication de ces causes « légitimes » de préférence, au point où monsieur Gaston LAGARDE a même affirmé que l'égalité entre les chirographaires est une égalité devant le néant et que l'ouverture des procédures collectives sonne le glas des créanciers chirographaires96(*). Au nom d'un principe de réalisme, les limitations au principe de l'égalité entre les créanciers ont connu une forte augmentation ces dernières années97(*). Partant du statut privilégié des créances du trésor public (paragraphe 1), l'on débouchera sur le caractère vital des créances salariales. (Paragraphe 2) Paragraphe 1 Le statut privilégié des créances des administrations publiques.Les administrations publiques, comme tous les autres créanciers, sont soumises aux règles communes applicables à l'ensemble des créanciers. Cependant, elles profitent des solutions particulières, afin de tenir compte du fait que leur créance est d'intérêt public98(*). C'est dans cet ordre de réflexion que certaines d'entre elles bénéficient d'un régime dérogatoire de déclaration des créances (A), le tout assorti d'un privilège renforçant leur protection. (B) A- Le particularisme dans leurs déclarations de créances.Le particularisme conféré à certaines administrations publiques, dans le processus de déclaration des créances, tient au fait qu'elles aient la possibilité de procéder à des déclarations prévisionnelles. A l'article 81 de l'AUPC, il s'agit du trésor, de l'administration des douanes et des organismes de sécurité et de prévoyance sociale. De prime abord, l'on pourrait croire que cette règle ne leur confère aucun avantage. Ce serait porter un jugement assez pitoyable que d'affirmer cela. L'on sait que la brièveté des délais accordés pour produire les créances n'est pas de nature à favoriser les créanciers. Accorder une prorogation à ces créanciers constitue une véritable mesure, qui assouplit évidemment les rigueurs de la discipline collective. En droit français, une pareille disposition existait déjà dans la loi du 25 janvier 1985, sauf qu'elle ne concernait que les créances du trésor public et celles des organismes de prévoyance et de sécurité sociale. Mais avec les modifications intervenues avec la loi du 10 juin 1994, cette possibilité concerne également les institutions du régime d'assurance chômage tels que mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail français99(*) . Renforçant cette règle discriminatoire, la jurisprudence a jugé que l'autorité de la chose jugée résultant d'une admission prévisionnelle pour le montant déclaré n'est pas de nature à faire obstacle à une déclaration complémentaire de la part de l'organisme de prévoyance de ses créances non éteintes100(*). Il est à noter ici que cette inflexion consentie au profit de ces organismes n'est pas unanimement appréciée, parlant du fisc par exemple, le professeur SOINNE pense qu'il doit être traité comme tous les autres créanciers et qu'il n'y a aucune raison d'exclure l'application du dispositif établi pour les créances émanant de l'administration, car celles-ci ne présentent pas un caractère plus noble que les autres101(*). * 94 R. NEMEDEU, op. cit.n° 106, p264. * 95MOREAU-MARGREVE, « Evolution du droit et de la pratique en matière de sûretés », loc. cit., p. 217 ; Fr. T'KINT, op. cit., p. 91, cité par J. MUSHAGALUSA NTAKOBAJIRA op.cit. note de bas de page n°26. * 96V. G. LAGARDE, dans la préface de la thèse de Mme M-J. R. DE GENTILE, Le principe de l'égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13 juillet 1967, éd. Sirey 1973, cité par O. KAHIL, op. Cit. p.98. * 97V. B. OPPETIT, « la décodification du droit commercial », mélanges Rodière, P. 202 : « qui aujourd'hui pourrait prétendre être en mesure, à l'occasion d'une procédure collective, de dresser une liste exhaustive des innombrables privilèges créés au fil des lois particulières et leur appliquer un ordre de classement certain ? »., Cité par C. LEGUEVAQUES, op.cit., p1226. * 98SERLOOTEN, « Le trésor, créancier de l'entreprise », Colloque du C.R.E.D.I.F Toulouse, « la situation des créanciers d'une entreprise en difficulté », Montchrestien, 1998, p. 105 et s., cité par C. LEGUEVAQUES, idem. * 99 B. BAUJET, « la situation du fisc dans le cadre de la procédure de déclaration et de vérification des créances », in Gaz.pal., n° 2, mars avril, 2001, P 340. * 100Cass. Com. Institution de retraite interprofessionnelle des salariés Iris contre S.A.R.L. DagotLegoff et autres, 14 janvier 1997. * 101 B. SOINNE, cité par B. BAUJET, op. cit, p. 345. |
|