La protection de l'environnement marin en droit international( Télécharger le fichier original )par Assamoi Fabrice APATA Université Félix Houphouet Boigny d?Abidjan - Master recherche 2015 |
B) La Convention de Montégo BayLa Convention de Montégo Bay est le résultat d'un long processus entamé en décembre 1973 à New York à la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la Mer.Les conclusions des travaux ont abouti à l'adoption de la Convention le 10 décembre 1982 en Jamaïque. Entrée en vigueur le 16 Novembre 1994, elle s'analyse comme un cadre juridique certain en établissant les bases du droit international de la mer.Le droit de la mer ainsi élaboré définit donc juridiquement les espaces maritimes d'une part (eaux intérieures, mer territoriale, zone contiguë, zone économiqueexclusive, Plateau Continental, haute mer, ainsi que les régimes particuliers des détroits Internationaux et des Etats archipels) et d'autre part les droits et les devoirs des Etats dans ces différents espaces notamment ceux de navigation etd'exploitation des ressources minérales dans le respect de l'environnement marin par une protection accrue. Définissant les espaces maritimes, la Convention de Montégo Bay procède à leur délimitation selon des méthodes internationalement reconnues et acceptées par les Etats parties. La volonté étatique de territorialisation des zones maritimes est ainsi dissipée. Une nécessaire conciliation entre le principe traditionnel de liberté des mers et le nouveau cadre juridique de l'appropriation des espaces maritimes s'impose.Le cheminement historique du droit de la mer montre combien cet espace aujourd'hui encadré a été jalonné de revendications parfois contradictoires. Partant de l'idée de la liberté des mers, les Etats développés ont d'abord souhaité le maintien de ce principe avantageux pour eux, car disposant de moyens technologiques. Les Etats Unis sont les précurseurs de cette volonté hégémonique. Ils installent à cet effet des plateformes de forage pétrolier offshore à partir des années 1945. Par la déclaration d'Harry Truman le 28 Septembre 194539(*), ils revendiquent l'emprise exclusive sur leur plateau continental et les ressources qu'il contient.Des Etats d'Amérique Latine (Chili, Pérou, Equateur) dans une déclaration à Santiago40(*) déclarent leur souveraineté et la suprématie de leur juridiction jusqu'à 200 milles marins au large de leurs côtes.Face à ces revendications, les Nations Unies se lancent dans un travail de codification du droit de la mer dès 1949.De plus, le contexte de décolonisation des nombreux Etats côtiers africains poussent ceux-ci à revendiquer une puissance maritime. Liberté des mers et revendications maritimes s'entrechoquent aboutissant finalement à la convocation des deux premières conférences des Nations Unies en 1958 et en 1960 avec pour objectif la codification des règles coutumières existantes.Désormais, l'importance stratégique que représente l'annexion d'un espace maritime d'un Etat se conjugue avec les exigences de cette réglementation conventionnelle.Les droits des Etats riverains s'en trouvent consolidés.Toutefois, avec l'essor des activités maritimes, la Communauté Internationale prend conscience de la menace qu'elles représentent pour l'environnement.Ainsi, la protection de l'environnement dans le nouveau droit de la mer constitue un point important des travaux de codification41(*).Et c'est pourquoi la Convention consacre sa partie XII à la préservation du milieu marin (article 192 à 237 CMB).En dehors de l'obligation d'ordre général de protéger et de préserver le milieu marin selon l'article 192, la CMB met à la charge des Etats parties d'autres types d'obligations tout en fixant les principes de la protection environnementale. 1. La fixation des principes généraux de la protection du milieu marinEn tant que texte juridique de base du droit de la mer, la CMB énonce un certain nombre de principes généraux dont la plupart provient du droit coutumier d'alors. Elle constitue donc de la part du système international un effort de consolidation des coutumes en vigueur.Les articles 194 à 196 de la CMB contiennent les principes de la réduction des pollutions, d'interdiction de déplacer le préjudice, de précaution lors de l'utilisation de certaines techniques ou lors de l'introduction d'espèces étrangères ou nouvelles dans le milieu marin.Il s'agit à travers ces principes, pour les Etats parties, d'une ligne de conduite respectueuse des exigences environnementales au moment de l'exploitation des ressources naturelles et aussi dans leurs politiques en matière d'environnement.Avec pour point de mire la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution marine, ces principes rejoignent le principe 21 de la Déclaration de Stockholm42(*). De surcroit, la CMB prône une coopération entre les Etats afin de mieux canaliser les phénomènes de pollution.En effet, certains espaces maritimes au niveau régional s'avèrent difficiles à circonscrire en dépit des critères de délimitation énoncés par la Convention.L'application du principe de coopération a permis la protection de la mer Baltique à travers une solution concertée. Et ce conformément à l'article 197 CMB43(*). De manière plus pragmatique selon l'article 198 CMB, on aboutit à un autre principe à savoir celui d'information en cas de danger imminent à l'égard des autres Etats exposés ainsi que des organisations internationales compétentes44(*). Aussi par le biais de celles-ci, la Convention prévoit un traitement préférentiel aux pays en développement selon les termes de l'article 203 CMB. A travers une aide prévue aussi de la part des pays industrialisés, ces pays pourront valablement prévenir, réduire et maîtriser la pollution.Pouvant s'apprécier comme une inégalité entre les Etats parties ces dispositions énoncent une solidarité à l'égard des pays ne disposant pas de la haute technologie pour parer à une éventuelle pollution. Mieux elle marque une prise de conscience collective afin de pouvoir appliquer la Convention de manière uniforme et universelle et non de manière sectorielle. La mer étant considérée comme un patrimoine commun, il est impératif qu'elle soit protégée partout. Cette coopération instituée par la CMB débouche sur l'élaboration d'un autre principe, lui aussi, issu du droit de l'environnement classique à savoir la surveillance continue et l'évaluation écologique. Les études d'impact sont un penchant incontournable des activités maritimes et obligent les entreprises intervenant dans cet espace à évaluer à priori les effets potentiels de celles-ci. L'irrémédiabilité des effets de la pollution lorsqu'elle est causée conduit à prendre des précautions afin de pouvoir la prévenir et dans la mesure du possible l'empêcher selon les dispositions de l'article 206 CMB. Ces principes généraux conventionnellement fixés confortent les obligations à la charge des Etats parties de la CMB. * 39 La création de la notion juridique de plateau continental trouve son origine dans cette proclamation n°2667 du président américain Truman, où les Etats-Unis revendiquent pour la première fois une juridiction sur « les ressources du sous-sol et du lit de la mer du plateau continental recouvert par la haute mer, mais contigu à la côte des Etats-Unis. Pour le texte complet de la proclamation voy. E.Brown, The international law of the sea, Aldershot, Dartmouth, 1994,vol.2, doc7.3. * 40 A.Hollick, « The origin of 200 milles offshore zones », AJIL, 1977, pp.494-500. * 41Marie-Laure Bonifassi, Montégo Bay : 30 ans après : appropriation et exploitation des espaces maritimes : état des lieux, droit, enjeux, Centre d'Etudes Supérieures de la Marine, p.6. * 42Cf. principe 21 de la Déclaration de la Conférence des Nations sur l'environnement, Stockholm, 16 juin 1972. * 43 Il s'agit d'une coopération au plan mondial et régional à travers les organisations internationales compétentes en vue de la formulation et l'élaboration de règles et de normes ainsi que de pratiques et de procédures compatibles avec la Convention pour protéger et préserver le milieu. * 44Laurence Boisson De Chazournes , la protection de l'environnement marin dans le cadre de la CMB, séminaire de droit international public, Université de Genève, 1999-2000, p.9. |
|