PARAGRAPHE 2- L'ouverture des sphères de
création du droit électoral
Dans le sillage du réajustement du consensus en droit
électoral, il est nécessaire que le système
électoral soit conçu de telle sorte qu'il puisse réduire
les distorsions imposées par la règle et le fait majoritaire.
Ainsi, en admettant que la légitimation nationale et internationale du
pouvoir politique passe par le droit, la fixation des règles
électorales doit alors être mue par la
334 Réseau du Savoir Electoral, op.cit., p57.
335 SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.171.
336 A la lecture des articles 2(10) et 3(7) de la CADEG, les
Etats s'engagent à promouvoir la création des conditions
nécessaires pour faciliter la participation des citoyens et
démocratie participative.
337 Selon le Professeur MBALLA OWONA (Robert), « la
participation politique revoie à l'ensemble des activités
individuelles ou collectives marquant l'investissement des citoyens au jeu
politique ». Réflexions sur la dérive d'un
sacro-saint principe (...), op.cit., p.101.
338 Le processus électoral au Maroc : Cadre
législatif, 2015, p.6.
339 Cité par MBALLA OWONA (Robert), «
Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe (...)
», op.cit., p.101.
340 A la réalité, cette perspective
réformiste peut être comprise à tort par les politiques
comme une dépossession de la gestion des élections au profit
d'une appropriation citoyenne. En mal d'influence, ils peuvent bloquer cette
initiative ou tout simplement la jeter au rayon des illusions.
Le consensus en droit électoral camerounais
nécessité d'éviter l'exclusion de
certains acteurs politiques 341 . Le développement des «
consultations informelles » (A) et des arrangements politiques (B)
pourront-ils enfin permettre l'ancrage du consensus.
A- Le développement des « consultations
informelles »
La démocratie se présente sous trois formes :
directe, indirecte et semi-directe. La démocratie directe,
envisagée dans sa forme originelle est, selon PHILIPPE ARDANT, celle
où le peuple ce gouverne directement lui-même par la participation
de tous les citoyens. Encore appelée démocratie
représentative, la démocratie indirecte consiste pour les citoyen
à transférer à d'autres individus la charge de diriger
pour eux les affaires publiques342. Les imperfections manifestes de
cette seconde forme ont favorisé le développement « des
formules alternatives pour permettre de temps en temps au peuple de s'exprimer
directement à côté des institutions de
représentation »343. Cette démarche a
conduit à l'adoption par le constituant camerounais de 1996, la
démocratie semi-directe344. L'article 2(1) de la loi
constitutionnelle de 1996 dispose en effet que « la
souveraineté appartient au peuple camerounais qui l'exerce soit par
l'intermédiaire du Président de la République et des
membres du Parlement, soit par voie de référendum ». Vu
la méfiance des autorités 345 et de la difficile
opérationnalisation de la démocratie directe, on pourrait tout au
moins développer des consultations informelles dans le sens de
recueillir la plus grande adhésion de la loi électorale.
L'exploration de nouvelles perspectives en matière
législative a conduit depuis quelques années au
développement des « consultations informelles ». Ces
consultations qui, selon BENOIT SADRY impliquent une concertation quasi
constante avec les différents publics concernés, consistent en
une analyse préalable de l'impact que peut avoir la législation
une fois adoptée346. Il s'agit en claire de recueillir le
plus largement possible l'avis des acteurs sociaux et
341 DODZI (Kokoroko), op.cit., p.121.
342 Cité par ATANGANA (Etienne Joël Louis), La
révision des constitutions en droit camerounais, Thèse,
op.cit., p.94.
343 Ibidem.
344 Selon Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, c'est une forme de
démocratie qui combine la démocratie représentative et la
démocratie directe : le pouvoir est normalement exercé par les
représentants, mais les citoyens peuvent dans certaines conditions
intervenir directement dans son exercice. (Initiative populaire,
référendum, révocation populaire, véto populaire),
Lexique des termes juridiques, op.cit., p. Lire aussi SADRY
(Benoit), Bilan et perspectives de la démocratie
représentative, Thèse, op.cit., p.5.
345 ATANGANA (Etienne Joël Louis), La révision
des constitutions en droit camerounais, Thèse, op.cit., p.94.
346 SADRY (Benoit), Bilan et perspectives de la
démocratie, Thèse, op.cit., p.329.
Le consensus en droit électoral camerounais
politiques par une « étude d'impact législatif
» afin de mesurer l'adhésion du texte en gestation.
Ainsi que le rapporte BENOIT SADRY dans ses travaux de
thèse, le système d'étude d'impact législatif avait
été initiée en Grande-Bretagne dès l'année
1994 dans un contexte de crise chronique de la loi. Ce système, dit-il,
avait pour vocation première de déterminer les
conséquences de toutes nouvelles réglementations par le
procédé du bilan coûts-avantages, de recenser les
alternatives possibles et acteurs concernés par le projet347.
Dans le même contexte, le Conseil d'État français avait-il
à la suite des exemples Anglais et Allemand proposé le recours
à la technique de l'évaluation préalable de la loi par le
biais d'étude d'opinions, pour les textes les plus simples ou
d'études d'impact pour les projets dont les enjeux sont lourds
(...)348. Même si BENOIT SADRY marque sa méfiance sur
la pertinence d'une telle étude349, les pouvoirs publics
africains, mêlés dans un contexte généralisé
de rejet de la loi électorale, ne devraient-ils pas apprendre de
l'expérience occidentale sur la pratique des consultations informelles ?
En tout cas une telle option semble désormais possible au Cameroun
d'autant qu'elle ne s'inscrit ni à l'opposé du texte de la CADEG
encore moins de la constitution.
En réalité, le développement des
consultations informelles aura vocation à impliquer davantage la
population et surtout les acteurs de premier plan dans la politique
électorale. Cette ouverture du système de production du droit
électoral par les consultations informelles peut être
perçue comme un moyen de légitimer l'ordre électoral. Au
surplus, les autorités de l'État pourront au cas de besoin
recourir aux arrangements politiques pour renforcer l'adhérence des
normes électorales dans une société rongée par des
divisions profondes.
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