PARAGRAPHE 2 : DES MÉCANISMES JURIDICTIONNELS
LIMITÉS
Dans son Contrat social, JEAN-JACQUES
ROUSSEAU292 affirmait que « l'obéissance à la
loi qu'on s'est prescrite est liberté ». À l'inverse,
la pensée de ROUSSEAU est révélatrice d'une
réalité qu'on ne peut plus feindre d'ignorer : qu'il est
difficile pour les citoyens de se soumettre à une loi lorsqu'ils ne s'y
reconnaissent pas, a fortiori lorsque celle-ci ne sert qu'à promouvoir
les intérêts égoïstes d'un individu ou d'un groupe
d'individus. Dans cette position, si cette idée permet de recentrer le
débat sur le rôle du juge électoral, garant du respect des
lois par les acteurs, c'est qu'il est de plus en plus confronté aux cas
de contestations desdites lois, bien plus encore, de leur
légitimité. La question qui se pose alors est celle de savoir que
peut le juge? Peut-il connaitre une action en contestation de la loi
électorale pour défaut de consensus ou tout au moins pour
inconstitutionnalité ?
Ces interrogations semblent a priori dénuées
d'intérêt lorsqu'on prend acte du champ
292 Cité par VERGEZ (André), HUISMAN (Denis),
Histoire des philosophes illustrée par les textes, Fernand
Nathan, paris-VIe, 1966, p.211.
Le consensus en droit électoral camerounais
matériel du contentieux électoral qui, à
tout égard, est bien circonscrit. Cependant l'instrumentalisation des
processus électoraux en Afrique noire devrait interpeller la doctrine
sur l'apport réel du « juge des élections » à la
protection des valeurs proclamées par le texte constitutionnel
nécessaires à l'édification de la démocratie.
L'étude du processus électoral camerounais depuis 1990 montre en
effet que l'évolution de celui-ci des luttes politiques, le juge ayant
très peu participé. La fonction du juge dans la matière
électorale est non seulement limitée (B), mais aussi soumis
à l'application d'un droit se déversant par le haut (A).
A- Le juge tenu par le droit
Dans une réflexion forte édifiante
opérée sur la justice en rapport avec la démocratie, PAPA
OUMAR SAKHO indiquait que « la démocratie et la justice sont en
Afrique des concepts qui coexistent dans une logique empreinte
d'ambiguïtés »293. En fait, si la contribution
du « juge de l'élection » à l'édification du
droit électoral est réelle294, celle-ci n'est faite
cependant qu'à titre exceptionnel, puisqu'il n'est pas, par essence, un
législateur. Du coup la fonction qu'on lui reconnait en droit
camerounais est essentiellement portée sur l'interprétation et
l'application des règles produites outre instances qui s'imposent
à lui295.
Le cas du juge camerounais qui nous intéresse
particulièrement révèle l'image d'un individu qui est tenu
de ne qu'agir dans le sens définit par la loi quelle que soit sa
formulation. On est donc en droit de se poser la question de savoir comment
peut-il valablement consolider l'idée de consensus dans la production de
la norme électorale lorsque lui-même en est exclu du processus ?
Tout se passe en effet comme si le juge était embrigadé dans un
mécanisme juridico-politique lui tombant sur la tête et auquel il
doit se soumettre pour connaitre les litiges soulevés à
l'occasion des compétitions électorales. Pour ainsi dire avec le
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, même si de nombreuses dispositions
électorales ont été éclaircies grâce aux
interprétations du juge, il reste que la norme électorale que le
juge de l'élection applique lui est donnée par le
législateur. Et lorsqu'on connait toute la contestation dont ces lois
font l'objet, on ne peut rester indifférent face à l'impuissance
du juge qui, malgré tout, est tenu de les appliquer
293 PAPA OUMAR SAKHO, « Quelle justice pour la
démocratie en Afrique ? », Seuil, Pouvoirs, n°129, 2009,
p.64.
294 Voir OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., pp.35-36.
295 OLINGA (Alain Didier), « Justice
constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution
à la sérénité de la démocratie
élective et à l'enracinement de l'Etat de droit ? »,
op.cit., p.2.
Le consensus en droit électoral camerounais
au risque de déni de justice.
Le juge de l'élection est-il alors dans l'impasse,
peut-on s'interroger sur sa fonction ? À cette question, le Professeur
ALAIN DIDIER OLINGA rappelle que dans l'analyse du travail du juge et
précisément constitutionnel en matière électorale,
il faut pouvoir distinguer ce qui est à imputer au producteur de la
norme à appliquer (et qui ne dépend nullement du juge) et ce qui
est attribué au choix interprétatif, au choix de posture
institutionnel, bref à ce que l'on appelle la politique
jurisprudentielle du juge296. C'est dire autrement que la fonction
du juge est hautement circonscrite à des matières définies
préalablement.
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