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Le consensus en droit électoral camerounais


par Rodrigue Stéphane Agathon Ondoa
Université de Douala - Master 2 2017
  

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A- Le fondement de la participation de l'Administration

La politique électorale est des plus importantes dans une société qui considère le mode électif comme source de toute légitimité du pouvoir politique. La compétition électorale qui se profile alors ne peut être organisée dans un État démocratique sans une législation appropriée272. Encore faut-il que des institutions dignes de ce nom puissent assurer en conséquence une bonne administration des élections. Justement comme on l'a vu vue plus haut, au Cameroun un grand nombre d'institutions sont assignées à cette tâche. Il s'agit principalement d'ELECAM273, des commissions électorales274 (locale, départementale, régionale et le cas échéant nationale) et de l'Administration entre autres. Seule la dernière fait l'objet de notre analyse.

Compte tenu des sens pluriels du terme « administration », il est nécessaire de fixer un champ définitionnel préalable. Ainsi dans notre contexte nous retiendrons à la suite du Doyen GEORGES VEDEL et du Professeur ROGER GABRIEL NLEP que l'Administration est « l'ensemble des organes et des activités qui, sous le contrôle du gouvernement, tendent au maintien de l'ordre et à la satisfaction des besoins d'intérêt général »275. À la lumière des considérants du code électoral276 de 2012 repris par l'auteur de L'administration et le processus électoral au Cameroun, il est facile de déduire sans équivoque une base légale de la participation de l'administration dans la régulation électorale. Au-delà de cette assise textuelle, il nous est donné d'observer que l'organisation des élections, relevant d'un service publique ne saurait échapper à la sphère d'intervention de l'Administration. Cette dernière alors saisie comme une institution que l'État mobilise dans la réalisation de ses missions, se trouve inévitablement à la merci de l'instrumentalisation du politique 277 avec qui elle a un lien inébranlable.

272 Intervention d'OUMAR TOP, Directeur général des élections au Sénégal, La présentation du système électoral Sénégalais, 22 janvier 2014.

273 Article 4(1) du code électoral.

274 Article 54 et suivants du code électoral.

275 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), « L'administration et le processus électoral au Cameroun(...) », op.cit., p.72.

276 Cf. articles 12(3) ,24(1), 44(2) ; 31, 32, 33, 34,35 ; 94,95 ; 279 à 287.

277 AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.76.

Le consensus en droit électoral camerounais

B- Une Administration dominée par le politique

L'on doit toujours aborder le principe de la neutralité administrative avec prudence. Il faut donc tenir compte à l'évidence de son aspect organisationnel pour comprendre la dérive de ce principe essentiel.

Le bilan mitigé de l'Administration dans la régulation de l'élection, objet de notre analyse ne peut être compris que si on s'intéresse de près sur ce qui la lie foncièrement à l'État. Il existe en réalité un lien ancestral entre l'État (institution dirigé par le politique) et l'Administration, son « bras séculier ». C'est en effet par elle que l'État assure la réalisation de ses missions. L'Administration se définie donc à certains égards aux missions qu'elle exécute au nom du politique. L'organisation matérielle de l'élection qui est une compétence étatique est accomplie sur le terrain par l'Administration. On comprend dès lors que la gouvernance électorale est un service public, lequel tombe inexorablement dans le champ de l'Administration. Suivant ce raisonnement, l'Administration exécute les missions à elle confiées par le politique en matière électorale278. Et ce n'est qu'à partir de là qu'on peut appréhender la problématique de la partisannerie.

Peut-on penser un seul instant que le chien puisse mordre sa propre queue ? La reprise de cet adage populaire sous la forme interrogative aussi vulgaire qu'il puisse paraître, illustre bien la réalité d'une fusion ou confusion entre les autorités politiques à celles administratives. Il est difficile voir aventureux d'établir une nette différence entre elles. Si d'un point de vue théorique la distinction « politique et Administration » se fait aisément, l'angle de la science administrative nous remet à la réalité des faits. Proclamée non seulement par des dispositions statutaires279 et confirmée par des données de la science administrative 280 , l'assimilation des autorités administratives à celles politiques laisse fort peu de doute à la démarcation de ces deux entités. L'Administration dans ce contexte est saisie comme un simple prolongement du pouvoir

278 Aux termes de l'article 11 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, « le gouvernement est chargé de la mise en oeuvre de la politique de la Nation telle que définie par le Président de la République ». On peut également se prêter à la lecture de l'Instruction générale n°002 du 1er octobre 2002 relative à l'organisation du travail gouvernemental. Texte révisé.

279 Selon l'article 2 (2) du décret n°94/199 du 7 octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de l'Etat, la Fonction Publique de l'Etat « est placée sous l'autorité du Président de la République ».

280 Dans son cours de Sciences administratives, le Professeur MANASSE ABOYA ENDONG ne manque pas d'analyser le champ de l'Administration publique camerounaise : celle- ci se présente comme une « pyramide » au sommet de laquelle se trouvent la « haute administration » (Président de la République, Premier Ministre, Ministres, les démembrements locaux de l'Etat) et l'administration, formée par les fonctionnaires.

Le consensus en droit électoral camerounais

politique281.

Sinon comment envisager une distinction objective dans cet imbroglio où des individus sont à la fois autorités politiques et autorités administratives. Cette confusion de genre entretenue et masquée par l'illusion de « dédoublement de fonction » consacre le déclin du dogme de la neutralité de l'administration.

Au regard de ce qui précède l'on pourra en toute sérénité conclure avec GÉRARD TIMSIT à la «crise de légitimité » 282 de l'Administration, laquelle déteint négativement sur sa contribution à la construction du champ normatif des élections.

75

281 ROSANVALLON (Pierre), « La légitimité démocratique », Seuil, Points Essais, 2008, p.5.

282 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.84.

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