A- Le fondement de la participation de l'Administration
La politique électorale est des plus importantes dans
une société qui considère le mode électif comme
source de toute légitimité du pouvoir politique. La
compétition électorale qui se profile alors ne peut être
organisée dans un État démocratique sans une
législation appropriée272. Encore faut-il que des
institutions dignes de ce nom puissent assurer en conséquence une bonne
administration des élections. Justement comme on l'a vu vue plus haut,
au Cameroun un grand nombre d'institutions sont assignées à cette
tâche. Il s'agit principalement d'ELECAM273, des commissions
électorales274 (locale, départementale,
régionale et le cas échéant nationale) et de
l'Administration entre autres. Seule la dernière fait l'objet de notre
analyse.
Compte tenu des sens pluriels du terme « administration
», il est nécessaire de fixer un champ définitionnel
préalable. Ainsi dans notre contexte nous retiendrons à la suite
du Doyen GEORGES VEDEL et du Professeur ROGER GABRIEL NLEP que l'Administration
est « l'ensemble des organes et des activités qui, sous le
contrôle du gouvernement, tendent au maintien de l'ordre et à la
satisfaction des besoins d'intérêt général
»275. À la lumière des considérants
du code électoral276 de 2012 repris par l'auteur de
L'administration et le processus électoral au Cameroun, il est
facile de déduire sans équivoque une base légale de la
participation de l'administration dans la régulation électorale.
Au-delà de cette assise textuelle, il nous est donné d'observer
que l'organisation des élections, relevant d'un service publique ne
saurait échapper à la sphère d'intervention de
l'Administration. Cette dernière alors saisie comme une institution que
l'État mobilise dans la réalisation de ses missions, se trouve
inévitablement à la merci de l'instrumentalisation du politique
277 avec qui elle a un lien inébranlable.
272 Intervention d'OUMAR TOP, Directeur général
des élections au Sénégal, La présentation du
système électoral Sénégalais, 22 janvier
2014.
273 Article 4(1) du code électoral.
274 Article 54 et suivants du code électoral.
275 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), «
L'administration et le processus électoral au Cameroun(...) »,
op.cit., p.72.
276 Cf. articles 12(3) ,24(1), 44(2) ; 31, 32, 33, 34,35 ; 94,95
; 279 à 287.
277 AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.76.
Le consensus en droit électoral camerounais
B- Une Administration dominée par le politique
L'on doit toujours aborder le principe de la neutralité
administrative avec prudence. Il faut donc tenir compte à
l'évidence de son aspect organisationnel pour comprendre la
dérive de ce principe essentiel.
Le bilan mitigé de l'Administration dans la
régulation de l'élection, objet de notre analyse ne peut
être compris que si on s'intéresse de près sur ce qui la
lie foncièrement à l'État. Il existe en
réalité un lien ancestral entre l'État (institution
dirigé par le politique) et l'Administration, son « bras
séculier ». C'est en effet par elle que l'État assure la
réalisation de ses missions. L'Administration se définie donc
à certains égards aux missions qu'elle exécute au nom du
politique. L'organisation matérielle de l'élection qui est une
compétence étatique est accomplie sur le terrain par
l'Administration. On comprend dès lors que la gouvernance
électorale est un service public, lequel tombe inexorablement dans le
champ de l'Administration. Suivant ce raisonnement, l'Administration
exécute les missions à elle confiées par le politique en
matière électorale278. Et ce n'est qu'à partir
de là qu'on peut appréhender la problématique de la
partisannerie.
Peut-on penser un seul instant que le chien puisse mordre sa
propre queue ? La reprise de cet adage populaire sous la forme interrogative
aussi vulgaire qu'il puisse paraître, illustre bien la
réalité d'une fusion ou confusion entre les autorités
politiques à celles administratives. Il est difficile voir aventureux
d'établir une nette différence entre elles. Si d'un point de vue
théorique la distinction « politique et Administration » se
fait aisément, l'angle de la science administrative nous remet à
la réalité des faits. Proclamée non seulement par des
dispositions statutaires279 et confirmée par des
données de la science administrative 280 , l'assimilation des
autorités administratives à celles politiques laisse fort peu de
doute à la démarcation de ces deux entités.
L'Administration dans ce contexte est saisie comme un simple prolongement du
pouvoir
278 Aux termes de l'article 11 de la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996, « le gouvernement est chargé de la mise en
oeuvre de la politique de la Nation telle que définie par le
Président de la République ». On peut également
se prêter à la lecture de l'Instruction générale
n°002 du 1er octobre 2002 relative à l'organisation du
travail gouvernemental. Texte révisé.
279 Selon l'article 2 (2) du décret n°94/199 du 7
octobre 1994 portant Statut Général de la Fonction Publique de
l'Etat, la Fonction Publique de l'Etat « est placée sous
l'autorité du Président de la République ».
280 Dans son cours de Sciences administratives, le
Professeur MANASSE ABOYA ENDONG ne manque pas d'analyser le champ de
l'Administration publique camerounaise : celle- ci se présente comme une
« pyramide » au sommet de laquelle se trouvent la « haute
administration » (Président de la République, Premier
Ministre, Ministres, les démembrements locaux de l'Etat) et
l'administration, formée par les fonctionnaires.
Le consensus en droit électoral camerounais
politique281.
Sinon comment envisager une distinction objective dans cet
imbroglio où des individus sont à la fois autorités
politiques et autorités administratives. Cette confusion de genre
entretenue et masquée par l'illusion de « dédoublement de
fonction » consacre le déclin du dogme de la neutralité de
l'administration.
Au regard de ce qui précède l'on pourra en toute
sérénité conclure avec GÉRARD TIMSIT à la
«crise de légitimité » 282 de
l'Administration, laquelle déteint négativement sur sa
contribution à la construction du champ normatif des
élections.
75
281 ROSANVALLON (Pierre), « La légitimité
démocratique », Seuil, Points Essais, 2008, p.5.
282 Cité par AKONO EVANG (Serge Paulin), op.cit., p.84.
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