PARAGRAPHE 1 : LA PLURALITÉ DES ORGANES DE MISE
EN OEUVRE DU
CONSENSUS
D'entrée de jeu, il faudrait souligner une fois de plus
que la mise en oeuvre du consensus en droit électoral est
nécessairement liée à la création des règles
électorales. C'est dire autrement que le consensus, objet de notre
analyse, se réalise valablement au terme de la procédure
d'élaboration du droit électoral. Une fois cela dit, envisager la
pluralité « des pôles » de recherche du consensus dans
la fabrication de la loi électorale au sein de l'État peut
être perçu comme une marque politique visant à assurer
l'effectivité du consensus. Ce procédé met au premier plan
les
191 Pour une lecture approfondie, lire Paula Diehl et Alexandre
Escudier (dir.), La « représentation» du politique :
Histoire, concepts, symboles, Les Cahiers du CEVIPOF, n°57,
février 2014, 104 pages.
192 Article 26 de la loi constitutionnelle de 1996.
Le consensus en droit électoral camerounais
principales institutions de l'État au rang desquelles
figurent le Parlement (A) et l'exécutif (B). A- Le Parlement,
dépositaire du régime des élections
En dépit des multiples révisions
constitutionnelles, le constituant camerounais n'a cessé de
désigner le Parlement comme titulaire du régime des
élections. Dans cette suite, le pouvoir législatif qui est
positionné comme le principal lieu de fabrication du droit
électoral s'efforce-t-il par le biais du débat de faire valoir
les différentes sensibilités du peuple qu'il
représente193. Faut-il rappeler que l'Assemblée
Nationale représente la nation, tandis que le Sénat
représente les collectivités territoriales
décentralisées194. C'est lui qui détient alors
la compétence exclusive du vote des lois. De cette manière, SERGE
VINCENT NTONGA souligne que pour qu'une proposition ou projet de texte puisse
se transformer en loi, il faut nécessairement l'intervention d'un
certain nombre d'actes ou de techniques dont certains entre dans les travaux
préparatoires de la loi ... C'est la procédure
législative195. La conséquence de cette
prépondérance législative fait donc que toutes les lois
électorales depuis 1991, ont été adoptées par le
parlement196. Et pour garantir cette position, il a
été nécessaire d'introduire dans le processus
législatif des mécanismes dont la pleine utilisation permet une
recherche optimale du consensus. Il s'agit notamment du débat
parlementaire et du double examen des textes : Le premier est le point
culminant du travail parlementaire institué aux diverses étapes
de la procédure législative ; le second est la conséquence
de l'adoption du bicamérisme.
B- L'investissement du pouvoir exécutif dans la
matière électorale
L'implication de l'exécutif dans la production
législative tire son fondement dans la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996.
Ainsi, aux termes de l'article 25 de ladite loi, «
l'initiative des lois appartient concurremment au Président de la
République et aux membres du Parlement ». L'article 28
renchérit en posant clairement que « dans les matières
énumérées à l'article 26 alinéa 2
ci-dessus,
193 Le Parlement, centre de décision et tribune
politique, est un foyer émetteur de langues composites. C'est le lieu
par excellence du débat politique. ERIC (Landowski), Le débat
parlementaire et l'écriture de la loi, In Revue française de
science politique, 27e année, n°3, 1977, p.428.
194 Lecture combinée des articles 15 (2) et 20 (1) de la
loi constitutionnelle de 1996.
195 NTONGA (Serge Vincent), « La procédure
législative devant l'Assemblée Nationale du Cameroun »,
CAFRAD, Cahiers Africains d'Administration, n°58, p.2.
196 OLINGA (Alain Didier), « Politique et droit
électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.32.
Le consensus en droit électoral camerounais
le parlement, peut autoriser le Président de la
République, pendant un délai limité sur des objectifs
déterminés, à prendre des ordonnances (...) ». S'il
n'est pas utile de s'attarder sur le fait que par ces deux considérants
le Président de la République est un véritable
législateur, il est toutefois à souligner qu'en matière
électorale, c'est sur habilitation du Parlement que celui-ci est
fondé à légiférer. Il en est ainsi pour la simple
raison que le domaine des élections relève de la
compétence du Parlement. C'est d'ailleurs pour cette raison que le
Professeur ALAIN DIDIER OLINGA a tenu à confirmer cet état de
lieu lorsqu'il souligna qu'« en principe, la constitution n'a pas
institué le pouvoir réglementaire comme instance de production du
droit électoral »197. Mais la question
inévitable qui se pose est celle de savoir si cette instance permet
véritablement de faire valoir l'idée de consensus lorsqu'on
connait la méthode utilisée.
En tout état de cause, l'étude de la mise en
oeuvre du consensus par des organes aux essences opposées a permis de
mettre en lumière l'existence d'une procédure198
concurrente.
|