CHAPITRE 1 :
L'AMBIGUÏTÉ DU MÉCANISME DE MISE EN
OEUVRE DU CONSENSUS
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Le consensus en droit électoral camerounais
Il a déjà été posé que le
support normatif des élections au Cameroun se veut empreint de
l'idée de consensus. D'ailleurs BEDZIGUI CÉLESTIN n'a-t-il pas vu
juste quant-il affirmait que « la définition consensuelle des
principes et des modalités régissant le choix des dirigeants
tient une place importante dans le contrat social »187.
Cependant, ceci ne peut être vrai que si l'État consenti à
créer des mécanismes législatifs propres à garantir
son application. Cette dernière devra-t-elle préparer le terrain
à une politique électorale à même d'assurer le
développement d'une saine concurrence entre les acteurs politiques.
C'est dans cet esprit que le Professeur NARCISSE MOUELLE KOMBI à
déterminé qu'« un processus électoral
démocratique suppose l'existence de mécanismes aptes à
assurer une compétition ouverte ». S'il est utile de rappeler
qu'à la base d'un tel processus se trouve en bonne place le consensus
politique autour des règles du jeu, une analyse préalable de
l'environnement électoral a permis de mettre au-devant des anomalies
versant sur un tâtonnement manifeste des pouvoirs publics en la
matière188. Ces flottements sont entretenus au moins à
deux niveaux : d'une part, on fera remarquer que la production du droit
électoral et incidemment la mise en oeuvre du consensus sont les oeuvres
de la représentation politique. Or, comme on le sait, la
légitimité de cette dernière se trouve hautement
altérée, ses actes n'étant pas épargnés. On
peut donc rester perplexe face à l'inertie du constituant qui,
malgré cette déliquescence avéré189
n'ait pas trouvé opportun d'explorer de nouvelles pistes pour produire
la législation électorale. Sans doute entend-il promouvoir le
système de gouvernement représentatif190. D'autre
part, on notera l'existence d'un processus normatif équivoque,
c'est-à-dire, qui opère par deux logiques aux essences
opposées. C'est fort de ces évidences que nous avons entrepris
fournir dans ce chapitre, une grille de lecture sur les éléments
pratiques qui mettent en relief le caractère asymétrique de mise
en oeuvre du consensus du. Ce défaut de correspondance observé au
niveau structurel (section1) tend à s'amplifier lorsqu'on prend en
compte la récurrence de certaines considérations d'ordre
conjoncturel (section2).
187 Cité par OLINGA (Alain Didier), « Politique
et droit électoral au Cameroun (...) », op.cit., p.37.
188 Pour le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA, s'il est vrai que
tous les acteurs s'accordent sur la nécessité d'un consensus
autour des règles, des divergences apparaissent nettement lorsqu'on
aborde les questions relatives au sens et au seuil de ce consensus. OLINGA
(Alain Didier), « Politique et droit électoral au Cameroun
(...) », op.cit., p.38.
189 Voir SADRY (Benoit), Thèse, op.cit.
190 Article 3(3) de la CADEG.
Le consensus en droit électoral camerounais
SECTION 1 : UNE AMBIGUÏTÉ STRUCTURELLE
ÉTABLIE
L'importance du droit électoral dans les États
enclins de construction démocratique et d'unité est
désormais confirmée. Cependant, l'analyse de cet édifice
normatif révèle une ingénierie complexe construite
à partir des organes disséminés à travers la
représentation politique. Cette architecture trouve son fondement dans
l'article 2(1) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. Il ressort en
effet que la souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui
l'exerce entre autres par l'intermédiaire du Président de la
République et des membres du Parlement. Cette affirmation
constitutionnelle qui place la représentation politique191 au
coeur de la production législative constitue-t-elle par extension les
foyers de recherche et de mise en oeuvre du consensus. Or la
représentation politique qui est constituée des pouvoirs
évoqués (Exécutif et Législatif) opère,
à la lecture de la constitution, par des mécanismes
opposés. Malgré cette « ambiguïté construite
», et loin d'être un fait de hasard, le pouvoir constituant a
entendu mettre en interaction tous les leviers de la représentation
nationale dans la définition des règles du jeu politique pour
faire émerger dans « le meilleur des mondes possible »
l'opinion de toutes les couches sociales. Pour cette raison, celui-ci, en
confiant au Parlement le soin de déterminer le régime des
élections192 a tenu à rester fidèle à sa
logique en admettant les marges de manoeuvre de l'exécutif dans la
même matière (Paragraphe 1). Seulement, l'implication de ces
organes dans la production du droit électoral débouche
inéluctablement sur l'adoption d'un processus normatif ambivalent qui
présage une concurrence réelle (Paragraphe 2).
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