2- Un contentieux électoral en phase de
maturation
Dans la continuité de la consolidation de la
démocratie électorale, le contentieux découlant
logiquement de la réactivation de la compétition
électorale devait venir parachever le processus démocratique
relancé dès les années 1990146. C'est dans
cette optique que JEAN GICQUEL affirma que le contentieux électoral est
consubstantiel aux élections tout comme l'élection le serait
à la démocratie147. À vrai dire
l'élection perdrait toute authenticité si sa
régularité ne pouvait faire l'objet de contestation devant un
organe constitué à cet effet 148. Si les États
d'Afrique en général ont longtemps été
confrontés à une situation de quasi absence du contrôle de
la régularité des élections149, la «
contentialisation » du jeu politique doit son avènement à
l'émergence de concepts nouveaux150 qui devaient venir
normaliser le processus électoral.
À cet effet, le contentieux appliqué dans la
matière électorale avait pour objet, selon JEAN-CLAUDE MASCLET,
de vérifier la conformité des actes et la validité des
résultats des élections 151 afin d'assurer autant que
possible la légitimité de la représentation dans la
démocratie électorale152. Il se définit donc
autrement d'après le même auteur comme une
144 Disposition non exhaustive de l'article 3 de la loi
constitutionnelle du 18 Janvier 1996.
145 Article 275 et suivants du code électoral, 19 avril
2012.
146 JEAN-MARIE DENQUIN, cité par le Dr. NDJOCK, Cours de
contentieux électoral, année 2013-2014.
147 Cité par KASSABO (Léon Die), « Le
contentieux de l'élection présidentielle », op.cit.,
p.2.
148 GAYE (Oumar), « Le contentieux électoral
devant les juridictions suprêmes », Actes du colloque
international sur le contentieux électoral et l'Etat de droit, p.22.
149 KASSABO (Léon Die), op.cit., p.3.
150 Il s'agit entre autres de la promotion d'élections
libres, de la démocratie pluraliste, de la transparence, etc.
151 Cité par MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le
contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.139.
152 Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
opération qui vise à régler les litiges
mettant en cause la régularité des processus
électoraux153. Dans ce contexte, l'ambition clairement
affichée est « d'expurger le scrutin de tous les vices
susceptibles d'entraver la légitimité interne et internationale
des élus »154. Quoi qu'il soit encore
contesté la plupart du temps par les candidats ou les partis qui perdent
les élections, les États s'efforcent comme le reconnaît
DJEDJRO FRANCISCO MELEDJE à organiser le contentieux
électoral155.
Le site camerounais à parti duquel se fonde notre
étude révèle que la régulation des situations
électorales est principalement l'oeuvre des organes
juridictionnels156, au côté desquels participent
d'autres organes157 chacun agissant dans les limites
matérielles définies par le code électoral d'avril 2012.
Toutefois comme le note le Professeur MELEDJE158, nombre de faillent
demeurent quant à la fiabilité du contentieux électoral
dans la plupart des États en Afrique. En effet, l'auteur met en
évidence dans ses analyses effectuées sur le contentieux
électoral en Afrique quelques cas de « dysfonctionnements ».
Au Cameroun, la pratique contentieuse donne pour bien d'observateur donne le
sentiment d'un processus inachevé. Ainsi « à l'image
d'un enfant qui marque ses premiers pas, disait le Professeur ROGER GABRIEL
NLEP, l'organisation générale du contentieux liée aux
élections est encore largement marquée par nombre d'imperfections
et d'oublis »159.
Sur le premier point, comment expliquer valablement
l'exclusion du citoyen du « prétoire du conseil constitutionnel
», instance principale du débat contentieux en matière
électorale lorsqu'on sait par exemple qu'au Bénin et au
Sénégal, possibilité est donnée à tout
citoyen d'y
153 Ibidem.
154 KASSABO (Léon Die), « Le contentieux de
l'élection présidentielle », op.cit., p.2.
155 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.144.
156 Au rang de ceux-ci : le conseil constitutionnel qui veille
à la régularité de l'élection présidentielle
et des élections parlementaires (article 48 de la loi constitutionnelle
de 1996 ; article 132(1), article 168(1) et article 239(1) du code
électoral d'avril 2012), les tribunaux administratifs qui connaissent en
premier ressort du contentieux des élections régionales et
municipales (article 2(2), loi n°2006/022 du 29 décembre 2006) et
article 194 et suivants du code électoral d'avril 2012.
157 Allusion étant faite principalement à ELECAM
qui, au sens de l'article 10 du code électoral d'avril 2012 est
chargé par l'entremise du conseil électoral de veiller au respect
de la loi électorale par tous les intervenants de manière
à assurer la régularité, l'impartialité,
l'objectivité, la transparence et la sincérité des
scrutins, d'une part. D'autre part, il connaît à ce titre (...)
des contestations et réclamations portant sur les opérations
préélectorales et électorales, sous réserve des
attributions du conseil constitutionnel et des juridictions ou administrations
compétentes (...). Outre, le même code institue des commissions
électorales investies dans la pratique du contentieux électoral :
La commission locale de vote (articles 54 à 62), la commission
départementale de supervision (articles 63 à 67) et la commission
nationale de recensement général des votes (articles 68 à
69).
158 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.142.
159 Cité par le Dr. NDJOCK, Cours de Contentieux
électoral, op.cit.
Le consensus en droit électoral camerounais
accéder. Cet empêchement qui s'inscrit à
l'opposé de la garantie de la loyauté du processus
électoral160 donne davantage l'image d'un « peuple
spolié de sa souveraineté »161. Relativement au
deuxième point noir du contentieux électoral, on notera la
persistance des actes exempts de tout contrôle juridictionnel. Tels sont
les cas de la convocation du corps électoral, du découpage des
circonscriptions électorales et plus globalement de tous les actes
liés à l'organisation des élections. Une telle
soustraction dans un contexte de construction de l'État de droit ne peut
qu'étonner lorsque dans un pays comme la France, pays donné comme
une grande démocratie, soumet les actes liés au découpage
électoral à l'hôtel du juge. Dans la mesure où la
délimitation des frontières électorales est d'une
importance capitale, les actes y afférant font l'objet d'un
contrôle effectué par le Conseil d'État pour les
découpages effectués par décret (Cantons) et du Conseil
constitutionnel pour ceux effectués par la loi162. En outre,
la gestion des irrégularités électorales constitue sans
doute l'un des plus curieux en Afrique noire. On est toujours frappé par
la rapidité avec laquelle le juge électoral balaie les recours
portés devant lui. Lorsqu'il ne déclare pas
l'irrecevabilité pour problème de forme, il applique sa
traditionnelle conclusion, à savoir que les irrégularités
observées ne sont pas susceptibles de remettre en cause la
sincérité de l'élection. Y a-t-il de petites fraudes ? En
tout cas l'histoire retient toujours les violences électorales qui
suivent. Sur un plan technique en fin, le Professeur JEAN DU BOIS DE GAUDUSSON
marquait ses distances sur le développement du contentieux
électoral en Afrique. En ce sens, il déclarait que « le
contentieux des élections se caractérisent dans la plupart des
États africains par une complexité décourageante pour les
populations provoquée par le partage des compétences entre
plusieurs juges et ordres de juridictions ainsi que les conflits qui ne
manquent pas de surgir dans l'applications des lois électorales
rédigées en des termes propices aux divergences
d'interprétations ... »163.
Malgré ces quelques moments de regrets pour reprendre
DODZI KOKOROKO164, la régulation du jeu électoral, on
l'espère atteindra sa phase de maturation pour sécuriser de
façon optimale la volonté des citoyens électeurs. Dans une
autre optique, son avènement autorise-t-il à
160 OLINGA (Alain Didier), « Justice
constitutionnelle et contentieux électoral : quelle contribution
à la sérénité de la démocratie
élective et à l'enracinement de l'Etat de droit ? Le cas du
Cameroun », Conférence panafricaine des présidents des
Cours Constitutionnelles et Institutions Comparables sur le renforcement de
l'Etat de droit et de la démocratie à travers la justice
constitutionnelle, Marrakech (Maroc), 26-28 novembre 2012, p.5.
161 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.163.
162 GHEVONTIAN (Richard), « Les pouvoirs du conseil
constitutionnel français en matière électorale
», Séminaire UniDem, Les standards européens du droit
électoral (...), op.cit., p.76.
163 Cité par DODZI (Kokoroko), « Les
élections disputées (...) », op.cit., pp.152-153.
Le consensus en droit électoral camerounais
fonder un espoir sur sa vertu démocratique.
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