B- Le problème du « domaine
réservé » de l'État
L'investissement du système électoral national
par les valeurs de l'international n'est plus un phénomène
étranger. Avec «la mondialisation du droit », il faut
désormais considérer la
116 Ibidem.
117 KARIM (Dosso), « Les pratiques constitutionnelles
dans les Etats d'Afrique noire francophone : cohérences et
incohérences », Revue française de droit
constitutionnel, 2012/2, n°90, p.82.
118 Cité par KARIM (Dosso), Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
perméabilité des systèmes juridiques.
Touchant la sphère nationale, l'internationalisation qui résulte
de ce mouvement devenu irréversible investit dès lors sans
surprise les domaines « hautement internes ». Le système
électoral qui captive de plus en plus l'attention de la
communauté internationale, va devenir par la même occasion le
terrain de prédilection des règles internationales.
C'est que la production législative originellement
relève de la compétence souveraine des États, en vertu du
traditionnel principe de l'autonomie constitutionnelle119. L'on a
donc toujours considéré jusqu'à une époque
récente que la régulation des élections par
conséquent relevait de « l'autorité exclusive de
l'État». Toutefois avec « la mondialisation du droit »,
on « s'aperçoit aujourd'hui que l'internationalisation touche
de plus en plus à la matière électorale » 120 .
L'affirmation du professeur DIDIER MAUS selon laquelle « les
élections ne dépendent plus uniquement du cadre constitutionnel
national (et qu'il) existe une véritable dimension internationale des
élections » 121 , vient raviver le débat sur les
implications de l'internationalisation du droit électoral en rapport
avec la souveraineté. C'est en effet par la prolifération des
valeurs de l'international dans l'ordre interne que l'État se trouve
quelque peu dépouillé de « la compétence des
compétences »122. Le domaine
réservé123 devient-il du fait de
l'internationalisation le domaine partagé ?
Il faut reconnaître que dans la mesure où ce
phénomène opère une sorte d'intervention des instances
internationales dans les domaines relevant de la compétence des
États, il se produit un dessaisissement même temporaire des
autorités nationales124. Les développements actuels de
l'internationalisation vont plus loin. Pour PIERRÉ-CAPS «
l'intervention de la communauté internationale dans la résolution
des crises ne se limite plus à l'envoi de force d'interposition.
119 L'article 2 du paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies
pose avec réserve le principe de l'autonomie constitutionnelle lorsqu'il
dispose d'une part « que aucune disposition de la présente
Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui
relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat
(...), et d'autre part que ce principe toutefois ne porte en rien atteinte
à l'application des mesures de coercition prévues au chapitre VII
».
120 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.117.
121 Cité par SABI (Kassere Afo), op.cit., p.118.
122 Expression consacrée pour marquer
l'exclusivité de la compétence de l'Etat dans un domaine ;
employée par SADRY (Benoit), Thèse, op.cit., p.105.
123 Le domaine réservé s'entend du «
domaine d'activités dans lequel l'Etat, n'étant pas lié
par le droit international, jouit d'une compétence totalement
discrétionnaire et, en conséquence, ne doit subir aucune
immixtion de la part des autres Etats ou des organisations internationales
», SALMON (Jean), Dictionnaire de droit international public,
Bruxelles, bruylant, 2001, p.356.
124 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.115.
Le consensus en droit électoral camerounais
Elle prend (...) plus que jamais aujourd'hui une dimension
juridique à tout au moins constitutionnelle » 125 . On
comprend dès lors toute l'inquiétude qui découle de
l'internationalisation du droit électoral126.
L'inquiétude à lieu à deux niveaux :
Au premier niveau, elle résulte de l'instabilité
du système international qui à tout égard pourrait
s'étendre sur la matière électorale. Dans un second
moment, l'inquiétude est axée sur l'altération
supposée de la compétence étatique. Comme le fait
remarquer AFO SABI ce dernier cas, objet de notre analyse, a pris sous l'effet
de l'internationalisation une ampleur qui est telle que le domaine hautement
interne des États se trouve inéluctablement
touché127. De toutes les façons, même si la
production du droit électoral relève toujours en premier ressort
de la compétence étatique, elle n'empêche pas pour autant
le recadrage des acteurs internationaux face à certains
législateurs véreux. De plus les législateurs font de plus
en plus référence aux valeurs de l'internationale comme on le
verra plus bas. D'ailleurs AFO SABI n'a-t-il pas lui-même reconnu que
« la plupart des normes électorales sont aujourd'hui d'essence
ou d'inspiration de cet ordre international »128.
L'implication internationale dans les processus électoraux des
États fragiles à l'instar de ceux d'Afrique noire est devenue
presque incontournable, voir nécessaire. En tout cas, en
considération des actions menées par les acteurs internationaux
dans la matière électorale, le Doyen MELEDJE voit en
l'élection une véritable affaire internationale129.
Elle n'est donc plus la seule affaire de l'État130. C'est
donc dire en dernière analyse que la sécrétion du droit
électoral par les législateurs nationaux ne saurait
évoluer en marge de cette nouvelle donne. Le domaine dit réserver
devra tout simplement coexister avec la normalité internationale.
Quoi qu'il en soit, la juridicisation du consensus a permis
d'impulser une nouvelle dynamique dans le processus démocratique au
Cameroun.
125 Cité par KARIM (Dosso), « Les pratiques
constitutionnelles dans les Etats d'Afrique noire francophone (...)
», op.cit., p.82.
126 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.120.
127 Ibidem.
128 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.121.
129 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux
électoral en Afrique », op.cit., p.151.
130 Ibidem.
Le consensus en droit électoral camerounais
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