B- L'obligation juridique de conformité
Relativement à l'obligation juridique de
conformité aux valeurs contenues dans la constitution, il faudrait
remonter à HANS KELSEN dans sa Théorie pure du droit. Ce
dernier avait établi que l'architecture des textes juridiques dans un
État se présente de façon hiérarchique. Au sommet
de celle-ci se trouve une norme fondamentale, norme qu'on connaît
désormais sous le nom de constitution depuis les
évènements de la fin du XIXème
siècle105. Cette position recueille l'assentiment de la
doctrine publiciste en ce que la constitution, d'après ZOLLER E.
101 Le terme ordre juridique qui s'entend autrement de «
système juridique » ou d' « ordonnancement juridique »,
désigne l'ensemble des règles qui, pour un Etat et à un
moment donné, définissent le statut des personnes publiques et
privées et les rapports juridiques qui existent entre elles. Il
symbolise l'ordre social, un tout cohérent, rationnel dans lequel chaque
norme à une place bien déterminée.
102 Article 45 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
103 Selon BARBE (Vanessa) et MILLET (François-Xavier),
« La constitutionnalisation transfigure juridiquement les valeurs
propres à une société donnée en instant « t
» en leur conférant l'imprimatur suprême »,
op.cit., p.469
104 ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit.,
p.296.
105 En référence au mouvement
constitutionnaliste qui revendiquait la supériorité normative de
la constitution dans l'ordre interne, mettant fin au «
légicentrisme ».
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Le consensus en droit électoral camerounais
dans son ouvrage maître Droit Constitutionnel
est perçue comme un acte qui « définit les
principes et les règles selon lesquels seront résolues les
questions communes et générales »106.
Malgré le fait qu'elle soit «asservie par les faits
»107, l'hégémonie constitutionnelle se trouve
toujours restaurée comme l'affirme à juste titre PATERNE MAMBO
108 . Ainsi placée, la suprématie
constitutionnelle109 « induit la conformité des
règles inférieures et corrélativement en cas de
contrariété leur invalidité, avec comme conséquence
que, dans le meilleur des mondes juridiques, elles ne devraient jamais entrer
en vigueur ou toutes être supprimées de l'ordre juridique
»110. Pour cette raison, THÉODORE HOLO conscient du
jeu des acteurs politiques n'a pas cru si bien dire en réitérant
l'utilité d'un contrôle de constitutionnalité de la loi
111 et notamment électorale. En considérant que
« les règles électorales énoncées dans les
constitutions ne sont pas de voeux pieux, mais constituent plutôt des
normes juridiques que les régimes constitutionnels et
démocratiques sont tenus de respecter »112, le
contrôle de conformité induit par la suprématie
constitutionnelle tend aussi à renforcer l'idée que « la
volonté du peuple souverain, directement et solennellement
exprimée par lui à travers la constitution, est supérieur
à celle de ses représentants ordinairement exprimée par la
loi »113.
Du coup les valeurs sociales ratifiées et contenues
dans le texte constitutionnel s'imposent comme de véritables «
obligatoires » au législateur. Ce dernier doit-il tenir compte des
engagements internationaux de l'État contenus dans le texte
constitutionnel. Au Cameroun, ces valeurs sont pour la plupart
énoncées dans le préambule. Faut-il encore rappeler que le
préambule fait partie intégrante de la constitution.
La loi électorale dans ce sillage se doit de se
conformer en tout état de cause au texte constitutionnel dont elle tire
inexorablement ses racines du point de vue de la procédure comme du
contenu, afin d'assurer la cohérence juridique du système
normatif des élections. Aussi la
106 Cité par NDJIMBA (Kevin Ferdinand),
L'internationalisation des constitutions des Etats en crise :
Réflexions sur les rapports entre Droit international et Droit
constitutionnel, Th. Doctorat en Droit, février 2011, p.201.
107 Expression empruntée au Professeur KARIM DOSSO,
« Les pratiques constitutionnelles dans les Etats d'Afrique noire
francophone (...) », op.cit., p.72.
108 MAMBO (Paterne), Les rapport entre la constitution et
les accords politiques dans les Etats africains : Réflexion sur la
légalité constitutionnelle en période de crise, Revue
de droit de McGill, Vol.57, n°4, 2012, p.941.
109 Lire BETUKUMESU MANGU (André Mbata), «
Suprématie de la constitution, indépendance du pouvoir
judiciaire et gouvernance en République démocratique du Congo
».
110 KARIM (Dosso), « Les pratiques constitutionnelles
dans les Etats d'Afrique noire francophone (...) », op.cit., p.73.
111 HOLO (Théodore), « Emergence de la justice
constitutionnelle », Pouvoirs, R.F.E.C.P, n°129, 2009, p.103.
112 RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, Cadre juridique,
op.cit., p.29.
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Le consensus en droit électoral camerounais
cohérence normative devra permettre, en dernière
analyse de réaliser l'État de droit pour une meilleure
sécurité juridique. L'érection du consensus au niveau
constitutionnel permet de le hisser au rang des fondements du droit
électoral.
PARAGRAPHE 2 : LA RECONNAISSANCE DU CONSENSUS COMME
FONDEMENT DU DROIT ÉLECTORAL
Dans son cours introductif de contentieux électoral,
ATANGANA ETIENNE JOËL LOUIS souligne le nécessaire arrimage du
droit électoral à la logique internationale. À la
réalité, les règles électorales au Cameroun sont
loin de recueillir l'assentiment des acteurs politiques, ceux-ci y voient, pour
la plupart, un instrument de perpétuation de la domination du parti au
pouvoir. Désormais élément de discorde, ces règles
vont entrer dans une crise sans précèdent. Le travail des
autorités étatiques dans cette situation est donc principalement
axé dans le sens de restituer à la norme électorale un
certain dynamisme teinté des valeurs démocratiques. En inscrivant
donc le consensus au rang des valeurs constitutionnelles, le droit
électoral camerounais qui tire son fondement de la constitution
sera-t-il alors en fin revalorisé (A). Toutefois, même s'il est
vrai que l'entrée des valeurs internationales dans le système
électoral national n'est pas forcément de mauvais aloi pour
l'avenir du droit constitutionnel en général et du droit
électoral en particulier114, l'on ne peut non plus faire fi
d'ignorer que cette introduction en plus de mettre la constitution au pas,
réduit considérablement le champ du « domaine
réservé » des États (B).
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