PARAGRAPHE 2: LA RÉVISION CONSÉQUENTE DE
LA CONSTITUTION DU
02 JUIN 1972
Au terme des débats de la conférence tripartite
devait déboucher une réforme du texte constitutionnel du 2 juin
1972. Étant donné que l'idée d'une conférence
nationale souveraine devait déverser sur une inconstitutionnalité
en ce sens qu'elle avait vocation à restructurer le « contrat
social », elle fut déclarée sans objet. Or, le texte
constitutionnel, loi fondamentale de l'Etat détermine non seulement
l'organisation politique mais prévoit aussi les modalités de sa
révision ou de sa modification le cas échéant. Raison pour
laquelle la conférence nationale substituée en tripartite
devenait alors une instance consultative chargée à titre
temporaire d'émettre des propositions pour être ensuite transmise
à l'organe délibérant pour examen et décision
finale.
C'est dans ce sillage qu'intervient la révision
constitutionnelle opérée en 1996 pour inscrit
84 Cité par SADRY (Benoit), Bilan et
perspectives de la démocratie représentative, Ph. Doctorat
en Droit, Limoges, 18 décembre 2007, p.321.
85 Expression reprise par QUANTIN (Patrick),
« La démocratie en Afrique à la recherche d'un
modèle », Seuil, Pouvoirs, R.F.E.C.P, 2009/2, n°129,
p.74.
86 DODZI KOKOROKO, « Les élections
disputées (...) », op. cit., p.115.
Le consensus en droit électoral camerounais
dans le marbre de la loi fondamentale les propositions de la
tripartite (A). Ce repositionnement du constituant camerounais n'a pas
été sans impact sur le constitutionnalisme rénové
(B).
A- LA FORMALISATION DES RÉSOLUTIONS TRIPARTITES
PAR LE CONSTITUANT DE 1996
Dans la littérature constitutionnelle, la notion de
pouvoir constituant se trouve au coeur de la théorie
générale du droit constitutionnel. Il convient alors d'apporter
un élément de définition utile à la
compréhension de la revendication avec succès du pouvoir
constituant. Selon PIERRE AVRIL et JEAN GIQUEL, le pouvoir constituant
désigne le « pouvoir mis en oeuvre pour l'élaboration et
la révision de la constitution »88. Faut-il encore
rappeler que ce pouvoir peut être originaire ou
dérivé89. Dans l'optique de donner une force juridique
aux propositions faites lors des débats de la tripartite, il fut mis sur
pied une commission chargée de rédiger un avant-projet de la
constitution. C'est ainsi que pour Monsieur le Professeur ALAIN DIDIER OLINGA,
« il n'est nullement excessif de dire que c'est à peu près
dans l'avant-projet OWONA que l'on retrouve le souffle du consensus
constitutionnel issu de la tripartite.90 Il reconnaît
toutefois que certaines propositions furent purement et simplement
évacuées dudit projet lors de sa transmission à
l'assemblée parlementaire en novembre 1995.91
Au terme des travaux de la « commission OWONA
»92 en 1994, le projet retouché sera transmis à
la chambre pour examen. Il sera définitivement adopté au cours de
la session ordinaire de l'assemblée nationale en décembre 1995,
qui suivra la promulgation par le président de la république le
18 janvier 1996. Il se dégage dans le nouveau texte constitutionnel
révisé des évolutions notables : l'introduction de la
décentralisation avec la création des régions,
l'instauration d'un pouvoir judiciaire, la création d'un conseil
constitutionnel, la création d'une
87 QUANTIN (Patrick), « La démocratie
en Afrique (...) », op.cit., p.74.
88 AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Lexique droit
constitutionnel, Paris, PUF, 8e édition, 2001, p.101. Lire
aussi Raymond Guillien et Jean Vincent, Lexique, op.cit.
89 Selon le Lexique des termes juridiques, le
pouvoir constituant originaire s'exerce d'une manière
inconditionnée pour doter d'une constitution l'Etat qui n'en a pas
(nouvel Etat) ou n'en a plus (après une révolution). Le pourvoir
constituant dérivé (ou institué) quant à lui
s'applique à la révision d'une constitution déjà en
vigueur, selon les règles proposées par celle-ci. Raymond
Guillien et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques et politiques, op.cit.,
p.325.
90 OLINGA (Alain Didier), La constitution de la
République du Cameroun, Yaoundé, éd. Terre Africaine
/Presse de l'UCAC, 2006, p.330.
91 OLINGA (Alain Didier), La constitution
(...), op.cit., p.56.
92 Terme repris par le professeur OLINGA (Alain
Didier), La constitution (...), op.cit., p.22.
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Le consensus en droit électoral camerounais
Chambre des comptes à la Cour Suprême, le passage
du mandat présidentiel de 5 à 7 ans, la fixation de la
majorité électorale à 20 ans, la création du
Sénat.
L'affirmation du pouvoir constituant dans la
détermination des règles constitutionnelles devant régir
la société politique n'est pas sans incidences.
B- LA RÉAFFIRMATION DE LA COMPÉTENCE DU
POUVOIR CONSTITUANT
Dans une société politiquement organisée,
l'ordre constitutionnel est l'oeuvre du constituant, qu'il soit originaire ou
dérivé. Autrement dit, la définition des règles
constitutionnelle telle que posées dans un Etat ressorti de la
compétence du pouvoir constituant. Ainsi, qu'elles aient vocation
à fixer l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, les
règles générales relatives aux institutions de la
République et plus spécifiquement encore des règles de la
compétition politique sont secrétés par un pouvoir
spécialement conçu à cet effet.
Or la Conférence tripartite de 1991, loin d'être
ce pouvoir spécial, avait justement pour ambition de se substituer
à lui en redéfinissant les règles de l'organisation
sociale sans que la défaillance ou l'indisponibilité de celui-ci
soit dument constaté. On comprend dès lors la reprise
légitime des points de la discussion de la tripartite par le constituant
de 1996. Celui-ci en réexaminant ces points débattus à
entendu leur donner un caractère plus solennel, réaffirmant au
passage sa compétence dans la définition des règles
relatives à la dévolution du pouvoir politique
c'est-à-dire à sa conquête, à son exercice, à
sa transmission et à ses rapports avec les citoyens. Cette
démarcation repositionne ainsi le pouvoir constituant dans le jeu
institutionnel de l'État. Partant de là, la tripartite
organisée en 1991 fut réduite à une instance consultative
à partir de laquelle devait émerger des propositions
nécessaires à l'élaboration de l'avant-projet de la
constitution pour ensuite servir de fond à la révision de 1996.
Mais le mérite de cette instance est d'avoir initiée
l'ébauche juridique d'un ordre constitutionnel consensuel.
Le consensus en droit électoral camerounais
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
L'affirmation progressive du consensus dans le cadre
légal des élections. Tel a été l'objet d'analyse de
ce premier chapitre.
Au terme de cette étude, il a été
déterminé que le consensus, tirant ses racines profondes des
dynamiques internationale et interne, s'est progressivement affirmé en
droit électoral comme une valeur normative. Le point saillant de cette
émergence est incontestablement l'implication internationale dans les
processus électoraux des Etats. Cette implication internationale se
justifie-t-elle par souci de restaurer le principe électif qui demeure
après tout, la « marque du système de démocratie
représentative appliqué dans la plupart des états
contemporains et prôné par la CADEG »93.
Ainsi en invitant les pays d'Afrique subsaharienne à s'engager
résolument sur la voie des réformes électorales, le
Cameroun tout comme les autres pays qui se trouvent dans la
précarité politique, à évidemment entrepris
d'élaborer des cadres législatif et politique nécessaires
à l'instauration et au renforcement de la
démocratie94. Aussi pour assurer à la loi
électorale une dose de légitimité, il n'a pas
hésité à souscrire à prendre des mesures pour
établir et maintenir un dialogue politique et sociale (...) en vue de
consolider et de préserver la paix, gage de la stabilité
sociale95. Tous ces engagements ont-ils permis d'augurer une assise
normative du consensus dans la matière électorale.
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93 Pour reprendre le Professeur MBALLA OWONA (Robert),
« Réflexions sur la dérive d'un sacro-saint principe
(...) », op.cit., p.91.
94 Article 11 de la CADEG.
95 Article 13 de la CADEG.
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CHAPITRE 2: LA CONFIRMATION SIGNIFICATIVE DU CONSENSUS
EN DROIT ÉLECTORAL CAMEROUNAIS
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Le consensus en droit électoral camerounais
Nous avons déterminés dans le premier chapitre
que l'idée de consensus s'est progressivement affirmée dans la
matière électorale grâce aux mouvements juridiques internes
et externes. Ce syncrétisme construit devra-t-il assurer l'inscription
du consensus au marbre des valeurs constitutionnelles défendues et
encadrées par l'État camerounais, preuve d'une confirmation
significative. Traitant de la confirmation significative du consensus en droit
électoral camerounais, l'on entend par là rechercher les marques
distinctives qui permettent d'attester de façon plus expressive
l'érection du consensus dans la matière électorale
(section1). Ce premier aspect a pour ambition de justifier la force dont le
consensus revêt désormais. Mais au- delà de cette approche,
il est évident que la détermination du consensus en droit
électoral marque la volonté des autorités étatiques
à soutenir le processus démocratique (section2).
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