B- L'avènement des règles consensuelles
Dans un rapport sur les processus électoraux, le
Réseau du savoir électoral indiquait que «
l'étude des processus électoraux, peu importe la
législation, tient toujours compte de considérations liées
au contexte historique, social, politique, économique et culturel
»82. Si la trajectoire historique rend compte des
comportements politiques en matière électoral, on peut donc
envisager que depuis la réactivation du processus de
démocratisation, le Cameroun n'a sans cesse fait face à la
contestation de la gouvernance électorale. Loin d'être un
phénomène sporadique, la contestation de la gouvernance
électorale au Cameroun est restée des plus vives. Et pour cause,
les acteurs politiques de premier plan ne se sentent pas suffisamment
impliqués dans les processus décisionnels. Tout simplement que,
lorsque les acteurs politiques ne se sentent pas suffisamment impliqués
dans la définition des règles du jeu politique, ils seront
naturellement tentés de rejeter l'ordre proposé par les
autorités. Tout se passe au cas d'espèce comme si l'ordre
électoral leur était imposé. Du coup ils manifestent un
certain ressentiment à l'endroit de cet ordre, lequel peut donc
être compris autrement et en toute logique comme la négation de
l'idéologie véhiculée par le parti au pouvoir. Pour s'en
convaincre, il faudrait garder à l'idée que le droit
électoral en vigueur dans un système représentatif est le
fruit d'une majorité qui s'impose à la société
entière, mais surtout à la minorité.
Or comme on le sait, la minorité politique est en
elle-même porteuse d'une idéologie, d'une offre politique propre,
laquelle a vocation à substituer celle majoritaire en temps opportun.
C'est donc dire au-delà de ces considérations
que les partis d'opposition sont de véritables alternatives politiques.
Cette position de contre-pouvoir politique trouve l'adhésion favorable
de BÉLIGH NABLI pour qui l'opposition, quelle que soit sa forme, est au
coeur de l'équilibre démocratique83. En
conséquence, on comprend que la soumission à la logique
gouvernante peut être une situation difficile à vivre pour
l'opposition lorsqu'on sait avec JEAN GICQUEL84 qu'elle a vocation
à devenir le pouvoir de demain. C'est dans cet optique qu'avait
été convoqué la tripartite avec pour ambition de
définir de façon concerté les règles de la
compétition politique, entre autre. Cette initiative aura alors le
mérite de rompre avec l'ordre ancien dominé par ce que
82 RESEAU DU SAVOIR ELECTORAL ACE, op. cit., p.14.
83 BELIGH (Nabli), « L'opposition
parlementaire : un contre-pouvoir politique saisi par le droit »,
Seuils, Pouvoirs, n°133, 2010, p.129.
Le consensus en droit électoral camerounais
PATRICK QUANTIN appelle l' « autoritarisme normatif
»85. Car l'on a encore en mémoire les paroles de
l'ancien président de la République Démocratique du Congo,
PASCAL LISSOUBA pour qui « on n'organise pas les élections pour
perdre ». Cette boutade reprise par le doyen DODZI KOKOROKO
86 illustre bien l'esprit qui a toujours aminé les
présidents africains nouvellement convertis en démocrates
dès la décennie 9087. Finalement exposé au
tribunal de la légitimité, la loi électorale n'a
cessé de faire l'objet de contestations. Les débats de la
tripartite permettront alors d'asseoir des règles au terme de longues
négociations. Il s'agit notamment de la majorité
électorale fixée à 20 ans ; du contrôle des
élections assuré par des commissions instaurées au niveau
national et préfectoral avec pour membres les représentants des
partis politiques ; etc.
Si le dialogue inter camerounais de 1991 a permis de projeter
le consensus comme une nécessité sociale devant fondée
l'Etat à tous les niveaux, c'est surtout la réforme
constitutionnelle qui va suivre qui en fixera définitivement le cap.
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