SECTION 2: LA DÉMARCATION DES DYNAMIQUES
JURIDIQUES INTERNES
Lorsqu'on aborde la contribution des dynamiques du «
dedans » qui ont rendu possible l'émergence du consensus, il
intéressant de se rendre compte avec PAUL ROUBIER dans sa Théorie
générale du droit, qu'il brûle dans la « conscience
» de chaque peuple un désir ardant de justice et
d'égalité.
Les évènements de 199178 sont
édifiants à plus d'un titre. Ils ont permis non seulement de
75 Cité par SABI (Kassere Afo), La
transparence des élections en droit public africain à partir des
cas béninois, sénégalais et togolais, Th. Doctorat en
Droit, Université Montesquieu-Bordeaux IV/ Université de
Lomé, 26 mars 2013, pp.32-33.
76 SABI (Kassere Afo), Thèse, op.cit., p.33.
77 Lire HELENE-LAURE MENTHONG, « Vote et
communautarisme au Cameroun : « un vote de coeur, de sang et de raison
», G.R.A.P.S, Yaoundé, pp.40-52.
78 Il s'agit des « villes mortes » du 18
avril 1991.
Le consensus en droit électoral camerounais
faire voir au grand jour l'étendue de la fracture
sociale au Cameroun79, mais ont aussi dans le même temps
montré toute la nécessité de recourir à un
consensus politique, tout au moins en matière électorale. C'est
dans ce sillage nous semble-t-il qu'avait été convoquée la
Tripartite de 1991(Paragraphe1), laquelle déboucha dans un esprit de
dialogue et de consensus sur une révision conséquente du texte
constitutionnel du 2 juin 1972 (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA CONTRIBUTION DE LA CONFÉRENCE
TRIPARTITE DE 1991
À la suite des mouvements de « l'Est »,
l'Afrique noire va connaître une nouvelle ère dans le processus de
démocratisation. Ainsi va-t-on assister à l'organisation des
Conférences nationales souveraines dans la plupart de ces États.
Ces dernières ayant eues la particularité de renouer le dialogue
social jadis rompu, devaient semer dans le même temps les germes du
consensus.
Au Cameroun, le déroulement des
évènements sera différent. Lors d'un Congrès
ordinaire du RDPC, parti au pouvoir, il avait été
décidé de la mise en oeuvre d'un programme de réformes
dont les principaux axes reposaient sur la réintroduction du
multipartisme et l'abolition conséquente de l'ordonnance de 1966.
Malgré cela, cette ouverture du jeu politique ne suffira pas à
satisfaire les acteurs politiques qui visiblement réclamaient eux aussi
la convocation d'une Conférence nationale. Déclarée «
sans objet »80 par le Président de la République,
il s'en suivra une crise sans précèdent. Sans toutefois
prétendre à une analyse approfondie, encore moins à une
analyse exhaustive sur la question, nous nous limiterons dans nos propos
à mettre en lumière les éléments qui ont permis de
poser l'idée de consensus dans le champ normatif des élections.
Il convient pour ce faire d'observer que la tenue de la Conférence
tripartite d'alors imposée par les évènements, fera entrer
le Cameroun dans « une étape de construction du dialogue social
» (A). En outre, par l'entremise de cette tripartite, de nouvelles
règles émergeront des débats aux fins de régir les
compétitions avenir (B).
79 INTERNATIONAL CRISIS GROUP, Cameroun : mieux
vaut prévenir que guérir, Briefing Afrique, n°101, 4
septembre 2014, p.1.
80 Le 27 juin 1991, devant l'Assemblée
Nationale, le Président de la République déclara que la
conférence nationale était sans objet pour le Cameroun (...) et
que seules les urnes parleraient. Cameroon Tribune, n°4916, 28 juin 1991.
Cité par PATRICE BIGOMBE LOGO et HELENE-LAURE MENTHONG, GRAPS, p.18.
Le consensus en droit électoral camerounais
A- La mise en relief de la nécessité d'un
dialogue national
À ce jour, le consensus se trouve au coeur de toutes
sociétés démocratiques pérennes. Ce
dénominateur commun qui est la marque des sociétés
contemporaines doit son avènement à l'existence d'un dialogue
entretenu et soutenu par les acteurs politiques. C'est donc dire autrement que
le consensus envisagé dans l'État n'est obtenu qu'au terme d'un
dialogue entre les acteurs sociaux. Le dialogue dans une société
en construction devient alors un pré requis incontournable pour
atteindre le niveau de consensus souhaité. L'attention retenue sur le
consensus politique est justifié par ÉTÉKOU BÉDI
YVES STANISLAS dans ses travaux de thèse lorsqu'il y voyait le moteur
devant permettre la transformation institutionnelle pour établir un
nouvel ordre démocratique ou tout au moins, comme une arme puissante de
conciliation et de rapprochement des points de vue81. Tout
dépendra cependant de la manière dont ce dialogue sera introduit
dans la société.
Au Cameroun, c'est sur fond de contestation politique que sera
convoquée une Conférence tripartite pour inaugurer le dialogue
social. Ouverte au Palais des Congrès du 30 octobre au 15 novembre 1991,
la rencontre tripartite présidée par le nouveau Premier Ministre
allait bientôt introduire, dans un esprit de dialogue et de concertation,
les nouveaux paradigmes de la société politique. Avec la
participation des partis politiques, de la société civile et des
représentants des pouvoirs publics, les débats de la tripartite
seront certes intenses mais lourds de signification sur les plans politique et
juridique.
Sur le plan politique, la tripartite fut perçue par
beaucoup comme une étape décisive dans « la construction du
dialogue social », condition sine qua none pour asseoir le consensus.
Sur le plan juridique, elle a permis de jeter les germes du
consensus politique dans l'architecture du droit. Ceci peut aisément se
comprendre sans les sociétés en pleine mutation et pour peu qu'on
se veut cohérent, le dialogue social est principalement fondé sur
la définition des règles communes. Ce qui permettra enfin de
réduire dans la mesure du possible les antagonismes persistants. En
toute vraisemblance, c'est cet esprit qui a aminé la tripartite de 1991
dans la mesure où elle a permis d'asseoir à l'arrachée
certains règles consensuelles en matière électorale.
81 ETEKOU (Bédi Yves Stanislas), Thèse,
op.cit., pp.50-52.
Le consensus en droit électoral camerounais
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