B- La Charte africaine de la démocratie, des
élections et de la gouvernance
La CADEG constitue un tournant décisif dans
l'affirmation juridique du consensus dans la matière électorale.
En effet, c'est par le regain de la violence électorale observée
en Afrique noire que le constituant régional s'est donné de fixer
le consensus comme la pierre angulaire devant fonder toutes les
sociétés enclin de construction démocratique. C'est ainsi
que fut adoptée en 2007 une Charte dont les termes posent clairement les
bases juridiques du consensus. Dans l'optique de dissiper les foyers de
tensions issues à la fois de la contestation des résultats des
élections et des règles du jeu politique, les États
membres de l'UA et dont le Cameroun fait incontestablement partie se sont
engagés par la présente à :
- Promouvoir la culture du compromis et du consensus73
- Maintenir un dialogue politique et social74
Par ces deux considérants, le législateur
régional de 2007 a-t-il propulsé le consensus au rang des valeurs
devant fonder les processus électoraux. À cet égard, on
pourrait naturellement s'interroger sur le bien-fondé d'une telle
approche, d'un tel engouement relevé autour des élections :
C'est que les élections sont au coeur d'enjeux qui
dépassent le simple cadre d'un « jeu ». En effet, si la
victoire à une élection permet de légitimer un ordre
politique donné dans la mesure où c'est elle qui fournit aux
gouvernants un titre pour agir et commander, c'est surtout le contrôle
des richesses qu'elle induit qui est la véritable motivation des partis
politiques en compétition. Du coup, les calculs politiques et
économiques qui se cachent derrière les élections
provoquent un engouement qui peut très vite
dégénérer en affrontements violents, la lutte opposant
ceux qui veulent se maintenir au pouvoir à ceux qui malgré tout
veulent y accéder. L'enthousiasme
73 Article 39 de la CADEG.
74 Article 13 de la CADEG.
Le consensus en droit électoral camerounais
observé autour des élections se trouve aussi
justifié par le Professeur MAURICE DUVERGER en ce qu'elles constituent
« la base du modèle démocratique » 75 . Sa
consécration selon KASSERE AFO SABI ne serait alors que la traduction
textuelle du principe qui voudrait que la souveraineté réside
dans le peuple et appartienne au seul peuple habilité, également
seul, à décider de ceux des citoyens qui vont le
diriger76. On comprend alors le pourquoi de toute l'attention
portée à l'égard des transitions démocratiques des
années 1990 qui, faut-il le rappeler, ont permis de redéfinir les
bases de l'État en Afrique noire francophone. C'est dans cet élan
de modernisation que le Cameroun, tout en renouant avec le multipartisme a
entendu replacer le vote au centre de sa politique77 dans le strict
souci de restaurer « l'acte électif ».
Au total, il se dégage clairement qu'au niveau
international, l'idée de consensus envisagée dans le nouveau
contrat social s'appréhende à tous les stades de la vie politique
et dont la définition des règles du jeu électoral
n'échappe. D'où cette allusion constante faite au consensus,
directement ou indirectement dans la matière électorale. S'il est
vrai que l'émergence de l'idée de consensus dans la
matière électorale a été portée au plus haut
par les dynamiques externes, il n'en demeure pas moins vrai que celle-ci s'est
aussi forgée au prix des luttes politiques qui ont
émaillées le processus électoral camerounais.
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