Les droits de la défense au cours de l'information judiciaire au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Esther NGO BAHA UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE - MASTER EN DROITS DE L'HOMME ET ACTION HUMANITAIRE 2013 |
PARAGRAPHE 2 : LES RÉFORMES INSTITUTIONNELLES NÉCESSAIRESDans notre travail, il nous a été donné de relever les failles de notre système judiciaire qui entravent la concrétisation complète des droits de la défense dans l'information judiciaire. Pour remédier à cet état de choses en matière institutionnelle, nous préconisons la déconcentration des pouvoirs du juge d'instruction (A) et le renforcement des protections des principes d'indépendance et d'impartialité du juge d'instruction (B).
A-LA DÉCONCENTRATION DES POUVOIRS DU JUGE D'INSTRUCTIONLe juge d'instruction jouit des pouvoirs élargis liés à sa fonction. Ce pouvoir peut conduire ce dernier à commettre des atrocités ou des violations à l'égard de la personne inculpée qui se trouve en position de faiblesse. Pour rééquilibrer les forces de ce pouvoir et assurer la protection des droits de la défense à cette phase judiciaire, nous souhaitons que le législateur camerounais procède à l'institution de la collégialité au cours de l'instruction préalable (1)et l'introduction d'un juge de libertés et de détention (2). 1-L'institution de la collégialité dans l'instruction préalableL'instauration d'un collège dans l'instruction préparatoire serait d'un atout essentiel pour l'inculpé. Ainsi, la prise des décisions serait désormais collégiale. Les décisions seraient soumises à discussion entre les juges en interne. Les responsabilités et les charges de travail seront partagées entre ces juges. Ceci permettrait également la maturation des décisions qui seront rendues à l'endroit de la personne poursuivie. Dans la pratique juridictionnelle, on peut observer que le juge d'instruction est un « homme seul ». Alors, cette personne est isolée dans son cabinet d'instruction et est amenée à prendre des mesures d'une grande portée sans avoir accès à d'autres avis sur l'avenir judiciaire du justiciable. A contrario, dans les juridictions de jugement, les décisions sont souvent prises par un collège de juges. La collégialité dont il pourrait s'agir dans l'information judiciaire consisterait à introduire au sein du cabinet les débats dans les actes d'instruction. On ne parlerait plus du « juge d'instruction », mais plutôt des « juges d'instruction ». Par exemple l'institution d'un collège serait d'une importance significative dans les préoccupations relatives aux libertés individuelles de l'inculpé, cas du placement en détention provisoire de la personne inculpée. Dans certaines affaires, il serait utile de travailler en groupe que seul, à l'occurrence dans les affaires concernant l'inculpation des hauts fonctionnaires de l'État au Cameroun en matière de détournement de deniers publics175(*). Ce sont des affaires qui peuvent être longues et difficiles à mener pour une seule personne. Les « juges d'instruction » seraient d'un avantage crucial. Nous, n'oublions pas de souligner les exigences d'un tel changement. Cela nécessite un nombre suffisant de magistrats dans notre pays et un cadre de travail bien large de ce que nous connaissons aujourd'hui, cas des cabinets d'instruction du TGI du Mfoundi (Yaoundé).Un tel aménagement n'est pas possible sans dépense financière de l'État. La fonction du juge d'instruction est une étape judiciaire importante. C'est un filtre contre les abus ou les limites de la police judiciaire. En l'espèce, les conditions dans lesquelles sont parfois menés les enquêtes ou les interrogatoires dans la phase préliminaire peuvent être violentes. Le suspect à cette phase pourrait être intimidé, soumis à la torture, aux menaces, la personne sous le coup du fouet peut être amenée à donner des informations convenables à l'autorité de police judiciaire. L'institution de la collégialité permettra de démêler davantage le vrai du faux afin de rendre une justice équitable. La phase d'information judiciaire doit être une phase rassurante pour les droits de la défense et non le contraire. Le CPP pourrait envisager d'intégrer ce choix afin d'assurer l'effectivité et le respect avéré des droits de la défense dans cette phase de pré-condamnation. Que dire de la nécessité d'un juge des libertés et de la détention au Cameroun ? * 175 Op. Cit. |
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