Les droits de la défense au cours de l'information judiciaire au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Esther NGO BAHA UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE - MASTER EN DROITS DE L'HOMME ET ACTION HUMANITAIRE 2013 |
A-LA SUPER PUISSANCE DU JUGE D'INSTRUCTION AU DÉTRIMENT DES LIBERTÉS DU JUSTICIABLEHonoré de BALZAC, affirmait du juge d'instruction qu'il constituait : « L'homme le plus puissant de France ». La loi reconnait des pouvoirs étendus à ce juge jusqu'à nos jours. Il possède des pouvoirs immenses et redoutables. Ainsi, le CPP consacre des pouvoirs assez larges à ce magistrat du siège. D'où, la toute-puissance du juge d'instruction (1) en passant par le cumul des fonctions d'enquête et des pouvoirs juridictionnels (2). 1-La toute-puissance du juge d'instruction« ... Procède à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. »157(*) Le juge d'instruction dispose des pouvoirs redoutables à craindre par le justiciable qui en est dépourvu. On assiste à une mise à mort de l'inculpé ou à un désarment du mise en cause si on peut se permettre les expressions. Alors, par les pouvoirs qui sont dévolus à ce juge, il peut à sa discrétion et à son libre arbitre délivrer les mandats158(*) ci-après : - Mandat de comparution ; - Mandat de détention provisoire ; - Mandat de perquisition ; - Mandat d'amener ; - Mandat d'extraction ; - Mandat d'arrêt. C'est le juge d'instruction qui décide du placement ou non en détention provisoire de l'inculpé. Les libertés individuelles des citoyens camerounais sont entre les seules mains de ce magistrat. Il détient à cet effet des mesures de coercitions qu'il peut à son gré décerner à tout stade de la procédure d'instruction. Le juge d'instruction a désormais les pleins pouvoirs de sa fonction et de sa juridiction dans notre pays. Si l'on rentre dans l'historique judiciaire camerounais, la fonction du juge d'instruction avait été supprimée par l'ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972 et ses attributions avaient été dévolues au Procureur de la République. Le Pr. François ANOUKAHA159(*) a qualifié le Procureur à ce moment-là, de « janus » de la magistrature camerounaise. Pour ainsi dire, le juge d'instruction a transmis son siège au magistrat instructeur pendant plus de trente ans. La loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire affirme que« Le juge d'instruction est un magistrat du siège »et par là même on assiste à une réintroduction du juge d'instruction avec la loi de 2005/007 du 27 juillet 2005 portant Code de Procédure Pénale au Cameroun. Ce code réattribue les fonctions d'instruction et l'organe juridictionnel au juge d'instruction160(*). Aussi, dans la conduite de l'information judiciaire, le juge est libre de poser tous les actes qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité voire contre le gré ou sans avis du justiciable.Le juge d'instruction a le pouvoir de limiter ou de supprimer la liberté d'aller et de venir de l'inculpé par les moyens de surveillance judiciaire ou de détention provisoire. On peut donc dire que le juge d'instruction a une large main de manoeuvre dans l'exercice de ses fonctions d'instruction. Que dire de la dualité de ce pouvoir du juge d'instruction ? * 157 Article 150 al. 1 du CPP. * 158 Article 10 et 12 du CPP. * 159 François ANOUKAHA, la réforme de l'organisation judiciaire au Cameroun, Juridis Périodique n°68, Octobre-Novembre 2006, pp. 45-56. * 160 Article 142 du Code de Procédure Pénale. |
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