Les droits de la défense au cours de l'information judiciaire au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Esther NGO BAHA UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE - MASTER EN DROITS DE L'HOMME ET ACTION HUMANITAIRE 2013 |
2-Autres interventions constituantes des affronts dans l'impartialité de du juge d'instructionCERVANTÈS dans DON QUICHOTTE affirmait : « dans le soucis de démêler la justice de l'injustice, d'essayer d'établir équitablement l'égalité de tous devant la loi, si le juge ne doit jamais plier sous le poids de l'or, il doit savoir tendre une oreille attentive du côté de la miséricorde... tout en restant inflexible pour l'un, compatissant pour l'autre, mais également et rigoureusement juste pour les deux. » Le principe d'impartialité du juge est consacré aussi bien par les textes internationaux que nationaux151(*).Alors, l'impartialité du juge est réalisée par la séparation des fonctions de justice répressives notamment les fonctions de poursuite, d'instruction et de jugement152(*). L'impartialité s'oppose à ce que les circonstances extérieures à l'affaire puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Aussi, l'impartialité objective implique la prise en compte de considérations de caractère fonctionnel et organique ; elle s'oppose au cumul de fonctions. À l'occurrence, les fonctions de juge d'instruction et de juge du fond ne peuvent pas être exercées successivement par un même magistrat dans une même affaire. La Cour européenne des droits de l'homme formulait ces propos à ce sujet « Justice must not only be done ; it must also be seen to be done »153(*).On peut ajouter que le pouvoir de l'argent porte aussi atteinte à l'impartialité du juge. Celui-ci, se basant sur son maigre salaire, demande de l'argent à tout prix aux parties pour prononcer un « jugement », sinon le délai est tiré en longueur, sans peur de verser dans un retard injustifié qui constitue un déni de justice formel. L'impartialité subjective (l'intime conviction) du juge d'instruction peut être également influencée. En effet, le juge d'instruction camerounais pourrait se laisser submerger par les ingérences politiques et le pouvoir de l'argent. Ceux qui n'ont pas de connaissances parmi les autorités politiques influentes ont presque toujours perdu leur« procès ». Le critère de parenté au sens large (famille, clan, tribu, ethnie) avec un haut placé peut constituer un atout majeur pour gagner une affaire, même si juridiquement on avait tort. Le Code d'Instruction Criminel (CIC) dès son entrée en vigueur au Cameroun a consacré le système de cumul de fonctions juridictionnelles154(*).En 1972, le Cameroun est arrivé à un cumul restreint de la poursuite et de l'instruction entre les mains du Procureur de la République155(*). De nos jours, on assiste à une séparation stricto sensu de ces fonctions dans le Code de Procédure Pénale de 2005. Dans la pratique judiciaire, on peut observer que cette séparation est relative. On peut souligner des manoeuvres dilatoires visant à rendre difficile ou impossible le travail du juge d'instruction. Par exemple on peut assister à un rejet ou à la disparition de certaines pièces indispensables dans le dossier au moment de la communication du réquisitoire introductif d'instance (RII) émis par le Procureur de la République. La loi prévoit que le juge d'instruction est saisi sur les faits c'est-à-dire le juge est saisi « in rem ». Donc, le juge d'instruction n'a pas qualité à instruire au-delàs des faits. Ceci constitue en soi une restriction du juge dans la conduite de l'instruction. On peut également constater que le juge d'instruction peut être « incompris » dans certaines affaires contentieuses156(*) par le Procureur de la République et les parties. Le Président de Tribunal peut substituer un juge d'instruction en cours d'instruction. Aussi, on peut souligner la récusation d'un juge d'instruction par la Chambre de Contrôle de l'instruction à la demande du Procureur de la République ou des parties. On n'oubliera pas de mentionner l'annulation de certains actes posés par le juge d'instruction. Le juge d'instruction est tenu d'instruire à charge et à décharge. En d'autres termes, d'un côté, de recueillir tous les éléments pouvant impliquer un justiciable dans la commission d'une infraction. D'un autre côté, de vérifier les alibis avancés par une personne mise en cause ou la réalité de ses explications ou encore de faire droit à ses demandes d'actes et de réaliser celles-ci avec les mêmes diligences que tous les autres actes du dossier. La procédure d'instruction doit être menée par le juge d'instruction à armes égales entre le justiciable et la victime. Le juge d'instruction doit pouvoir effectuer, sans a priori, de façon impartiale, ce travail à charge et à décharge. Pour terminer, l'obligation pour le juge d'instruction d'instruire à charge et à décharge contribue à établir une égalité des justiciables dans la défense de leurs droits. Que pouvons-nous dire des pouvoirs du juge d'instruction ? * 151 Le Code de Procédure Pénale consacre à l'article 151 al. 2 : «Les investigations du Juge d'Instruction doivent tendre à la recherche de tous les éléments favorables ou défavorables à l'inculpé ». * 152 Bernard BOULOC, l'acte d'instruction, LGDJ, 1965, n°598 et s. * 153 26 ACEDH Pescador Valero du 17 juin 2003, Rec. 2003-VII, §21. * 154 Le cumul des trois fonctions à savoir de poursuite, d'instruction et de jugement entre les seules mains du Président de Tribunal ; art. 20 et 42 du décret n°2300 du 27 novembre 1947 portant réorganisation de la justice de droit français en Afrique Equatoriale Française (AEF), modifié par la loi n°58/203 du 26 décembre 1958 portant simplification de la procédure pénale. * 155 Art. 23 ord. n°72/04 du 26 août 1972 portant organisation judiciaire. * 156 C'est le cas notamment dans les affaires relevant des détournements des deniers publics ces dernières années. Certains praticiens du droit notamment les avocats ont qualifié cette justice, d'une « justice à tête chercheuse ». |
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