Les droits de la défense au cours de l'information judiciaire au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Esther NGO BAHA UNIVERSITE CATHOLIQUE D'AFRIQUE CENTRALE - MASTER EN DROITS DE L'HOMME ET ACTION HUMANITAIRE 2013 |
2-L'atténuation des caractères « secret » et « écrit » de l'instructionLa conception traditionnelle du secret dans la procédure inquisitoire de l'instruction préconisait que la procédure se déroule en l'absence des parties notamment de l'inculpé et de la victime. Alors, dans le Code d'Instruction Criminelle (CIC), le juge d'instruction n'avait pas l'exigence de notifier les charges ni d'informer les parties au procès de ses investigations. A contrario, aujourd'hui dans la pratique judiciaire camerounaise l'information des parties est considérée comme obligatoire. L'article 167 du Code de Procédure Pénale exige que la personne suspectée dont le juge d'instruction entreprend l'inculpation soit informée sur chacun des faits dont il serait sujet devant le juge et sur la qualification pénale. Par ailleurs, le dossier d'instruction peut être consulté par l'avocat de la personne inculpée. En effet, il s'agit d'un recul du caractère secret de l'instruction, car préalablement conçu pour demeurer secret y compris pour les principales parties. Aussi, dans la pratique, pendant toute la période de l'information judiciaire, l'avocat de la défense peut obtenir communication du dossier de procédure à tout moment sous réserve des exigences du bon fonctionnement du cabinet d'instruction. Le caractère secret de l'instruction a continué à se relativiser avec l'entrée en vigueur du CPP en 2007. Ce Code met en avant la considération des droits de la défense dans l'information judiciaire. Cet aménagement de la loi est au profit des personnes privées dans l'accusation. Ceci se décline parla remise autorisée des copies d'actes ou de pièces de la procédure. On peut donc observer en France que les audiences devant la chambre de l'instruction peuvent être publiques. Il est également prévu des dérogations dans le CPP camerounais relatif au secret de l'instruction. L'article 154 aux alinéas 3 et 4 dispose : « (3) par dérogation aux dispositions de l'alinéa 1er, le Juge d'Instruction peut, s'il l'estime utile à la manifestation de la vérité, effectuer publiquement certaines de ses diligences ou faire donner par le Procureur de la République des communiqués sur certains faits portés à sa connaissance. (4) Les communiqués du Juge d'Instruction visés à l'alinéa 3 doivent être diffusés sans commentaires par les organes d'information écrite, parlée ou télévisée, sous peine des sanctions pour commentaires tendancieux prévues à l'article 169 du Code Pénal. » L'alinéa 2 de l'article précité admet que le secret de l'information judiciaire n'est pas opposable à la défense. Dans le même sens, la jurisprudence française a admis que n'était pas tenu au secret le mis en examen132(*) (l'inculpé dans notre pratique judiciaire) et l'avocat si la personne répréhensible le délie du secret professionnel attaché à sa profession133(*). S'agissant de l'oralité, elle concourt à crédibiliser et à renforcer les droits de la défense. Elle prend également la place significative dans le cadre de la procédure d'instruction. À l'occurrence, le suspect peut comparaître personnellement devant le cabinet d'instruction, il peut participer dans les débats lors des procédures d'interrogatoire et de confrontation134(*). En d'autres termes, l'inculpé répond aux questions qui lui sont posés par le juge d'instruction lors des auditions et peut en poser à son tour au cours de la procédure de confrontation aux personnes mise en cause ou aux témoins à charge afin de procéder à l'opposition des versions dans la procédure d'instruction. Le caractère écrit de la procédure de l'information judiciaire perd donc aussi du terrain. De notre passage en stage dans les cabinets d'instruction du TGI du Mfoundi (Yaoundé), on a pu constater que les questions posées par le juge d'instruction étaient expressément reprises par le greffier d'instruction et les réponses apposées par l'inculpé étaient reprises sous forme de note de synthèse par le juge d'instruction au greffier. Ceci nous permet d'affirmer qu'on ne pourrait en effet tout noter même si l'on le voulait. On peut donc distinguer le « langage parlé » et le « langage écrit »même en procédure d'instruction. Dans le report des réponses de l'inculpé, le juge peut se montrer succinct. C'est à se demander si cette pratique courante dans nos cabinets d'instruction ne serait préjudiciable aux droits de la défense. Pour terminer, on pourrait dire que chaque caractère de l'instruction issue du modèle inquisitoire traditionnellea été atténué au fil du temps dans la pratique. On pourrait envisager de nos jours une disparition de ce modèle. On peut donc souligner que le caractère inquisitoire de l'instruction, c'est davantage assoupli dans la pratique judiciaire camerounaise. Du fait du dynamisme contemporain que connait la société à savoir les considérations concernant les droits fondamentaux. On peut donc dire que le modèle inquisitoire traditionnelle se rapportant à la phase de l'instruction préparatoire est en pleine évolution dans notre pays. Quid de l'insuffisance consécration des délais par le législateur camerounais ? * 132 CA Paris 11 juin 1986. * 133 Cass. Crim. 18 oct. 1977. * 134 Op. Cit. |
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