SECTION 2: LES LIMITES DU DEPLOIEMENT DES MISSIONS DE
MONITORING DES ELECTIONS
S'il est tout à fait admis que le déploiement
des missions de monitoring des élections présidentielles a eu de
mérites certains, il ne fait pas non plus de doute que ces
mérites portent inévitablement quelques limites. Les limites du
déploiement des
sauf cas de flagrant délit. Pareil pour que les membres
du Conseil Electoral, nommés pour quatre ans renouvelables, le Directeur
Général et le Directeur Général Adjoint, dont les
mandats sont de cinq ans éventuellement renouvelables, que
bénéficient des garantis d'inamovibilité. Pour asseoir son
fonctionnement, ELECAM est doté de deux organes : Le conseil Electoral
(CE) et la Direction Générale des Elections (DGE).
335 La loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006 portant
création, organisation et fonctionnement d' ELECAM dispose que «
Après l'adoption du budget de l'Etat par le Parlement, le Ministre
chargé des finances effectue des déblocages de fonds au profit
d'Elections Cameroon, au titre des dépenses prioritaires de l'Etat,
conformément aux dotations inscrites dans la loi de finances
».
336 Cf. section 8,2 de la loi portant création
d'ELECAM.
337 Voir en annexe composition de la DGE.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
missions de monitoring des élections
présidentielles pourraient ainsi être de deux ordres majeurs,
à savoir les limites de fond (Paragraphe 1) et les limites de forme
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1: Les limites de fond des missions de
monitoring des élections
Au-delà des objectifs officiellement communiqués
pour justifier l'envoi ou le déploiement d'une mission nationale ou
internationale de monitoring des élections présidentielles, il
demeure. Une difficulté qui procède essentiellement de cette
association entre l'exigence pratique et celle de la réalité qui,
de fait, ne se situe pas dans le même ordre. Cette démarche abouti
fatalement à des hésitations qui finissent malheureusement
parfois par biaiser les objectifs initiaux visés par ces missions de
monitoring des élections présidentielles et en même temps,
créent de nouvelles difficultés338. Les limites de
fond du déploiement des missions de monitoring des élections
présidentielles tiennent donc d'abord à un inconfort conceptuel
(A) autant qu'à un inconfort épistémologique (B).
A. L'inconfort conceptuel des missions de monitoring
des élections
L'inconfort conceptuel des missions de monitoring des
élections présidentielles est tributaire des a priori de
base fondés sur une interprétation stricte de la Charte des
Nations Unies, de la DUDH, du PIDCP et des différentes chartes
continentales dans leurs dispositions relatives au principe de
non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, et la
réalité de l'impératif du maintien des liens de
coopération avec les anciennes colonies et au refus d'un alignement
systématique à une ligne définie parfois par les
puissances occidentales par le biais des organisations internationales ayant
une influence sur les Etats du Sud en général et sur le Cameroun
en particulier dont les régimes politiques sont en quête de
repères idéologique claires depuis la chute du mur de
Berlin339.
Cet inconfort est donc fondamentalement conceptuel en ce qu'il
ne parvient pas à donner un contenu satisfaisant au mécanisme de
monitoring des élections présidentielles qui risque de mettre
entre parenthèses d'autres enjeux pourtant non négligeables.
Cette situation a conduit, à termes, à des
remises en cause, et du rôle même, des missions de monitoring des
élections au Cameroun depuis la toute première élection
présidentielles anticipée du 11 octobre 1992 au cours de laquelle
nous avons pu observer plutôt une bataille entre les puissances
occidentales cherchant soit à s'affirmer, soit à se trouver une
place dans l'environnement économique, politique, stratégique
parfois géostratégique et culturelle ; au lieu de se
préoccuper réellement des avancées démocratiques au
Cameroun340.
La problématique de la juridicité des missions
de monitoring des élections présidentielles naît de la
volonté de leur trouver à tout prix une justification juridique
alors qu'en réalité le monitoring des élections
présidentielles n'est pas, à proprement parler, une notion
juridique341 mais d'abord et fondamentalement un mécanisme
338 Ndoumou, (F.D), Op. cit., p. 265.
339 Monney Mouandjo, (S), Op. cit., p.345.
340 Ebolo, (M.D), Op. cit., p.175.
341 Cf. rapport de la 3ème réunion
préparatoire du symposium de Bamako où le rapporteur
précise que les missions internationales d'observation des
élections ne procèdent d'aucun texte juridique objectif.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
politique autant par nature que par destination et qu'il
n'appartient qu'au droit d'encadrer. Car en effet, les différents textes
traitant des propositions de code de conduite devant guider l'envoi ou le
déploiement des missions de monitoring des élections
présidentielles dont la valeur juridique n'est jusqu'alors pas
établie, ne suffisent pas à faire de ce mécanisme une
technique juridique. Or, rechercher absolument l'essence du monitoring des
élections présidentielles nous semble inopportun, dans la mesure
où cela ne résout absolument pas le problème de la
définition juridique de ce monitoring mais ne fait, de notre point de
vue, qu'influencer la philosophie générale du droit aux
élections libres tel que prescrit dans les différents instruments
juridiques internationaux y relatifs. Mais le problème n'est pas
résolu pour autant dans la mesure où les acteurs de cette
activité recherchent une orientation claire sur la juridicité de
ce mécanisme à laquelle se heurte aussi la problématique
de l'opportunité de ces missions.
Dans sa volonté d'appliquer à toute force la
règle de droit et devant l'inconfort avéré au sujet de la
juridicité des missions de monitoring des élections
présidentielles, se pose naturellement la question de
l'opportunité de ces missions. Cette situation s'est essentiellement
fait remarquer au début, dans la deuxième partie de la
décennie 1990, à travers les premiers rapports de fin de
mission342. On voyait systématiquement revenir cette formule
désormais rituelle dans certaines organisations, à savoir
notamment que « malgré les quelques insuffisances
constatées, l'élection s'est déroulée dans le calme
et la sérénité sur toute l'étendue du territoire
»343. Cette série d'interrogations sans
réponses satisfaisantes a donc donné lieu à son tour
à une sorte d'incapacité objective à donner une
orientation claire à ce mécanisme et du coup à rendre
encore plus difficile une réelle évaluation de la pratique au
sein de l'organisation.
De la même manière, le défaut de vision
claire de ce mécanisme a donné lieu quelques fois à des
sarcasmes dans certains pays d'Afrique où les missions de monitoring des
élections n'ont été le plus souvent en
réalité que des moyens de conforter les intérêts de
certaines puissances occidentales comme la France ou encore les Etats-Unis, au
mépris du respect de la volonté réellement exprimée
par les peuples344. Il y a là une sérieuse accusation
qui témoigne autant de la difficulté des acteurs du monitoring
des élections de se situer par rapport à une approche
consensuelle et rigoureuse du mécanisme de monitoring des
élections et des finalités réellement attachées
à celui-ci dans la confrontation aux réalités de l'action
politique, elle aussi, quelquefois soumises à des pressions et
contraintes juridiques.
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