B. L'inconfort épistémologique des
missions de monitoring des élections
Il y a en effet un réel inconfort à
l'idée de répondre à la question de savoir quelle est la
destination des missions de monitoring des élections. En effet en
342 Lire à ce sujet la réponse du gouvernement
à la suite de la présentation du rapport provisoire de la mission
d'observateurs internationaux du NDI, Election présidentielle du 11
octobre 1992 au Cameroun, pp. 259-302. Cette réponse du gouvernement
explique et démontre que les agissements de cette organisation ne sont
rien d'autre que la manifestation des Etats-Unis, une autre manière pour
cette puissance occidentale de s'ingérer dans les affaires
intérieures du Cameroun.
343 Lire à ce sujet l'OIF, Le rapport de la mission
d'observation de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004 au
Cameroun, pp. 15-27.
344 Exemple du Cameroun en 1992, de la Cote d'Ivoire en 2010,
de la République Démocratique du Congo 2010, lire Jeune
Afrique Economique, « Spécial en Côte d'Ivoire, Laurent
Gbagbo », n° 319, du 6 au 19 novembre 2000, p 9, Jeune Afrique
Economique, « L'impasse ivoirienne », n° 383, avril-mai
2011, pp. 245-305, Jeune Afrique Economique Hors-Série n°
20 : Spécial élection présidentielle 2011, pp. 105-195.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
choisissant d'opter pour une sorte de déploiement
pratique, les finalités des missions de monitoring deviennent aussi
variables que pourrait l'être la composition même des missions. Il
n'y a désormais plus qu'un objectif assigné à celles-ci.
Tout dépend du climat politique, de la relation avec les responsables
administratifs pour les OIG, des responsables d'OSC nationales et des
intérêts en jeu345 dans l'un ou l'autre contexte.
Ainsi, ces missions ont-elles parfois pu prendre des formes plus rigides dans
certains cas, comme elles sont parfois apparues plus formelles dans
d'autres346. Il n'y a qu'à voir tout le travail de
préparation des rapports de fin de missions qui se fait et les filtres
à travers lesquels ces rapports passent ainsi que les formes qu'ils
peuvent prendre d'un pays à un autre347.
C'est donc dire au fond que l'inconfort
épistémologique des missions de monitoring des élections,
et quant aux finalités celles-ci, tient en réalité
à l'inadéquation objective entre les finalités
officiellement présentées par les différents acteurs et
les finalités spécifiques visées348. Ces
missions seraient donc par moments plus un mécanisme de consolidation
d'acquis et de rapports particuliers qu'un moyen unique de promotion de la
démocratie, même si sur cet aspect spécifique, Albert
Bourgi et Jean Pierre Colin s'en défendent en estimant notamment
«Qu'il convient pour autant de ne pas se méprendre sur les
missions d'observation de l'OIF ; (estimant par ailleurs) qu'elles n'ont rien
d'une mission officieuse envoyée auprès des autorités
locales pour arrondir les angles»349. Même si on ne
saurait mettre en doute la véracité et surtout la bonne foi
d'Albert Bourgi et Jean Pierre Colin, il reste toutefois que l'absence de
véritable communication autour des rapports de fin de mission ainsi que
les communiqués quelquefois sommaires de fin de missions peuvent
conduire à nourrir de la suspicion. On en vient à croire
même à tort à la priorité des connivences et de la
consolidation des acquis sur le besoin d'établir la vérité
des urnes.
345 La reconnaissance au niveau international, la
capitalisation des ressources financières, pour les missions des OIG et
les puissances occidentales, la recherche du rayonnement et de
l'hégémonie en matière de promotion de la
démocratie et des droits de l'homme. Lire Ndoumou, (F.D), Op.
cit., Monney Mouandjo, Op. cit.
346 Cas de l'élection présidentielle du 11
octobre 1992 au Cameroun, ou encore le cas de la Cote d'Ivoire à
l'occasion de l'élection présidentielle de 2010 ; dans l'un des
deux cas, l'ONG NDI, a montré toute sa détermination à
faire invalider le résultat de l'élection présidentielle
de 1992, alors que dans l'autre cas la communauté internationale a
refusé de recompter les voix entre le candidat Laurent Gbagbo et
Alassane Dramane Ouattara, alors qu'il y a eu précédent aux
Etats-Unis en 2000 entre Al Gore et Georges Bush fils.
347 Cf. Communiqué de presse de la Francophonie,
à l'issue de l'élection présidentielle du 11 octobre 2004
au Cameroun. Il n'y a qu'à voir aussi le contenu des projets de
communiqués provisoires et/ou de rapports provisoires et
définitifs. On pourrait même encore voir l'exemple de la
présidentielle sénégalaise dont le projet de rapport aura
été critiqué parce qu'il laissait planer des doutes,
a-t-on semblé dire, sur la fiabilité et la transparence du
scrutin. Seulement même si un consensus a difficilement pu être
retenu entre l'opinion des observateurs et celle de l'organisation francophone
à ce sujet, le taux de participation aux législatifs
subséquents est venu comme pour rendre témoignage du
véritable sentiment des électeurs face aux adeptes du « tout
est parfait ». Cette baisse significative du taux de participation entre
la présidentielle et les législatives pourrait en effet bien
démontrer une forme de désenchantement des populations
sénégalaises et la volonté de celles-ci de le signifier
à l'opinion et au président élu.
348 Bien que le gouvernement ait invité le NDI à
venir au Cameroun au moment de la préparation de la première
élection présidentielle multipartite, cette organisation, au
regard de la réponse du gouvernement à son rapport, était
le bras armé des Etats-Unis, en vue de déstabiliser le Cameroun
pour des intérêts purement autre que électoraux. Lire la
réponse du Cameroun, les droits de l'homme au Cameroun, Livre Blanc
publié par le gouvernement de la République du Cameroun (version
française), pp. 278-305.
349 Cf. Bourgi (A) et Colin, (J. P), Op. Cit., p.175.
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présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
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