B. Elections Cameroon (ELECAM)
Le gouvernement du Cameroun, accédant aux multiples
requêtes et revendications a, par la loi n° 2006/011 du 29
décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d'
« Elections Cameroon », institué un nouvel organe
indépendant chargé de l'organisation, de la gestion et de la
supervision de l'ensemble du processus électoral, y compris le processus
de désignation du président de la république. Sa mise en
place effective par la nomination des responsables de ladite structure,
conformément à ladite loi ne pouvait excéder dix-huit
mois, c'est-à-dire, au plus tard le 30 juin 2008. Mais un jour avant le
29 juin 2008 la date réglementaire de nomination desdits responsables
qui a fait suite à une large concertation réalisée par le
Premier Ministre, les partis politiques et la société civile, le
Président de la République a signé une loi prorogeant de
18 à 24 mois le délai de mise en place effective d'ELECAM. Ce
report a été de nature à renforcer, dans une certaine
mesure, les réserves émises par l'opposition et la
communauté internationale sur la volonté politique du
gouvernement de mettre en place une structure indépendante pour la
gestion des affaires électorales. La mission d'ELECAM est définie
de manière succincte par la loi comme visant à « assurer
la régularité, l'impartialité, l'objectivité, la
transparence et la sincérité des scrutins
»333. En son article 4 alinéa 1, la loi n°
2006/011 du 29 décembre 2006 confère à ELECAM la
responsabilité : « de préparer, d'organiser, de gérer
et de superviser en toute indépendance et transparence, le processus
électoral et référendaire au Cameroun ». A ce titre,
elle se voit également confier l'organisation des opérations de
révision ou de refonte du fichier électoral. La loi
prévoit en outre que ELECAM « contribue à
l'élaboration du cadre juridique nécessaire à la tenue des
consultations électorales en faisant des propositions ».
Jusqu'en 2004, lors du dernier scrutin présidentiel
avant celui de 2011, la supervision et le contrôle des élections
étaient confiés à l'ONEL, tandis que l'organisation
matérielle des scrutins relevait du MINATD. Cette situation, fortement
critiquée par l'opposition, a conduit le législateur camerounais,
dans un souci d'apaisement et de consensus, à mettre en place, à
travers la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006, un organe
indépendant, Elections Cameroon (ELECAM). ELECAM dispose d'un Conseil
Electoral (CE) de dix-huit membres et d'une Direction Générale
des Elections (DGE). Dotés de moyens humains et financiers
conséquents, avec une administration centrale et des
démembrements territoriaux, qui vont jusque dans les communes, ELECAM a
vocation à jouir d'une indépendance incontestable334.
Au plan
333 Les fonctions précises d'ELECAM sont
définies par la loi n° 2006/011 du 29 décembre 2006,
modifiée et complétée par la loi n°2008/005 du 29
juin 2008, modifiée par la loi n° 2011/001 du 06 mai 2011, Onana,
(J), « Elecam, le pari de l'impartialité et de la transparence
», in l'Année du Président, les voies de
l'émergence, impressions Galma, Yaoundé, 2010.
334 Toujours pour garantir l'indépendance d'ELECAM, la
loi prévoit des immunités judiciaires pour ses membres qui sont
par ailleurs inamovibles pendant la durée de leur mandat. Ainsi, les
membres d'ELECAM ne peuvent être poursuivis, recherchés,
arrêtes, détenus ou jugés en raison des opinions
émises dans le cadre de leurs fonctions. Tout autant, ils ne peuvent pas
faire l'objet de poursuites pendant l'exercice de leurs fonctions,
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
financier, la loi considère le financement d'ELECAM
comme une dépense prioritaire pour le gouvernement. ELECAM dispose ainsi
d'un budget annuel et, pendant les années électorales, d'un
budget des élections dont le Directeur Général des
élections est l'ordonnateur. La mise à disposition de ce budget
est rendue obligatoire335.
Le Conseil électoral a des similitudes avec l'ONEL dans
ses missions et dans son fonctionnement, mais avec des compétences plus
élargies. Le Conseil électoral, même s'il veille à
la nomination du personnel des démembrements de la DGE, n'a pas de
démembrements sur le terrain. Ce qui limite son action et sa marge de
manoeuvre dans la supervision des opérations électorales. Il
compte dix-huit membres, dont un Président du Conseil et un
vice-président. Avant le scrutin du 09 octobre 2011,
l'indépendance et l'impartialité d'ELECAM ont été
mises en doute par une grande partie de la classe politique camerounaise, la
société civile, les médias, ainsi que les observateurs
nationaux et internationaux, du fait que la quasi-totalité des membres
du Conseil électoral, neuf sur les douze, étaient des membres ou
des sympathisants du parti au pouvoir336. La nomination, en juillet
2011, de six nouveaux membres issus de la société civile et du
clergé, a très peu contribué à redorer le blason de
cette institution, à nouveau ternie par l'affaire Pauline Biyong, l'un
des nouveaux membres, limogés pour conflit d'intérêt.
La Direction Générale des Elections
(DGE)337 est la branche technique et opérationnelle d'ELECAM.
Elle joue le rôle antérieur du MINATD, avec des
démembrements sur l'ensemble du territoire, jusqu'aux bureaux de
vote.
ELECAM a finalement tenu son pari d'organiser un scrutin
présidentiel délicat, en parvenant à limiter les risques
de dérapage politico-sécuritaire. En effet, en dehors de deux
incidents meurtriers de Limbé et de Bafoussam, le scrutin a pu se tenir
dans le calme, permettant à la structure d'en assurer essentiellement le
déroulement pacifique.
Si ELECAM a finalement pu organiser le processus
électoral en minorant les risques de déstabilisation, cela ne
s'est pas passé sans problèmes. En effet, de nombreux
dysfonctionnements ont émaillé la tenue de cette élection.
Très clairement ELECAM a fait montre d'importantes défaillances
logistiques et matérielles dans l'organisation de ce scrutin du 09
octobre 2011, occasionnant de nombreuses situations de désordre qui ont
incontestablement affecté la qualité des opérations
électorales et remis en question le caractère équitable et
loyal de ce processus électoral.
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