B. Accords et désaccords sur la transparence
électorale dans le contexte de monitoring des élections
présidentielles comme maintien du dialogue politique
L'espace sociopolitique camerounais est marqué par une
hétérogénéité des acteurs : les tenants du
pouvoir, les partis d'opposition et les mouvements de la société
civile. La rencontre tripartite pouvoirs publics À partis politiques
À société civile d'octobre-novembre 1991 inaugure le
dialogue politique entre le gouvernement et les partis d'opposition. C'est
l'amorce d'une dynamique des transactions collusives253, pour parler
comme Michel Dobry, marquant l'autonomisation de la classe politique par
rapport aux citoyens. En effet, l'ordre du jour officiel de la
conférence tripartite est constitué par la négociation de
l'avant-projet de la loi portant organisation des élections à la
fois législatives et de l'avant-projet de décret portant
accès des partis politiques aux médias publics pendant la
campagne électorale254. Ce dialogue politique, c'est le
référentiel d'une marque de multipartisme et de prise en compte
de tous les acteurs politiques dans l'élaboration et la
régulation du jeu politique, ainsi que leur implication. Certes l'ordre
dirigeant conserve une marge de manoeuvre dans la phase de vote parlementaire
et de promulgation du code électoral. C'est sans pour cela que monsieur
Adamou Ndam Njoya président de l'Union démocratique du Cameroun
(UDC) et monsieur Ni John Fru Ndi président du SDF ont accusé les
gouvernants d'avoir détourné le consensus, d'avoir la mainmise
sur la procédure électorale ; mais il est indéniable qu'il
y initialement a eu un marchandage institutionnel au sujet de l'abaissement de
l'âge électoral de 21 à 20 ans, du scrutin majoritaire avec
une pondération proportionnelle, les commissions mixtes de supervision
et de dépouillement des résultats. L'argument du dialogue
politique est d'autant plus pertinent qu'initialement le code électoral
devrait être adopté par le parlement monopartisan en juillet, sans
concertation ; de même, l'élection
251 Diouf, (M), « Libération politiques ou
transitions démocratiques : perspectives africaines »,
CODESRIA, 1998, p. 32.
252 Sindjoun, (L), « Elections et politique au Cameroun :
Concurrence déloyale, coalitions de stabilité
hégémonique et politique d'affection », African Journal
of Political Science, vol. 2, n°1, 1997, pp. 81-121. Ainsi, à
la suite de l'élection du 11 octobre 1992, des émeutes ont
éclaté dans la province du nord-ouest après la
proclamation des résultats, ce qui portera un coup dur à la
démocratie naissante du Cameroun.
253 Dobry, (M), Sociologie des crises politiques,
Paris, Presses de la Fondation Nationale de Science Politique, 1992,
cité par Sindjoun, (L), « Elections et politique au
Cameroun : Concurrence déloyale, coalitions de stabilité
hégémonique et politique d'affection », in African
Journal of Political Science, vol. 2, n°1, 1997, pp. 81-121.
254 Sindjoun, (L), «Art. cit.», pp. 90-94.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
présidentielle était anticipée en octobre
1992. Au terme de la Conférence Tripartite, le comité technique
de rédaction de l'avant-projet de loi portant code électoral
comprend les représentants des partis politiques255, des
pouvoirs publics256 et les personnalités
indépendantes257. La composition du comité technique
de rédaction de l'avant-projet de décret portant accès des
partis politiques aux médias audiovisuels publics est
variée258.
Le dialogue politique influence le référentiel
de la compétition électorale. Après les élections
législatives du 1er mars 1992, le parlement deviendra pluraliste. En
d'autres termes, c'est de manière pluraliste que se construit le
référentiel multipartisan ou concurrentiel de politique
électorale et d'ouverture au dialogue politique.
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