B. La préparation et la présentation du
rapport final
En général, la préparation et la
présentation du rapport final sont deux mouvements du monitoring des
élections confiées à une ou plusieurs personnes faisant
partie de la mission mandatée sur le terrain, et convient de les
analyser respectivement.
Dans le cadre des missions des OIG comme l'OIF, l'UA ou encore
le Commonwealth comme dans le cadre des missions nationales, la
préparation du rapport final se fait autant en amont qu'en aval de
l'organisation ou de l'institution. Ainsi la ou les personnes chargées
à cet effet est ou sont-elles tenues de se référer au
principe directeur n°5 en vertu duquel.
« Dans les 15 jours suivant son retour ou la fin du
scrutin, la
mission fait le rapport au président du CPF par
l'intermédiaire du Secrétaire Général de la
Francophonie dans le cas de l'OIF, et dans les autres cas au responsable
administratif de l'organisation. Ce rapport doit contenir notamment :
- Les objectifs de la mission ;
- La liste des observateurs ;
- Les termes de références ;
- Le contexte global et l'importance des élections
;
- L'itinéraire des observateurs dans le pays demandeur
;
- Les méthodes d'observation utilisées
;
- Les résultats des élections ;
- Les modalités de la coopération avec les
autres missions internationales sur place ;
- Les conclusions de la mission et ses
recommandations»185 .
185 Document portant principes devant guider l'envoi d'une
mission d'observation d'élection. Désireuse de donner corps
à la solidarité francophone et d'accompagner le processus
électoral, par la valorisation et l'échange des
expériences de ses pays membres, et à la lumière des
constats rappelés ci-dessus, la mission de la Francophonie a émis
un certain nombre de recommandations en vue d'améliorer, avec le
concours des partenaires internationaux, la préparation et la tenue des
prochaines consultations électorales. Dans ce sens, elle a
souligné l'importance de :
- renforcer les pouvoirs de contrôle et de supervision
de l'ONEL, afin d'en assurer l'indépendance sans en faire un organe
concurrent du Conseil constitutionnel ;
- revoir le statut et les compétences du Conseil
National de la Communication (CNC), pour en faire un organe indépendant
de régulation des médias ;
- poursuivre le dialogue politique et mieux structurer
l'opposition, en préparant une loi, si possible consensuelle
(majorité / opposition) portant statut de l'opposition ;
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
L'enjeu de cette présentation est de «proposer
les réformes appropriées, de contribuer au renforcement des
capacités locales et de fonder, le cas échéant, les
stratégies d'assistance institutionnelle et électorale ainsi que
les programmes de coopération en matière de développement
»186.
Une fois ce canevas de base établis et respecté,
les rédacteurs du rapport le soumettent pour appréciation au
responsable administratif de l'organisation au Secrétariat
général dans le cadre de l'OIF, du Commonwealth et au
président de la Commission de l'UA. Il faut dire ici que, le plus
souvent, celui-ci émet quelques réserves sur certains d'entre eux
pour des raisons diverses187. Il faut par exemple relever que la
publication des rapports de fin de mission de monitoring des élections
reste une question assez complexe au sein de l'organisation francophone parce
qu'ici celle-ci requiert pour ce faire « une haute tenue »
et une incontestable « fiabilité »188.
Mais la question reste tout de même celle de définir les
critères de haute tenue et de fiabilité pourtant pas aussi
évidents à déterminer ici. Car en effet, si jusqu'alors il
n'a pas encore été procédé à la publication
des rapports des missions monitoring des élections de 2003 au Togo et
celle de 2004 au Cameroun, cela pourrait sans doute signifier que la
qualité de la tenue de ces derniers présentent quelques
défauts de « fiabilité et de tenue ». Ceci
expliquant cela on comprendrait presque les raisons de cette observation faite
au rapport provisoire présenté par Son excellence Monsieur
Norbert Ratsirahonana à l'issue de la mission monitoring de
l'élection présidentielle camerounaise du 11 octobre 2004.
En vertu des dispositions du principe n°5 (2) des
principes de Marrakech de 1996,
a) « Dès réception du rapport de la
mission d'observation, le Président du CPF le fait diffuser notamment
à l'Etat demandeur aux membres du CPF et au Président de l'AIPLF.
Il le rend public.
- rationaliser le financement des partis politiques et
règlementer le contrôle de leurs dépenses, de façon
à assainir la vie politique, en particulier en période
électorale, notamment en vue de décourager les candidatures de
complaisance ou les désistements tardifs ;
- explorer la piste du bulletin de vote unique ;
- afficher au moins trente jours à l'avance les listes
des bureaux de vote, avec indication de leur emplacement, et les communiquer
aux partis politiques et aux candidats ;
- s'engager résolument dans la voie de la refonte de
l'état civil (registre) et de l'informatisation d'un fichier
électoral permanent, à travers la mise en oeuvre d'un projet du
type « Liste Électorale Permanente Informatisée »
(LEPI). Il conviendrait de se baser sur un recensement électoral
approfondi (REA), le dernier recensement datant de 1987 et de s'appuyer sur des
données géographiques issues de la cartographie censitaire
convertie en cartographie électorale, à l'aide d'un
Système Informatique Géographique (SIG) approprié. Le
fichier géographique électoral devrait en effet faciliter les
discussions sur le découpage électoral ou sur ses modifications.
Il contribuerait également à rendre plus efficace l'organisation
des scrutins, surtout pour la distribution du matériel et la
répartition du personnel. Il permettrait en outre une visualisation
rapide des résultats. Ces différents efforts, s'ils sont
effectivement conduits, ne manqueront pas d'améliorer le processus
électoral au Cameroun, dans le sens de sa démocratisation. Mais
chacun sait que les recommandations ne suffisent pas. Encore faut-il en assurer
le suivi et la mise en oeuvre concrète.
186 Symposium de Bamako, 3ème Réunion
préparatoire, 2003, p. 11.
187 Il convient de noter que selon des sources
présentes sur le terrain des élections, le projet de rapport
consécutif à l'élection présidentielle camerounaise
du 11 octobre 2004 a fait l'objet de quelques observations de la part du
Secrétariat Général de l'organisation francophone au motif
que celui-ci laissait planer quelques doutes sur la fiabilité des
résultats obtenus à l'issue du scrutin. Il en est de même
pour le rapport du chef de mission du Commonwealth à l'occasion de la
présidentielle du 09 octobre 2011.
188 Cf. Note sur l'observation internationale des
élections à l'attention de la commission politique du conseil
permanent de La Francophonie, 1er mars 1994, p. 18.
47
48
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
b) La commission politique examine ce rapport et, si
possible, entend le responsable ou le rapporteur de la mission à son
retour pour donner un avis au CPF, y compris sur les actions de
coopération qui pourraient faire suite au scrutin.
c) Le CPF prend acte du rapport et se prononce sur la
suite à lui donner »189.
Derrière les principes posés par le texte de
1996, se greffe une réalité pas nécessairement identique.
En effet, les usages de la francophonie ne sont pas en tout point les
mêmes. La diffusion du rapport n'est aussi systématique que semble
le dire le texte. Celui-ci passe d'abord par le filtre de la commission
politique qui, elle, statue sur la pertinence du texte rendu par le rapporteur
peut, dans ce cas, le transmettre à l'AIF pour une éventuelle
publication. Le caractère automatique de la publication n'est donc pas
absolu comme semble l'indiquer le texte, même si les instances de la
francophonie pense de plus en plus s'y orienter. C'est dire ici
qu'au-delà du texte en vertu duquel « les missions
francophones, à l'instar des autres observateurs internationaux publient
toujours un ou plusieurs communiqués de presse, notamment à
l'issue du processus électoral ; de même (qu') elles
rédigent un rapport au Secrétaire général de
l'organisation de la francophonie, lequel est systématiquement rendu
public »190. Il n'y a pas, à l'AIF de
publication systématique des rapports de fin de mission de monitoring
des élections même si en revanche les communiqués sont par
contre systématiquement publiés. Le principe n°5 l'indique
clairement : le CPF prend acte du rapport et se prononce sur la suite
à lui donner. Par cette seule formulation on comprend que la
question de la publication du rapport de fin de mission prend une signification
différente et assume par là même la flexibilité
pragmatique des missions internationales ou nationales de monitoring des
élections. Dans cette organisation aussi bien que dans d'autres, la
question de la publication des rapports est une question pas toujours
aisée pour des raisons pratiques comme le rappelle d'ailleurs la note du
13 octobre 2004 dans laquelle il est relevé qu' « il semble
difficile de répondre positivement aux nombreuses dispositions
nationales qui prévoient que les comptes rendus des missions soient
déposés auprès de la structure nationale compétente
avant leur départ »191. En plus, il y a
la crainte de voir la francophonie « impliquée dans des
contentieux électoraux»192. Il y a sans
doute ici une grande lucidité de la part des autorités de
l'organisation. C'est d'ailleurs le signe que le monitoring des
élections n'est pas une catégorie entièrement à
part du fonctionnement des rapports internationaux tant au plan juridique que
politique. Elle leur est complètement liée. Cette imbrication des
missions de monitoring des élections dans les relations internationales
et au-delà de l'importance qu'elles peuvent avoir dans le débat
juridique et notamment celui relatif à leur statut reste tout au moins
tributaire des rapports de forces qui s'expriment dans les relations
internationales et a priori bien au-delà de ce qu'on peut, bien
que très improprement, qualifier de la « bonne pensance »
politique et juridique internationale.
189 Cf. Note sur l'observation internationale des
élections à l'attention de la commission politique du conseil
permanent de La Francophonie, 1er mars 1994, p. 18.
190 Etat et pratiques de la démocratie des droits et
des libertés dans l'espace francophone : éléments pour un
premier rapport au Secrétaire général de l'organisation
internationale de la Francophonie, Doc francophone, p. 47.
191 Lire à ce sujet le rapport de la mission
exploratoire du 24 au 31 juillet 2004, en prélude à
l'élection présidentielle d'octobre 2004.
192 Note sur l'observation des élections à
l'attention de la commission politique..., 13 octobre 2004, p. 18.
49
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
CONCLUSION PARTIELLE
Il s'agit ici, de répondre à la question des
ressources et des logiques des acteurs du monitoring des élections
présidentielles. Nous avons analysé d'une part les ressources des
acteurs du monitoring des élections et d'autre part les logiques. A ce
sujet, nous avons identifié à la fois les ressources
financières, matérielles et humaines nécessaires pour les
acteurs dans leurs activités de monitoring des élections. Toutes
ces ressources réunis donnent aux acteurs des logiques de
déploiement sur le champ électoral camerounais à
l'occasion d'une élection présidentielle.
50
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
L'intérêt de cette partie réside dans le
fait qu'elle nous a permis en premier lieu assurément et ambitieusement
de comprendre que les phénomènes sociaux sont en effet d'une
particulière complexité, notamment par rapport à ceux de
l'ordre physique ; ils doivent souvent une part de leur existence à des
micro-logiques individuelles qui demeurent insaisissable dans leur
totalité et leur instantanéité par les acteurs
eux-mêmes.
Nous avons analysé sur le monitoring des
élections présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
étant donné que celui-ci se conçoit comme un
phénomène politique socialement construit par des règles
juridiques et pragmatiques d'une part et socialement structuré par des
enjeux d'autre part, nous a permis ainsi de mieux comprendre comment s'explique
un fait politique.
En deuxième lieu, celui des ressources de leur
répartition dans une situation socialement construite, pour comprendre
les logiques de déploiement des acteurs sur le terrain des
élections présidentielles au Cameroun.
51
Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
USAGES ET EFFETS DE REALITE DU MONITORING DES
ELECTIONS PRESIDENTIELLES AU CAMEROUN
« La présence d'observateurs internationaux
à des élections, à l'invitation d'Etats souverains, peut
faire toute la différence en ce sens qu'elle permet d'assurer que les
élections fassent réellement avancer le processus
démocratique. Leur seule présence peut dissuader de mauvaises
conduites, assurer la transparence et inspirer la confiance dans ce processus
»193
L'un des éléments majeurs de convergence autour
de l'envoi et du déploiement des missions de monitoring des
élections présidentielles peut être entendu comme un
consensus autour des finalités, celles-ci plus proches de
l'efficacité entendue comme la combinaison entre la théorie et la
pratique. Cette double considération se justifie par la
difficulté à séparer le monitoring des élections de
ces deux exigences : l'exigence éthique en ce qu'elle permet de limiter
la fraude électorale par exemple, et l'exigence politique parce que
toute élection s'inscrit nécessairement dans une perspective
d'acquisition du pouvoir. L'objectif d'efficacité se trouverait alors
atteint s'il s'orientait vers la satisfaction d'un résultat autour
duquel serait déterminée toute l'activité de monitoring
des élections présidentielles.
Analyser les usages et les effets des réalités
du monitoring des élections présidentielles reviendrait à
s'intéresser aux usages plurivoques du monitoring des élections
présidentielles (Chapitre 3), aussi bien qu'à ses effets de
réalité (Chapitre 4).
193Kofi Annan, huitième secrétaire
général des Nations-Unies de 1997 à 2006.
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Le monitoring des élections
présidentielles au Cameroun de 1992 à 2011
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